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mercredi, juillet 9, 2025
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Politique monétaire : « Echec prévisible de la manipulation du taux directeur », selon Zavamanitra Andriamiharivolamena

Zavamanitra Andriamiharivolamena, chercheur et enseignant en Economie monétaire et financière.

La politique monétaire menée à Madagascar aboutit rarement aux objectifs escomptés, si l’on se réfère au passé. Chez les économistes, des questions se posent sur l’indépendance réelle de la Banque Centrale, dans la conduite de cette politique. Le monétariste Zavamanitra Andriamiharivolamena, chercheur et enseignant en Economie monétaire et financière répond à nos questions, pour des éclaircissements sur le sujet. Interview.

Midi Madagasikara (MM). La Banque Centrale de Madagascar (BCM) vient d’annoncer un ajustement du taux directeur dans le cadre de sa politique monétaire. Que représente ce taux et quelle est cette politique ?

Zavamanitra Andriamiharivolamena (ZA). De par ses statuts et ses activités récentes, la BCM a pour mission principale d’assurer la stabilité des prix, d’où son principal objectif : la lutte contre l’inflation. Sans faire obstacle à cet objectif principal, ses statuts lui prévoient toutefois la possibilité de soutenir la politique économique en général du gouvernement, en l’occurrence la croissance économique (PIB).

L’un des principaux instruments dont dispose la BCM pour atteindre ses objectifs est le maniement du taux directeur (augmenter ou diminuer) qui est le taux de référence des banques territoriales aussi bien dans leur opérations réalisées sur le marché monétaire que dans leurs opérations de rémunérations des épargnes et d’octrois de crédits. Pour faire simple, lorsque les banques territoriales ont besoin de liquidités, elles peuvent se prêter de l’argent entre elles-mêmes sur le marché monétaire ou en dernier ressort auprès de la BCM ; le taux de référence est alors le taux directeur de la BCM (exemple : 9%). Lorsqu’elles prêtent de l’argent à ses clients, elles appliquent des taux d’intérêt équivalant au taux directeur de la BCM rajoutée d’une « marge bénéficiaire » (exemple : 18%).

Le maniement du taux directeur pour atteindre ses objectifs d’inflation et de croissance économique représente « la politique monétaire ». Lorsque la BCM vise à accroître le PIB, cette politique est appelée « une politique monétaire expansionniste ». Lorsqu’elle vise à limiter l’inflation, celle-ci s’appelle « une politique monétaire restrictive »

  1. Techniquement, à quoi peut on s’attendre avec cette augmentation de 0,5 point ?
  2. Lorsque la BCM vise à accroître le PIB, elle baisse le taux directeur. Cela sera suivi par une baisse des taux d’intérêts des banques territoriales. La baisse des taux d’intérêts des banques territoriales favorise la demande de crédits des ménages pour leurs consommations et des entreprises pour leurs activités d’investissement et de production, en somme la demande globale. Un dynamisme économique s’installe alors pour permettre un accroissement du PIB.

L’accroissement non maîtrisé de la demande globale peut générer une tension inflationniste dans le pays lorsque les biens et les matières premières demandées deviennent de plus en plus rares sur les marchés. Pour freiner cette tension inflationniste, la BCM décide alors d’augmenter le taux directeur, qui entraînera par la suite l’augmentation des taux d’intérêt des banques afin de limiter la demande de crédits et donc la demande globale.

A en croire les déclarations de la BCM, en augmentant le taux directeur de 9% à 9,50%, elle vise à ramener le taux d’inflation de 8,2% du mois d’aout 2017 à 7% comme c’était le cas pour la même période en 2016.

  1. Selon les expériences passées, la manipulation du taux directeur a-t-elle permis d’avoir les objectifs escomptés ?
  2. Malheureusement, les expériences passées nous ont démontré que les impacts de la politique monétaire menée jusqu’à présent ne sont pas palpables, donc ça n’a pas eu d’impact sur le quotidien des Malgaches en général qui subissent encore et encore la cherté du coût de la vie. Il s’agit de problèmes structurels de l’économie malgache marqués par deux faits majeurs. D’abord, les banques territoriales ne réagissent pas vraiment aux variations du taux directeur de la BCM, surtout dans le cas d’une diminution pour jouir d’une marge bénéficiaire beaucoup plus importante. Ensuite, Madagascar a un très faible taux de bancarisation (moins de 5%), ce qui rend impossible la transmission de la politique monétaire, car plus de 95% des Malgaches n’accèdent pas aux services bancaires dont les crédits. A cela s’ajoute la dominance du secteur informel qui réduit encore le faible impact de la variation du taux directeur sur les autres indicateurs de l’économie.
  3. En effet, le taux d’intérêt variable appliqué par les banques primaires semble ne pas suivre la tendance du taux directeur. Quelles seraient les explications ?
  4. Les banques ne réagissent pas à la politique monétaire de la BCM, car il n’y a pas de véritable concurrence entre elles. Le marché du crédit, comme tout autre secteur clé de l’économie malgache, est en situation d’oligopole. Cela incite les banques à trouver des ententes sur la fixation de leurs taux d’intérêts et de leur répartition géographique ou en d’autres termes, le partage de territoire. L’Etat malgache à travers ses institutions étatiques devrait surveiller et empêcher cette situation de marché qui nuit fortement aux ménages malgaches.

Recueillis par Antsa R.

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