
L’accumulation du capital, la création d’une banque de développement malgache, ainsi que la protection de la force productive figurent parmi les éléments indispensables permettant de développer Madagascar, d’après les économistes du CREM.
Après un grand débat en interne, les membres du CREM (Cercle de Réflexion des Economistes de Madagascar) ont exposé leur point de vue sur la politique à adopter, pour favoriser la croissance et le développement du pays. Plusieurs recommandations ont été présentées par ces experts, lors d’une conférence de presse organisée jeudi dernier, dans les locaux de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Antananarivo (CCIA) à Analakely. Parmi les grandes lignes des propositions, le CREM a souligné la nécessité d’instituer une plateforme où les dirigeants et la classe politique peuvent écouter le débat des économistes en matière d’économie politique et de philosophie, afin qu’ils puissent accumuler plus de connaissances sur l’histoire, sur le pays, et surtout la valeur fondamentale des Malgaches. Par ailleurs, la structure actuelle de l’économie qui dépend beaucoup des importations dédiées à la consommation finale, n’est pas favorable à la création de valeurs, selon les économistes. « Nous devons opter pour le mercantilisme où la monnaie nationale – en opposition à la monnaie étrangère – a une place centrale. C’est par le biais d’une monnaie nationale de confiance qu’on peut mobiliser toutes les ressources nationales et s’assurer de la liberté d’action. En d’autres termes, il faut que Madagascar acquiert une indépendance économique », a avancé Rakoto David, porte-parole du CREM et non moins doyen de la Faculté DEGS à l’Université d’Antananarivo.
Besoin d’harmonie. D’importants financements ont été alloués pour développer certains secteurs d’activités jugés porteurs de croissance, mais les résultats ne sont pas très visibles. Selon le CREM, il faut entreprendre des actions multi-composantes, pour que ces différentes interventions soient efficientes. « Les parties prenantes au développement de Madagascar doivent mettre en œuvre toute une série de stratégies permettant au pays et à ses citoyens d’accumuler le maximum de capital. C’est une vérité fondamentale en économie politique, comme l’ont prouvé les grands économistes de références comme Karl Marx, Fisher, etc., dans leurs ouvrages. En outre, Madagascar doit créer une banque qui permet réellement de mobiliser les capitaux dormants et de favoriser les investissements. Nous préconisons la création de banques avec des capitaux majoritairement malgaches, et surtout, la création d’une Banque malgache de développement », a affirmé le porte parole du CREM
Monnaie forte. A Madagascar, tout comme dans les rares pays à la traine en termes de création de valeurs, on parle beaucoup d’industrie mais rarement d’industrialisation. Ministère de l’Industrie … dit-on. Ce département s’occupe en effet de calmer les industriels et de négocier lorsque des revendications se présentent. Mais y a-t-il une véritable politique d’industrialisation ? Le CREM n’a pas abordé le sujet. Toutefois, il a souligné l’importance de rendre l’Etat plus actif et volontaire, engagé dans le processus de développement. « Il nous manque un Etat développementiste qui entretient et protège le développement de la force productive, c’est-à-dire l’industrie. Cela devrait pourtant nous permettre d’arrêter l’exportation de matières brutes et de n’exporter que des produits manufacturés. Le grand défi qui devrait être relevé est celui de faire en sorte que Madagascar figure parmi les premières places commerciales et monétaires mondiale avec comme objectif, l’internationalisation de la monnaie nationale, afin de surmonter la domination de la monnaie internationale. Il s’agit là d’imposer notre monnaie nationale à l’intérieur du pays (inversion monétaire, passage à la finance inclinée), de bien gérer les finances de l’Etat pour que la nation puisse prendre une initiative monétaire (Etat puissant, au moins 30% de son Budget financé par sa propre monnaie) », ont expliqué les économistes du CREM.
Captal humain. Tous les acteurs du développement s’accordent à dire que l’agriculture est le principal secteur porteur de croissance à Madagascar. En effet, la Grande-Ile dispose d’une grande surface de terres cultivables et de mains d’œuvre suffisantes pour lancer une production à grande échelle. Madagascar peut faire de l’agriculture un pilier de l’économie en assurant la mécanisation agricole et la réforme foncière, pour aboutir à l’autosuffisance alimentaire et à une agriculture tournée vers l’exportation. « Ce secteur figure parmi ceux qui présentent des avantages comparatifs dans ce pays. Mais il reste mal exploité. Pour corriger cette situation, les dirigeants devraient faire de l’éducation une priorité absolue de l’Etat. Il faut un système éducatif adéquat, des formations professionnelles conformes aux besoins du marché de l’emploi, etc. Ces besoins ne sont pas nouveaux, mais ils restent insatisfaits. En outre, il faut également instaurer un système de santé convenable pour tous, même dans les zones les plus enclavées. Par ailleurs, il faut aussi intégrer la population dans l’esprit de changement et le processus du développement inclusif : incitation, encouragement (loi foncière au profit de la population, possibilité des paysans de s’épanouir dans le monde l’agri-busines, etc.) Cela devrait aller de pair avec la réintégration des valeurs malgaches fondamentales dans la société (humilité, intégrité, « fihavanana », rigueur). Cela permet de conduire les politiques à observer l’éthique, équité, la solidarité, constituant les bases de la redevabilité sociale et le patriotisme », a soutenu le CREM. Outre ces propositions, cette association a cité l’instaurer d’un système judiciaire efficace, indépendant et fort ; le renforcement de la lutte contre la corruption en instaurant un système de gouvernance approprié aux valeurs malgaches, et enfin l’instauration des institutions économiques fortes pouvant favoriser les recherches, et l’innovation.
Antsa R.