
On l’a vu pour la première fois avec Xtah, Tsikn et Menoth dans le titre « Level god ». Pourtant, MoneyRow a toujours été témoin de l’évolution du rap au cours des années. Il a été omniprésent dans le monde du rap malgache. « J’ai été omniprésent dans le monde du rap sans vraiment me manifester pour autant… je connaissais des rayons entiers sur les rappeurs malgaches, ceux du ‘mainstream’ [pour grand public, ndlr] et ceux de l’autre côté, ‘le côté obscur’, l’underground », a-t-il rappelé.
« Je suis connu en tant que basketteur plutôt que rappeur. Et je dois avouer que je n’ai jamais été à l’aise avec cette étiquette de rappeur », a-t-il confié. Alors âgé de 32 ans, il s’est enfin décidé à se lancer publiquement, l’été dernier. Avant de se faire découvrir, il rappait déjà en studio mais ne faisait écouter ses morceaux qu’à un cercle très réduit de quelques amis seulement…
Cette année, il prépare son album MOP (Money of Program). Un disque qui contiendra plus d’une quinzaine de morceaux. Comme toujours, ce « monstre » du rap malgache ne mâche pas ses mots. Dans chaque interlude de cet album, il incite les jeunes rappeurs malgaches à respecter l’essence même du rap mais, en même temps, à rafler la mise. « En gros, faire du rap mais gagner très bien sa vie… pas en tant que rappeur, mais en respectant les principes que je décrirai dans cet album », a-t-il soufflé. Il lance le message cru. Il y a de la rage dans ses propos.
En l’écoutant rapper, l’auditeur a tendance à penser qu’il s’inspire des rappeurs américains. Mais, en réalité, il a surtout Médine, Lino, et Niro – des rappeurs français – comme inspirations. Gros consommateur du rap engagé français, MoneyRow est l’un des poètes urbains à dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas.
Une plume fine et aiguisée. MoneyRow fait du rap engagé et s’identifie en premier comme étant un rappeur malgache. Le dialecte est là pour faire allusion à ses origines du sud-est, mais il ne parle jamais de coutume dans ses textes. « Je parle surtout de comment il faut s’y prendre avec les traîtres. Je parle d’arrêter de se leurrer et d’accepter qu’à ce stade, le Malgache n’est encore qu’un mouton, un ‘valalabemandry’ comme a si bien dit Sareraka… Je rappe pour ceux qui ont compris qu’il n’y a pas de différence entre un voleur et un voleur. Il faut tous les exterminer ».
MoneyRow rappe crûment et ne mâche pas ses mots. Dans son morceau « Another Day », il dénonce l’hypocrisie sociale en disant: « Je préfère me mettre la cuillère dans la bouche tout seul. La raison est simple : je déteste les ragots ». Pour lui, « le Malgache est lui-même la source de son propre échec. À force de ‘kiantranoantrano’, le népotisme, on ne donne pas la clé de telle ou telle administration à celui qui est qualifié pour, et c’est valable dans tous les secteurs ».
Résidant à Antananarivo, originaire de Vohipeno, dans la région du sud-est, la mère de MoneyRow l’emmenait à Farafangana à chaque période des grandes vacances. C’est d’ailleurs un atout pour l’artiste. Il voit tout à travers les coutumes et les traditions.
« Zafisoro », le parler du poète. Ce dialecte est pratiqué par la majorité des habitants de Farafangana. « C’est simple, dans le dialecte du sud-est, le ‘ts’ devient ‘s’. Ainsi, on prononce le mot ‘mitsaka rano’, ‘misaka rano’. La lettre ‘a’ à la fin des mots devient le plus souvent un ‘y’, et les ‘n’ se transforment en ‘gn’. Donc si on dit ‘maneva be anao iny akanjo iny’, en dialecte du sud-est cela donne ‘magneva be anao igny akanjo igny’ », explique le rappeur. Selon lui, le parler « Zafisoro » dégage beaucoup d’énergie. Ce qui est intéressant lorsqu’on fait du rap dans ce dialecte, c’est que c’est malléable.
Entre tradition antemoro et rap français, MoneyRow est adepte du brassage culturel. « J’ai toujours gardé la même identité, celle d’un antemoro, alors je ne mange pas de ‘sokina’ par exemple. Je m’assois sur le côté et quand je suis chez moi, j’invoque les ‘razana’ avant de faire quelque chose d’important… Mais sinon, par pur bon sens, je respecte aussi très bien la culture de tout le monde ».
Les premiers pas. De son vrai nom Tsaradia Andriamitsirinarivo, MoneyRow a grandi en écoutant toutes sortes de musique. Son père lui faisait écouter du D’Gary, du Olombelo Ricky, Eric Clapton ou encore Otis Redding. Il a commencé à écouter du rap quand il est tombé sur le morceau « Last dayz » du groupe américain Onyx, un titre dont l’instrumental a été repris par le groupe malgache Tangala Mainty avec le morceau « Afobe », qu’il a également beaucoup apprécié. « Je me suis donc de plus en plus intéressé à cette culture et j’ai commencé à écouter du rap malgache par la même occasion, surtout le rap de l’est de l’île, riche en flow, comme celui de Big Daddy, Jopa Bango, Los Lobak voire Shyn, car ce dernier faisait du rap aussi dans le temps ». À l’âge de 16 ans, il a pris sa première plume et sa première rame de papier et a essayé d’écrire. Il a passé également beaucoup de temps à apprendre le « freestyle » si bien qu’aujourd’hui il le maîtrise à la perfection comme peu de ses semblables peuvent le faire. Les années ont passé et MoneyRow allait, au début, en studio en cachette. « Il faut savoir que je n’étais pas encore le rappeur que je suis aujourd’hui. J’ai travaillé et évolué avec le temps ». Ensuite, il a créé des petits groupe comme le Tha Eastside avec son frère BMT, qui, lui aussi fait du rap, ou encore le Saramba Be, un groupe créé par un certain « Da Jo », son mentor et membre du clan 8mm, devenu légionnaire depuis. Entre l’âge de 16 ans et aujourd’hui, MoneyRow n’a donc fait que peaufiner sa technique et ses textes très engagés, et son flow assez nonchalant.
Iss Heridiny