
Les armes légères et de petit calibre (ALPC) tombant illégalement entre de mauvaises mains, sont à l’origine de tragédies humaines, car utilisées dans la violence de rue ou dans la criminalité organisée, comme en témoignent certains faits de ce genre à Madagascar.
Dans le cadre de la lutte contre ce fléau, l’ONU a adopté en 2001 le Programme d’action des Nations Unies en vue de prévenir, combattre et éradiquer le commerce illicite des ALPC (PoA). Cette semaine a débuté à New York, la troisième conférence pour la revue de ce programme. Représenté à cette conférence par le point focal de la lutte contre les ALPC en la personne du général de Brigade Randriamiaramanana Emma, Madagascar a proposé l’inclusion des munitions dans le PoA. Ce, dans le cadre de la réduction et de la prévention de toute forme de violence, notamment celles liées aux armes dans la mesure où la maîtrise de la sécurité humaine est un élément clé de tout développement.
ODD 16.4. Bien qu’à Madagascar, la prolifération des armes ne se révèle pas aussi grave que celles des pays ayant connu des guerres civiles, la recrudescence des crimes liés aux armes commence à saper le moral de la population et, à paralyser le système sécuritaire de certaines régions. Parmi les principales causes figurent l’incohérence de la législation avec les réalités, et le déficit des structures favorisant la transparence sur la gouvernance en matière d’armements. « Madagascar, s’étant engagé à réaliser l’Agenda 2030 pour le développement durable, s’attèle à intégrer l’ODD 16, cible 4 (réduire nettement les flux financiers illicites et le trafic d’armes…) dans les activités du secteur sécurité », informe le représentant malgache.
CONAMAD. Aussi, outre l’adoption du cadre juridique et le plan d’actions jalonnant les activités de la « Réforme du Secteur Sécurité » (RSS) dans le but, entre autres, de réduire les flux financiers illicites et le trafic d’armes, Madagascar est en train de chercher la voie légale en vue de mettre en place la structure nationale proposée par le PoA. Dénommée Commission Nationale des Armements de Madagascar (CONAMAD), cette structure servira de « guichet unique » pour développer le concept de la gestion responsable des armements à Madagascar. Mais surtout, dans le domaine des coopérations internationales et régionales, elle servira de point d’ancrage pour améliorer la coordination des actions en la matière.
Traçabilité des munitions. En outre, contribuant aux efforts régionaux dans la lutte contre la prolifération illicite des armes, Madagascar s’associe à l’Agenda 2020 visant à faire taire les armes. C’est à ce titre que sont développées des activités de sensibilisation en s’attaquant aux facteurs sociaux, économiques et politiques, qui motivent les groupes et les communautés à acquérir des armes. Parallèlement, des groupes de volontaires évoluant dans la sphère de la consolidation de la paix sont actuellement en formation pour mener des négociations à l’effet d’encourager les communautés à s’approprier le concept de « l’amnistie » en tenant compte des préoccupations liées à la sécurité et au développement, et leur offrir d’autres alternatives que la criminalité et d’autres activités illicites.
Mais étant un pays fabriquant de munitions, Madagascar vient de se doter des matériels permettant de marquer les munitions suivant les exigences des instruments internationaux. Aussi, figurent parmi les objectifs du ministère de la Défense Nationale, la collecte – avant le second semestre 2019 – des munitions actuellement entre les mains des forces de défense de sécurité et leur remplacement par celles nouvellement marquées, permettant d’engager directement la responsabilité du détenteur en cas de détournement.
Recommandations. Parmi les recommandations de la délégation malgache, dans le sens d’une efficacité des actions communes, figure la collaboration des Etats de l’Union africaine avec les Nations Unies. « Mais la synergie et une stratégie coordonnée dans la mise en œuvre des agendas 2063, 2030 et 2020, permettront d’accélérer la réduction des conflits armés », a-t-il été soutenu. Il en est de même concernant la coordination et la rationalité pour rendre plus efficaces, la coopération et l’assistance internationales. En effet, le fait d’assister de manière disparate les pays concernés, ne font que favoriser le déplacement du foyer des trafics, alors que les fonds qui y sont alloués demeurent limités. De plus, vu le nouvel ordre politique international, l’évolution technologique – qui profite aussi au développement de la criminalité – les contraintes humanitaires liées au changement climatique et le dérangement démographique causé par la dégradation des conditions socio-économiques internationales, il paraît souhaitable que, les dispositions prévues dans le PoA soient actualisées de manière à prendre en compte ces nouvelles menaces.
Matières dangereuses. C’est ainsi qu’en matière de champ d’application, il a été insisté par l’officier général qui représente Madagascar à cette conférence – qui est, par ailleurs, directeur de l’Usine militaire de Madagascar – à ce que les munitions soient incluses dans le domaine du PoA. Certes, les munitions sont des matières consommables mais sans celles-ci, les armes ne sont d’aucune utilité et ont une importance moindre. « Ce sont surtout les munitions qui représentent le danger et provoquent les violences, et elles demeurent meurtrières, même sans les armes, tandis que ces dernières ne sont que des matériels de lancement, remplaçables par d’autres moyens de propulsion. Pour résumer, disons qu’un stylo sans encre ne l’est pas ! », a expliqué l’officier général. Quant au procédé de traçage stipulé par l’Instrument international de traçage (ITT), sa suggestion rappelle le fait qu’il est à présent possible d’adopter la technologie dite « au laser » et unique pour l’ensemble du marquage des armes et des munitions. « Ce procédé a le mérite d’uniformiser les bases de données et d’universaliser les informations pour améliorer le contrôle du transfert des armes et munitions à l’échelle internationale ». Pour la délégation malgache, il est grand temps d’ériger un nouvel instrument juridiquement contraignant visant à mettre en œuvre le PoA et l’IIT de manière effective, voire à échafauder des indicateurs de performance d’engagement des autorités politiques nationales dans ce domaine. « Ils constitueront des critères de crédibilité à toutes sortes de négociations politiques internationales », conclut le représentant malgache.
Recueillis par Hanitra R.