Né à l’aube de la colonisation française, Teraka Ramamonjisoa, Térack de son nom d’artiste a grandi dans un pays occupé et défiguré. Sur les traces d’un génie moderne de la musique.
Naître une année de 1899 était loin d’être un cadeau à Antananarivo. Trois ans plus tôt, la reine Ranavalona III levait le drapeau à Anatirova face à une armée française coloniale. Elle finit par mourir en exil. En 1899 alors, naissait Thérack. La France posait ses pieds triomphants dans la capitale, à coup de recomposition territoriale, césure historico–politique, sous le regard approbateur de l’Église catholique. Mais aussi à coup de massacres. Bref, la politique du bâton et de la récompense. Peut-être, des process qui ont inspiré le dressage de singe au cirque. À son adolescence, le jeune garçon rencontre un pays soumis et apeuré. Fils d’un ancien joueur de valiha à Manjakamiadana du nom de Ramiaramanana, Teraka Ramamonjisoa de son vrai nom a grandi dans une famille de musiciens. « Je me souviens de notre maison familiale à Anjohy, les fêtes des mères et les fêtes des pères… nos réunions familiales ressemblaient plus à un cabaret. J’y ai vu passer les Ludger, Salomon, Henriette Célestine, Bessa, Solo Hasambarana, Stormy, Dédé Rabeson, Wilson Ramaroson, Jeannette… », se souvient son petit-fils Thierry Ramangasoavina. De la gloire d’un père, privilégié dans le saint des saints à la déchéance d’un prestige suite à l’occupation française, beaucoup ont fait le choix des armes, beaucoup aussi ont fait le choix de la complaisance. À Antananarivo, la terreur faciste française faisait son effet. Pour les récalcitrants, au minimum quelques semaines d’emprisonnement, au pire, la condamnation à mort et devenir un repas pour chien. Pour les « collabos », la nationalité française et un emploi dans l’administration étaient l’ultime carotte. Chez Teraka Ramamonjisoa, c’était la musique qui lui servait d’échappatoire. Il y avait aussi le rugby. « Lui et son frère Ramanankamonjy jouaient chez ‘’Sport Hova’’, un club d’Ambodifilao. Les adversaires étaient les colons. Un jour, il s’est cassé la clavicule », poursuit Thierry Ramangasoavina. Parce que Thérack avait pour frère, Joseph Ramanankamonjy, considéré comme l’un des plus grands peintres malgaches. Son meilleur concurrent. « Une sorte de compétition s’est installée entre les deux, surtout pour l’excellence, de toujours maintenir un haut degré d’excellence dans chacune de leurs œuvres, pour l’honneur de la famille ». En 1969, Thérack enterre son fils aîné. Durant la veillée, il se cale derrière le piano et sort « Veloma ka masinà ». Homme d’habitude silencieux, il se lâchait dans sa musique. « Vorom–potsy », « Hosena tsy fidiny mantsy ny lisy », « Veloma ry andro manjombina », « Injany vorona mikalo »… il mêlait nostalgie, amour du chez soi et de ses parents, blues de la vie… des postures mentales en vogue à l’époque chez ses contemporains artistes. Le déclic « a été sa rencontre avec Andrianary Ratianarivo », fait savoir le petit-fils. Teraka Ramamonjisoa décède en 1976 avec les honneurs militaires. Le 27 octobre, un opéra–concert sera organisé en son hommage à partir de 14 h 30 au Havoria Anosy. « Il a mélangé du fox trot dans le bà gasy, de la valse. Je perçois même des tendances jazz » dans ses approches musicales, se réjouit Thierry Ramangasoavina. Un vrai génie donc, que le public retrouvera pour plus de deux heures trente de spectacle de chants et de poésies.
Maminirina Rado