L’homme n’a plus rien à perdre. Il a réalisé au Carlton une conférence de presse. L’Amiral Didier Ratsiraka, car il s’agit de lui, a eu en face de lui trois journalistes politiques. Presse écrite, télévision et radio. Il a souhaité être diffusé en direct sur la chaîne nationale mais même ancien président de la République durant une vingtaine d’années, il n’a pu obtenir cette faveur des autorités actuelles. Mais une station de TV cotée en ce moment s’en est chargée pour que les téléspectateurs d’un bout à l’autre de la Grande Ile puissent suivre l’intéressante émission de… déballage jusqu’au bout.
« Plus rien à perdre »
Depuis les sommets des chefs d’Etat organisés par le FFKM dans le cadre de la réconciliation nationale, il est très rare que Didier Ratsiraka intervienne sur les médias. Le fondateur de l’Arema a passé la main depuis longtemps la gestion du parti à la relève. A 80 ans l’année prochaine, il apparaît normal que l’on vive une retraite en douce loin des caméras et des bruits de la ville. Il a dit lui- même que son avenir est derrière lui. Il n’a rien plus à perdre. On comprend dès lors qu’il a profité de cette sortie du livre de Cécile Lavrard-Meyer intitulé « Didier Ratsiraka: Transition démocratique et pauvreté à Madagascar » pour s’ouvrir, réveiller les mémoires sur des faits passés et des événements tragiques qui ont jalonné l’histoire, qui ont posé tant d’interrogations sans réponse et qui ont multiplié les soupçons sur sa personne durant son régime. Une aubaine ! D’aucuns savent que la recherche de la vérité s’est souvent heurtée à des murs à tel point que le dicton, « toute vérité n’est pas bonne à dire» a pris de la valeur dans ce pays. Hier, l’Amiral Didier Ratsiraka, alerte et vif, rompt le silence. Il surprend, il désarçonne. Il fait appel à ses souvenirs. Il raconte des traits d’histoire avec une mémoire impressionnante. Il a apporté des précisions qui suscitent la réflexion et le doute sur les accusations portées contre lui. Que s’est-t-il passé réellement sur tel ou tel événement? Au final, les déclarations d’hier ont –ils éclairé davantage ou ont-ils donné plus d’ombres et de nuages aux interrogations des uns et des autres ? L’assassinat de Ratsimandrava ? Le mystère reste entier. Un autre nouveau nom est jeté en pâture. Il éloigne des chemins battus. Mais ceux qui n’aiment pas tourner en rond se demanderont toujours, à qui a profité le crime ? Le massacre du 10 août 1991 sur la route du Palais d’Iavoloha. Les responsabilités ? Personne ! La Justice a fini par s’en lasser. Mais hier, l’Amiral Didier Ratsiraka a pris sa revanche. Sa volonté de déballage vient à un moment opportun. A un moment où l’ambiance politique est délétère. Il a donné le ton. Mais le croire est une autre question. Mais que les politiciens concernés par ces époques tragiques de l’histoire en témoignent aussi. L’unique vérité finira bien par s’imposer.
Zo Rakotoseheno