Les hommages à Dadah fusent de partout. Dans cet élan de tristesse et cette vague de reconnaissance à un autre pilier du groupe Mahaleo, nous avons choisi de republier un portrait de Dadah, datant d’il y a 16 ans, alors qu’il n’avait pas encore 50 ans et que Mahaleo célébrait son 30e anniversaire. Paru dans Midi Madagasikara le 8 août 2003, ce portrait, réalisé par l’un de nos collègues d’alors, reflète l’âme d’artiste de Dadah, mais laisse aussi découvrir l’homme simple, modeste et humble qu’il était au quotidien.
Dadah, Andrianabela Rakotobe de son vrai nom, n’est certainement plus une figure à présenter dès qu’il s’agit de musique. La sienne qui a bercé au moins trois générations de mélomanes malgaches s’est immiscée plus souvent qu’on ne le pense, dans la vie de ces derniers. Il n’empêche, on connaît finalement peu de choses sur ce pilier du groupe Mahaleo, si ce n’est bien entendu, ses chansons et sa profession de médecin. Et si l’on vous disait que Dadah a déjà revêtu le kimono de judoka, que son anniversaire est également la date de la fête de la musique, ou qu’il apprécie particulièrement la musique d’Elton John ou encore l’âme de poète de Rado ? Portrait d’un artiste dont le talent n’a d’égal que la modestie.
On sait que dans sa fratrie, Dadah compte plusieurs âmes d’artistes. Issu d’une famille de onze enfants, il compte parmi les siens une mère poète et écrivain ainsi qu’un grand frère qui a suivi le même chemin et dont on retrouve les empreintes dans une des chansons de Bekoto, le trop fameux « Lendrema ». Son père, quant à lui, est un féru de guitare et un grand amateur de « tendry gasy », et son autre frère, Bebel, outre son talent pour le dessin, est également auteur-compositeurs déjà connu du public, tout comme Nono, du groupe Mahaleo que l’on ne présente plus. C’est donc le plus naturellement du monde que Dadah s’est découvert une passion pour la musique.
Si Mahaleo en est à ses 30 ans d’existence, Dadah, lui, marche sur ses 35 ans de chanson, ses premières compositions remontant bien avant la genèse du groupe Mahaleo. Sa toute première chanson est d’ailleurs parmi les plus célèbres : « Ianao » ! A ce jour, il compte sur son répertoire quelque 105 chansons. Sur ce point, il détient le record au sein du groupe Mahaleo. Son style : la rime. « Je me sens vraiment dans mon élément à travers des vers bien rimés auxquels j’ai été habitué pendant longtemps », explique-t-il. Puis, il y a cette manière très particulière de jouer de la guitare qui n’est pas pour autant basée sur l’accord « gasy » mais plutôt un style « open » que Dadah s’est approprié pour en faire un cachet très personnel.
Nombreux couples. Grand amoureux de la langue malgache, Dadah avoue toutefois, se trouver quelques lacunes dans ce domaine. « J’ai encore beaucoup à apprendre de nos aînés ou encore ceux qui maîtrisent les arcanes ». C’est sans doute ainsi qu’il compte également, parmi les âmes d’artistes qu’il apprécie tout particulièrement, le poète Rado. Et abordant ce chapitre des préférences, notons également ses penchants pour le talent de Fanja Andriamnantena et pour l’autre monument de la chanson malgache, Bessa. Sous d’autres cieux, ceux d’Elton John, de Lionel Richie et de James Taylor figurent parmi les artistes affectionnés par Dadah. Ce qui n’est pas toujours palpable au premier abord dans ses propres œuvres, selon certaines ouïes.
Mais quoi qu’il en soit, à travers ses compositions dont les thèmes tournent autour de l’amour – et l’humour qui a tendance à s’estomper au fil des années, reconnaît-il, Dadah a réussi un challenge qui est, somme toute, celui de tout auteur compositeur : parvenir à faire passer un message à travers ses chansons. Pour sa part, Dadah s’estime avoir réussi sur ce plan « car au cours de toutes ces décennies et à travers mes chansons, de nombreux couples se sont formés et ont duré, devenus plus tard des familles », confie-t-il. Une satisfaction qui vaut tous les succès du monde. Et pourtant, il constate que ses chansons ont tendance à être oubliées du public au fil du temps, faute d’être chantées assez régulièrement sur scène. De ce fait, il se sent quelque peu « frustré ». C’est ce qui l’incite sûrement à produire en dehors du cercle des Mahaleo.
Du…rap ! De Dadah, sa musique est certainement plus connue que le reste de sa vie. A 49 ans – il vient d’ailleurs de les fêter le 21 juin dernier – Dadah a consacré de nombreuses années à la médecine. Car derrière l’artiste se cache un homme exerçant un noble métier. Il a parcouru bien du chemin sur le plan professionnel. Son diplôme de docteur en médecine en poche, il quitte la Grande Ile en 1987 pour des études de spécialisation en traumatologie en France. Il est revenu en 1996 pour exercer au pays. A Antsirabe, sa ville natale, puis, à Antananarivo. Il est aujourd’hui en poste au service neurochirurgie de l’HJRA. « Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à mes chefs hiérarchiques, à Antsirabe, en France, ou à Antananarivo, d’avoir fait preuve de compréhension, vu mon statut d’artiste », a-t-il avoué. Il est vrai, ce n’est pas facile d’être de garde, alors qu’on doit assurer un spectacle ailleurs.
Sur un plan plus personnel, l’on n’apprendra plus aux admirateurs de Dadah qu’il est père de deux enfants, une fille et un garçon, qui évoluent eux aussi, dans la musique, sans pour autant marcher sur ses propres traces. Son fils, Agy, aujourd’hui à l’étranger, a choisi une autre voie, et fait du…rap. Quant à sa fille, Ialy, elle évolue de temps en temps dans l’évangélique et le jazz. Mais cette dernière a tenu à chanter avec son père en interprétant ses compositions.
Mots croisés, foot, judo et… « looks ». Grand amateur de mots croisés, de foot et de judo (Dadah est ceinture marron, qu’on se le dise !), il n’en est pas moins cinéphile avisé et un grand amateur de bière et de bons petits plats bien malgaches, du genre ravintoto ou sofin-kisoa. Il lui arrive et plus d’une fois, de manger aux stands des fameux « looks ». Dadah, après 35 années de chanson, n’est pas près de décrocher, bien au contraire. Son 3e album avec le groupe Dadah Rabel sera pour bientôt…
Portrait réalisé par Val
Andriamahaitsimiavona
Vive émotion
Vous l’aurez compris, dans quelle émotion, 16 ans après la publication de ce portrait, se trouve son auteur, fervent admirateur de Dadah. La même vive émotion que pour beaucoup d’autres admirateurs. Vous l’aurez deviné, en 16 ans, Dadah avait écrit et chanté plusieurs autres nouvelles compositions, et une 4e génération d’admirateurs, plus jeunes, est en route, pour perpétuer ses œuvres avec celles de Mahaleo.
Hanitra R.