
A Madagascar comme ailleurs, les situations politiques et économiques dans le monde évoluent en suivant à peu près, les mêmes tendances. Mamy Ravelomanana, Professeur Agrégé des Universités en Sciences Economiques apporte plus d’éclaircissements.
Quelles peuvent être les différences et les similitudes entre les évènements suivants : l’élection de Donald Trump, le Brexit et l’insurrection des gilets jaunes ? C’est la réflexion avancée par Pr Mamy Ravelomanana. D’après ses explications, le début des séquences remonte à la crise des subprimes de 2008, prélude à l’élection du premier Président américain noir, mais cette crise n’est qu’une suite de la dernière révolution industrielle celle des TICS et la mondialisation qui l’a accompagnée qui remonte aux années 1990. En effet, la mondialisation, comme lors des deux premières révolutions industrielles coupent le monde en deux : les gagnants (les pays d’Asie et en particulier la Chine, l’Allemagne et les pays du Nord de l’Europe) et les perdants (les pays de l’Europe du Sud). La Grèce, l’Espagne, l’Italie et maintenant la France en ont fait l’amère expérience. Les USA et la Grande-Bretagne ont manœuvré de main de maître pour échapper à la fatalité des perdants. Certains pays africains dont Madagascar ne fait pas partie, commencent leur décollage économique.
Neutralisation. « La réponse convenue, et par conséquent, politiquement correcte, aux effets pervers de la mondialisation, est standard : libéralisation, austérité pour combler les déficits, lutter contre le dérèglement climatique, immigration libre, etc. Dans le cas des crises des subprimes de 2008 et de la dette de 2011, il fallait protéger les Banques et le système financier mondial, et faire supporter les coûts de redressement des Banques aux contribuables. Confusément, les citoyens américains et européens, ont ressenti une forme d’injustice en faveur des riches financiers. La neutralisation des corps intermédiaires (les syndicats, les partis politiques, les bureaucrates, les organismes, etc.) ont rendu inaudibles les aspirations des citoyens. Mêmes les médias ont répercuté la nécessité de sauver le système financier, d’épargner aux Banques les ajustements nécessaires, de mettre la Grèce sous une cure d’austérité, d’accepter l’immigration en Europe ou aux Etats-Unis », explique le Professeur agrégé.
Choix. Des universitaires comme Paul Romer et Joseph Stiglitz ont dénoncé cet asservissement. Les deux Prix Nobel (en 2001 et 2018) et anciens chefs économistes démissionnaires de la Banque Mondiale sont venus à Madagascar. Du point de vue du courant de pensée, ils se situent à deux extrémités, l’un est de la mouvance néo-keynésienne (gauche) et l’autre néo-classique (droite). « Et pourtant, Romer a démissionné dès lors que l’idéologie a pris le pas sur la rectitude académique au sein de la Banque Mondiale », a fait remarqué Pr Mamy Ravelomanana, en poursuivant qu’il existe deux voies extrêmes en réponse à la neutralisation des corps intermédiaires : un vote populiste en faveur de l’extrême droite ou de l’extrême gauche, ou une révolte, voire une révolution, ce qui reste extrêmement rare.
Pour L’élection de Trump comme le vote en faveur du Brexit relèvent de l’expression d’un vote populiste en faveur de plus de protectionnisme et de moins d’immigration. L’insurrection des gilets jaunes est à rapprocher des manifestations malgaches de la Place du 13 Mai : la neutralisation des corps intermédiaires au profit du régime met les citoyens directement face au Président. Quand le Sénat, l’Assemblée Nationale et les Maires arborent la même couleur politique et les syndicats infiltrés ou neutralisés, les citoyens descendent sur l’Avenue que celle-ci s’appelle Champs Elysées ou Indépendance. Selon Pr Mamy Ravelomanana, l’analyse de l’américain Bruce de Mesquita dans « The Logical of Political Survival » permet d’arriver à cette conclusion utilisant la théorie des jeux.
Antsa R.