Rappel, le roman de Stevenson de 1886 raconte l’histoire d’un brillant médecin Docteur Jekill qui à la suite d’une formule de son invention peut changer de personnalité. Ainsi, peut-il être ange et devenir à sa guise démon et vice-versa. Le politicien malgache a-t-il avalé cette potion ? Ange, il est, quand il veut séduire son auditoire. Il trouve les mots justes enfilés en discours envoûtants et arrive à drainer de nombreux sceptiques devenus partisans. Il trouve le talent de subtiliser les angoisses des uns et des autres qui se substituent en lui. Et le voilà, jouant une flûte enchantée charrier une foule prête à se sacrifier au rythme de notes savamment distillées. Un défilé d’amnésiques, de ses errements passés, le suit, car il est le Docteur Jekill.
Démon, il est devenu quand pasteur, il est. Quand, au nom même de la protection de ses ouailles, d’avant, il devient Père Fouettard. Il est devant, le bouclier pour ses moutons des attaques barbares venues troubler la sérénité. La puissance publique légitime, la coercition légale et la force du droit forment la carapace qui l’emmure des appels à la raison. Pour lui, il n’y a qu’une seule raison, la Raison d’Etat. Le bonimenteur se révèle au grand jour. L’ordre, la stabilité martèlent-ils à longueur de journée et tant pis, les larmes forcées (dues aux bombes) n’y changeront rien. Et voilà, tantôt chatons tantôt chacals, ils sont toujours là pour berner le monde.
Et malheur à ceux qui dévoilent leur dessein inavoué, malheur à ceux qui osent démystifier les vérités vite oubliées. Ils seront les damnés de la place, des vendus pour les uns et des jaloux pour les autres. « …Exilé sur le sol au milieu des huées /Ses ailes de géant l’empêchent de marcher » avait dit Baudelaire.
Attention, la morale est sauve dans le roman, puisque le méchant après voir ravagé tout son entourage a finalement été tué, mais a retrouvé à l’ultime instant son visage d’ange. Rares sont les hommes politiques qui n’ont pas connu de reconnaissance sous forme de funérailles nationales.
M.RANARIVAO