
Membre connu de la diaspora dans les domaines de la société civile, du sport et de la politique, et parmi les dirigeants du Leader France, Philippe Rajaona est de passage au pays. Il coordonne le transfert des dons provenant d’un Collectif de Solidarité issu de la diaspora qui a organisé un événement de levée de fonds à Paris le samedi 28 mars 2015. Interview.
Midi : Que pensez-vous de la situation politique à Madagascar ?
PR : « Nous sommes toujours en situation de sortie de crise à la fois politique et surtout économique. Le retour à l’ordre constitutionnel est nécessaire, mais pas suffisant. Le retour à l’ordre institutionnel n’est pas achevé et reste à faire. Deux Institutions prévues par la Constitution ne sont pas encore en place : le Conseil Economique, social et culturel et la Haute Cour de Justice. »
Midi : Ces institutions sont-elles vraiment nécessaires en cette période où des priorités économiques et sociales attendent urgemment des solutions ?
PR : Leurs utilités sont indéniables. La HCJ est perçue seulement comme une institution capable d’organiser un impeachment alors qu’elle relève bien du sens de l’éthique qui voudrait que l’exemple vienne d’en haut et que toutes illégalités des hauts dirigeants soient sanctionnables comme il se doit pour ne pas avoir une justice à plusieurs vitesses. Quant au CES, il est en théorie l’institution idoine pour accompagner la sortie de crise économique. Nous constatons qu’actuellement le pays subit de plein fouet le passif de 5 années de ralentissement économique. Ce type d’institution aurait dû avoir son rôle à jouer dans l’élaboration du PND et de sa mise en œuvre, la considération du dialogue social et l’étude des cas de la JIRAMA et d’Air Madagascar. »
Midi : A propos justement de la JIRAMA et d’Air Madagascar, avez-vous des solutions à proposer ?
PR : « Le pays gagnerait à penser autrement la politique de l’énergie. Avec 15% d’électrification nationale, nous devrions consacrer nos efforts à rendre effectives les visions d’Electricité pour tous et de l’Eau pour tous, en impliquant les régions avec des budgets décentralisés au lieu d’investir quelques 12 millions d’euros par mois pour faire survivre la JIRAMA. La même approche est valable pour Air Madagascar qui devrait abandonner durant une période moratoire les longs courriers sources des principales charges et difficultés de notre compagnie nationale, laissant ces services à l’Open Sky, solution appropriée pour nous ramener les touristes que nous attendons tant mais qui iront ailleurs dans la mesure où nos tarifs ne seront pas concurrentiels. Air Madagascar pourra ainsi assainir sa trésorerie et renforcer son réseau domestique. Il ne s’agit pas de penser seulement Air Madagascar même si c’est un emblème incontestable de notre nation, mais d’avoir une approche Tourisme avec Air Mad comme un des vecteurs. Tous les réceptifs, les infrastructures aéroportuaires, les emplois dans le tourisme et ses dérivés en seront bénéficiaires. »
Midi : Et le redressement économique du pays ?
PR : « La clé pour l’essor économique se trouve dans notre approche de la création de richesse. La transparence et la redevabilité sociale devraient être des pratiques non négociables. La Chine s’est réveillée à partir du moment où Deng Xiaoping a lancé en 1992 le fameux « Enrichissez-vous ! ». Nous devons convenir d’un new deal pour être d’accord de nous enrichir ensemble sans appauvrir le pays. Nous devons repenser notre vision économique et nos relations avec le reste du Monde. Ainsi, nous devons repenser notre relation avec la France et imposer une vision « Madagascar, Iles Unies » pour bénéficier de notre Zone Economique Exclusive et de notre droit international sur les îles éparses tels confirmés par deux résolutions de l’Onu en 1989. »
Midi : Avez-vous des mots à dire sur le processus de réconciliation en cours ?
PR : « Une réconciliation républicaine sera la meilleure réconciliation nationale. Madagascar n’appartient pas à un président, actuel ou anciens. C’est la chose publique, un bien commun hérité et à transmettre. L’Armée et les églises sont des recours et doivent réintégrer la caserne et les temples une fois la situation exceptionnelle passée. Aux civils de s’engager dans les partis et se présenter aux élections. A la société civile de contrebalancer ou de prolonger les prérogatives de l’Etat, à la presse de s’exprimer dans la liberté éthique et responsable, aux opérateurs économiques de dynamiser les secteurs créateurs de richesse. Tout cela dans une vision commune républicaine, civile et laïque. »
Propos recueillis par R. Eugène