
En plein centre d’Antananarivo, quartier administratif et quartier populaire, Ampefiloha a été édifié dans les années soixante. Accueillante, mystérieuse et festive… cette cité fait partie de la mémoire urbaine de la Capitale.
Un quartier qui s’expérimente, à travers ses dédales de couloirs, ses places fortes, ses parpaings, ses coins spéciaux pour la causette entre voisins… Ampefiloha symbolise l’urbanisation moderne, aux premières loges des bas quartiers, Si on prend en référence la situation géographique de la capitale Antananarivo. Sans être une cité tentaculaire, les accès pour y entrer sont nombreux. Voilà pourquoi, il est considéré comme étant en plein centre ville. En voiture, à bicyclette, à pied, même le train y passe depuis des lustres.
La vie des habitants y est paisible. Avec comme hantise les grosses pluies, quand l’eau arrive à entrer dans les chaumières. Après les trombes, on retrouve les portails de chaque maison ouverts, tout le monde s’affaire à évacuer les mini inondations. Ensuite, ça discute, ça élabore des stratégies pour se prémunir de la montée des eaux. Mais l’année suivante, on recommence les mêmes gestes. Bref, à Ampefiloha, tout ce qui concerne la communauté finit toujours par être discuté en bon voisinage. Ce que fait remarquer Lalaina Rajaonarivo, un fils du quartier, la quarantaine révolue. « On y retrouve encore les bases de la malgachéité, une société qui aime l’entraide, le fihavanana, le vivre ensemble… ».
Projet national. La naissance d’Ampefiloha est liée à un vaste effort d’urbanisation de l’Etat, afin de viser « l’amélioration du niveau de vie de la majorité des Malgaches. Il faut en effet savoir qu’il n’y avait que 11,5% de la population qui étaient citadins dans les années 60 », d’après Lala Herizo Randriamihaingo, dans son travail de mémoire intitulé « Les partis gouvernementaux et l’espace malgache de 1960 à 2001 ».
L’implantation du quartier était accompagnée par d’autres, à savoir Ambohipo, Ampefiloha, les 67 ha, Mandroseza, Analamahitsy et Itaosy. Les autres régions allaient également en profiter comme à Antsiranana avec la Cité la Sim, Fianarantsoa à Antarandolo, à Mahajanga avec 597 logements dans Manjarisoa et Tsaramandroso, Manakara à Ambalakazaha, à Mananjary pour Andranomamy… Toamasina avec les cités Valpinson, Béryl rouge et Béryl rose. Enfin à Toliara dénommée la cité Sisal à Beloha.
Dans l’histoire post indépendance de Madagascar, aucun projet immobilier n’est encore venu à la hauteur de la mise en place de ses quartiers. Un parc de « 7.500 logements » selon les estimations. Fort de cette histoire commune, Ampefiloha est une des premières communautés cosmopolites d’Antananarivo. Les résultats de ce brassage a toujours été positif selon Naty Kaly, artiste multiforme, graffeur, chanteur… et promoteur de « JamerlaKoonaction », devenue une des soirées branchées de Tana chaque 25 juin. « C’est une cité riche… Disposant de nombreux talents, que ce soit culturel ou sportif. Bref, dans tous les domaines. Une cité productive et active. Souvent, on se retrouve dans les meilleurs quel que soit le secteur », met-il en avant.
Beaucoup se souviendront des magasins dévalisés en 2009 au fort de la crise. Comme un seul homme, les habitants du quartier se sont levés pour contrer les casseurs. Un affrontement civil a été évité de justesse. « Des milliers de personnes s’agglutinaient sur le pont, en première ligne se trouvaient des femmes et des enfants. On aurait dit que c’était organisé, voire préparé. Ils s’étaient préparés à semer la pagaille. De notre côté, nous étions prêts à les contrer. Les policiers sont entrés en scène et cette foule s’est éparpillée. Nous voulions surtout garder l’honneur de notre quartier », se souvient un riverain qui tient à garder l’anonymat.
Pertes de repères. Mais depuis cette période, l’insécurité est montée en flèche dans le quartier. Des vols à la tire, des attaques à main armée… Ampefiloha a perdu sa réputation de quartier inviolable. « Cela est dû au fait qu’il n’y a plus de leaders dans tous les aspects de la vie de la communauté. Ils étaient également des modèles », analyse Valisoa Ramaherijaona, ayant passé toute son enfance dans la cité. Il y a eu une vague de leaders à chaque génération. Autant qu’il se souvienne, « comme les Daniel Ramaromisa, ensuite, la génération d’après a repris le flambeau. Et celle d’après… », ajoute Valisoa Ramaherijaona. Ce dernier a monté un groupe sur facebook, connectant tous les anciens et actuels habitants, du lointain Canada à Toamasina, de son secteur Kintana, une des multiples subdivisions du quartier.
A Ampefiloha, les jours ne changent jamais pour certains. Le chômage est un fléau gagnant de plus en plus les jeunes. L’époque dorée des « légionnaires » et des hyper diplômés est révolue. Un des pouls d’Antananarivo, la cité ressent également le marasme actuel.
MaminirinaRado