Le rituel a été pratiqué dans tout le pays. Dans certaines contrées, la pluie n’a pas empêché les autorités de déposer une gerbe de fleurs sur la stèle. Après 15 minutes de rituel, tout le monde rejoint sa demeure. Depuis les sept décennies, c’est la routine. À part les messes œcuméniques et les bouquets, les régimes qui se sont succédé n’ont fait aucune preuve de créativité.
Les historiens spécialistes sont mis à l’écart, comme d’habitude. Pourtant, chaque année, ceux-ci essaient de faire en sorte de clarifier les choses. De ce fait, ils s’invitent à des émissions spéciales, livrent des conférences-débats, pour apporter les fruits de leurs recherches, des travaux souvent financés de leur propre moyen. Qui leur tend les oreilles ? Bien qu’elle soit un symbole de résilience et d’unité nationale pour la Grande-île, l’insurrection du 29 mars 1947 est considérée comme un récit épique. Les Malgaches ont tellement visionné le film Tarzan que des idées comme suit leur viennent à l’esprit : « Des insurgés vêtus de pagnes, armés de sagaies avaient le courage d’affronter des soldats français bien équipés ». Une image véhiculée par des conteurs ratés voulant volontairement défigurer les patriotes de l’époque. Cette fable est regrettablement prise par certains intendants du pays. Sans consulter les bouquins, ils dessinent l’itinéraire des guerriers téméraires à bras chétifs en s’inspirant des aventures d’Astérix de René Goscinny. Rien d’étonnant si le peuple y croit de toutes ses forces. Le sujet de l’événement de 1947, est rarement soulevé par les médias des régions. Ici, le 29 mars se résume à l’interdiction de la vente et la consommation d’alcool. Or, les citoyens ont le droit de connaître l’histoire de leur localité. La méconnaissance des événements provoque, en effet, une crise identitaire. À force d’oublier les récits, la population n’aura aucune référence. Par conséquent, elle est déboussolée.
Suite à des entretiens menés à Antsiranana, sept sur dix lycéens ont affirmé ouvertement que l’histoire de Madagascar ne les intéresse guère, alors qu’ils résident bel et bien dans une ville à musée ouvert. Triste réalité ! Mais ce qui est intriguant, c’est le fait que ces jeunes en question rejettent la faute sur les historiens. « Nous ignorons notre histoire car les enseignants ne font pas correctement leur travail », ose dire un jeune homme de 17 ans, en classe de terminale, tandis que les bibliothèques se vident au profit des cybers. Par ailleurs, l’avènement des plate-formes numériques devrait être une occasion en or pour les étudiants dans la mesure où les diverses connaissances académiques y sont disponibles. En dépit de cet avantage, bon nombre d’adolescents cliquent sur des applications photos…
En somme, si le pays était une plante, l’histoire serait la racine, le tronc serait la tradition, les branches qui se ramifient seraient la culture, les feuilles comme les fleurs seraient les arts.
Iss Heridiny