
La HCC a émis avant-hier son avis sur l’interprétation de l’article 39 de la Constitution demandée par le Premier ministre dans sa lettre en date du 17 juillet 2018.
Afin de trancher le débat voire la polémique au sein du gouvernement concernant la participation active (prise de parole en public) ou passive (arborer des tee-shirts sans prendre la parole) des ministres à la campagne électorale, le PM a saisi la HCC. Et ce, afin de répondre aux questions suivantes : « Est-ce que les membres du gouvernement peuvent participer aux campagnes électorales pour l’élection qui se déroulera durant les mois de novembre et décembre 2018 ? En d’autres termes, quelle est la limite de la neutralité des membres du gouvernement ? Cette neutralité des membres du gouvernement impose-t-elle une interdiction absolue de participer aux campagnes ? »
Présence. Après plus de trois semaines de réflexion pour ne pas dire d’échappatoire et à l’issue d’une quarantaine de Considérants exposés sur une dizaine de pages, la HCC a fini par émettre l’avis que « les ministres, membres du gouvernement, ne peuvent pas participer à la campagne électorale se rapportant à l’élection du Président de la République dont le premier tour de scrutin est prévu le 7 novembre 2018 et le second tour, le 19 décembre 2018 ». Le juge constitutionnel considère « que la seule présence des chefs d’institution, en particulier, des membres du gouvernement de consensus et de l’ensemble des fonctionnaires d’autorité dans une campagne électorale, de manière active ou passive, constitue un manquement à l’obligation de neutralité qui s’impose à eux et risque d’affecter le processus électoral ».
Réserve. L’Avis de la HCC va plus loin en se référant aux dispositions de l’article 60 de la loi organique n°2018-008 du 11 mai 2018 qui accordent une portée plus large, dans le temps et dans l’espace, à l’encadrement du comportement du fonctionnaire civil ou militaire et de l’agent non encadré de l’Etat et des collectivités territoriales décentralisées, car « le respect de l’obligation de neutralité ne se limite pas aux seuls moments où le fonctionnaire est présent à son service, mais qu’elle concerne et vaut pendant toute la période de la campagne électorale, générant, en conséquence, au-delà du devoir de « réserve d’usage » auquel le fonctionnaire et l’agent publics sont tenus, une « période de réserve ».
Modération. De l’Avis de la HCC, « le devoir de réserve, un principe d’essence jurisprudentielle, limite la liberté d’expression des agents dans l’exercice de leurs fonctions en ce qu’il consiste en une modération de l’expression, orale ou écrite, mais aussi de tout acte matériel traduisant explicitement ou implicitement des opinions de toute nature, afin que ces prises de position ne portent pas atteinte à l’intérêt du service, sa neutralité et au bon fonctionnement de l’administration ». Et d’enchaîner que « dans le cadre du respect de la « période de réserve », le devoir de réserve est apprécié non seulement dans le cadre du service, mais même en dehors, de manière globale, amenant le fonctionnaire à faire preuve de mesure dans l’expression écrite et orale de ses opinions personnelles pendant la toute la période de la campagne électorale ».
Pressions. Outre l’interdiction de participer à la propagande, le juge constitutionnel estime également que « le ministre ne peut pas exercer de pressions directes ou indirectes sur les cadres et agents de son ministère ou d’orienter le vote des électeurs ; que d’autre part, le ministre ne doit pas combiner visites ministérielles sur le terrain et participation à la campagne électorale, cette combinaison constituant un usage détourné des biens publics ». Et ce, afin de respecter l’article 39 de la Constitution qui dispose que « l’Etat garantit la neutralité politique de l’Administration, des Forces Armées, de la Justice, de la Police, de l’Enseignement et de l’Education. Il organise l’Administration afin d’éviter tout acte de gaspillage et de détournement des fonds publics à des fins personnelles ou politiques ». L’article premier de l’Avis de la HCC a un double mérite : Primo, rappeler l’obligation de neutralité politique des ministres et des fonctionnaires. Et secundo, confirmer que les deux tours de la présidentielle sont bel et bien prévus le 7 novembre et le 19 décembre 2018. Avis aux amateurs qui veulent jouer un sale tour à l’élection.
Recueillis par R. O