
Dans les années 70 et 80, Antsahamanitra était presque la scène de référence pour la musique malgache, surtout tananarivienne. Plusieurs années après, avec l’avènement des lieux comme le Palais des Sports et la ‘culture’cabaret, ce lieu a un peu perdu de sa superbe. Antsahamanitra garde toujours cet esprit de magie, même aujourd’hui. Description d’un patrimoine en plein centre de la Capitale.
A Antananarivo, le succès d’Antsahamanitra se remémore le plus souvent que les couacs. Cette scène, « placée dans un lieu stratégique, près des palais » selon Doodalah Donovan, producteur en hip hop de l’association Oé Kôp a déjà tâté le potentiel de ce site. Il se trouve en hauteur dans le quartier huppé d’Isoraka, rassemblant les banques et les magasins de luxe. L’histoire de la musique moderne malgache, celle d’après l’Indépendance est reliée à Antsahamanitra. « On pouvait dire que c’est un lieu mythique. On pouvait évaluer la notoriété d’un groupe quand il arrivait à le remplir », met en évidence Vahombey Rabearison, musicien et spécialiste en ingénierie culturelle.
« J’y ai chanté avec le groupe Iraimbilanja, avec des tubes comme ‘Ampelako’et ‘Besorongola’des créations de Xhi et Màa, que nous avons ravivées », ajoute-t-il. Comme si c’était encore hier. Et Noah Raoelina, médiateur culturel reconnu, d’ajouter : « Si un artiste y allait en solo, et qu’il réussit à remplir Antsahamanitra, c’est qu’il a réussi son examen et peut alors faire des tournées… Je m’en souviens, quand nous y allons en famille, c’était un genre de pique-nique… Nous emmenons la nourriture, on arrivait à l’heure pile où les portes s’ouvraient. Les ‘Kiaka’, ‘Tiana’, ‘Rebika’, ‘Tapôlaka Glady’, ‘Manalazy vita bac’… une époque folle. Et maintenant, des concerts de rap de très bonne facture ».
Du côté des artistes, malgré le prestige des lieux, Antsahamanitra est loin d’être un passage obligé. Ifanihy Roland Randriamanantsoa, « folk singer » de génie, garde les pieds sur terre. « Il paraît que c’était une place de spectacle du temps des royaumes… Mais pour moi, il ne possède pas de signification particulière étant donné qu’il ne correspond pas à mon style musical. Pour la plupart des artistes malgaches, réussir à Antsahamanitra est gage de notoriété. Cependant, ce sont les artistes qui choisissent leur scène ». Les endroits mythiques ont ceci de commun : celle de générer la fascination et la lucidité. Il est tout à fait juste, qu’Antsahamanitra n’est rien d’autre qu’une scène parmi tant d’autres.

Cependant, la plupart des références du milieu de la musique malgache admettent toujours avoir une sorte d’appréhension en foulant cette scène. « J’y suis monté pour la première fois lors du festival Madajazzcar 2011 en accompagnant l’organiste suisse Frank Salis. Ensuite, j’y suis revenu plus fréquemment. C’est une grande scène, alors, il faut bien se préparer techniquement, matériellement et avoir l’attitude mentale et physique », reconnaît Sanda Ranaivosoa, jazziste et un des meilleurs guitaristes de la place, actuellement. Cette appréhension s’explique sans doute par le cadre avec ses verdures, sa toiture à ciel ouvert, comme si le public se trouvait dans une salle mais avait des étoiles au-dessus de la tête.
« Il est particulièrement apprécié des jeunes… on se retrouve plus proche du public, c’est facile à sonoriser. On est bien aéré et les arbres nous abritent des rayons de soleil (rires) », s’amuse Patrick Rakotovao ou Deba, une référence dans le milieu du metal malgache. Des carrières ont bel et bien connu une autre dimension après un Antsahamanitra. Des chanteurs et chanteuses douté(e)s par l’opinion ont réussi à la grande surprise des observateurs à remplir ce lieu. D’autres moins chanceux, et non des moindres, ont connu des flops. « Il faut remettre tout cela à niveau maintenant, face aux exigences actuelles », espère Doodalah Donovan. « L’impossibilité d’emmener une voiture près de la scène rend difficile les installations », fait remarquer Noah Raoelina.
Avec ses 4.000 places, ou un peu plus, Antsahamanitra n’est pas vraiment une grande scène. Dans d’autres pays, il est facile de retrouver des petites salles de cette taille où les seconds couteaux de la musique locale peuvent s’enorgueillir de remplir. Le futur de ce lieu mythique tananarivien semble être voué à ce sort. Loin des concerts à guichets fermés de Tirike, une gloire du tsapiky, des rendez-vous annuels d’AmbondronA… Sans doute, en ce temps, certaines têtes d’affiche de la musique malgache n’y vont que par nostalgie. Pour retrouver la flamme des débuts et les emmener vers les autres concerts dans leur programme.
Maminirina Rado