(Chronique de Mickey) Une fois le COVID-19 officiellement annoncé, Antananarivo s’est brusquement vu dépourvu d’une bonne partie de sa population. Cette frange de Tananariviens mi-urbaine et mi-rurale, en tout cas ceux qui ne sont pas de la capitale de souche et s’y ajoutent les originaires des autres régions. On se rend compte maintenant que les grandes villes comme la capitale et Toamasina abritent de nombreux migrants. Pour la Ville des Mille par exemple, des petites activités ont en grande partie disparu. On sait maintenant que bon nombre d’épiceries, par exemple sont tenues par des citoyens non pas de la banlieue mais des périphéries éloignées – à 50 voire à plus de 100 km – de Manalalondo, du Vakiniadina et même de l’Imady… On découvre qu’ils sont venus en famille du même village pour tenter de faire fortune dans la capitale avec comme point commun le fort attachement à leurs lieux d’origine. Il en va de même des marchands de « mofo gasy », des « mpaningina », des vendeurs de « mangidy » (tisane), sans parler des marchands ambulants de toutes sortes. Le « blocus » de la capitale ne les a pas empêchés de rentrer chez eux même à pied. Leur image rappelle un peu les longues files de réfugiés, en temps de guerre, marchant vers une « zone libre ».
Ils ont tous comme motif celui de retourner auprès des leurs, quitte à ne manger que des brèdes et des racines une fois sur place. S’ils redoutent la mort due à cette maladie, ils se disent qu’ils seront au moins enterrés dans le tombeau familial. Oui, la racine du terroir n’est pas que celle du sol mais celle surtout des hommes et encore plus celle des ancêtres.
Puis il y a l’exode à rebours vers la capitale de ces jeunes étudiants des provinces, forts de leurs connaissances plus élevées que la moyenne. Ils ont eu vent assez vite du phénomène de coronavirus, et dès la suspension des cours universitaires dans la capitale et à Toamasina, ils ont aussitôt rameuté parents, voisins et les édiles de leurs régions respectives pour les « rapatrier ». Ils ont véhiculé des informations, certes un peu catastrophiques, mais il n’empêche qu’elles traduisent leur désarroi de se retrouver affamés et sans- le-sou.
Le reste des habitants – d’Antananarivo et de Toamasina – s’accommodent tant bien que mal aux consignes de confinement et aux barrières sanitaires. Certains se résignent à contrecœur à les respecter, tandis que d’autres les bravent ouvertement, arguant qu’ils préfèrent mourir du coronavirus que de faim. Enfin, une infime partie, dans ces moments difficiles, attend peut-être des troubles sociaux pour se livrer au pillage, et ce ne sera pas la première fois, dit-elle. En résumé, la peur de la pandémie, l’instinct grégaire de survie sont là pour que s’installe la peur sur la ville.
M.Ranarivao