
La Quatrième République malgache est née d’un long et difficile processus de sortie de crise. Elle a été précédée d’une transition de cinq ans suite à un changement anticonstitutionnelle à la tête de l’Etat. Andry Nirina Rajoelina, à l’époque maire de la Capitale de Madagascar (Antananarivo) a chassé du pouvoir Marc Ravalomanana qui a régné pendant 7 ans à la tête du pays après avoir pu déboulonner Didier Ratsiraka en 2002. Objet des pressions militaires, Marc Ravalomanana a été obligé de passer le pouvoir à un directoire militaire qui n’a même pas pu se constituer. Andry Nirina Rajoelina qui était à la tête de la « Révolution Orange » et qui a pu bénéficier du soutien d’une fraction de l’Armée a pris le pouvoir. Prévue durer 24 mois (2 ans), la Transition dirigée par Andry Nirina Rajoelina a régné pendant 5 ans. Le retour à l’ordre constitutionnel a été marqué par la tenue des élections présidentielles dont le 1er tour s’est déroulé le 25 octobre et le second tour le 20 décembre 2013. Au second tour, le candidat Hery Rajaonarimampianina a gagné les élections avec un score de 53,49% des voix contre 46,51 pour son adversaire Jean Louis Robinson.
Un médecin, un Général et un administrateur civil. Au lendemain de son élection, le président Hery Rajaonarimampianina a nommé Dr Kolo Roger comme premier ministre. En fait, c’était un retour d’ascenseur pour ce médecin qui a retiré, à l’instar de Dr Jules Etienne Rolland, sa candidature aux présidentielles de 2013 pour permettre à Hery Rajaonarimampianina de se présenter. Dr Kolo Roger a été nommé le 18 avril 2014 et a formé un gouvernement de 31 membres dont six femmes. Dr Kolo Roger a jeté l’éponge au bout de neuf mois. Ce qui a amené le président de la République à choisir un Général de l’Armée de l’Air pour occuper Mahazoarivo, en la personne de Jean Ravelonarivo. Ce dernier a régné à la tête du gouvernement pendant 14 mois. Comme Dr Kolo Roger, le Général a été contraint à une démission. Après un militaire, un administrateur civil accède à la Primature. Il s’agit de Mahafaly Solonandrasana Olivier qui a été nommé premier ministre le 25 avril 2016. Donc, en trois ans, la Quatrième République a connu trois premiers ministres.
Article 54. La Quatrième République est dotée d’une nouvelle Constitution qui consacre un régime semi-parlementaire et semi-présidentiel. C’est la majorité à l’Assemblée nationale qui propose le nom du premier ministre. L’article 54 de la Loi fondamentale stipule que le président de la République nomme le premier ministre, présenté par un parti ou un groupe de partis majoritaire à l’Assemblée nationale. L’application de ces dispositions constitutionnelles pose toujours des problèmes depuis la nomination de Dr Kolo Roger. Le Mapar d’Andry Nirina Rajoelina qui est un parti qui a pu faire élire le plus grand nombre des députés à Tsimbazaza revendiquait l’application stricte de cet article 54. Mais, Hery Rajaonarimampianina et les députés qui sont acquis à sa cause ont toujours pu contourner l’obstacle constitutionnel. Kolo Roger, Jean Ravelonarivo et Mahafaly Solonandrasana Olivier ont été nommés sur fond de tension entre le HVM et le Mapar. Et jusqu’à présent, chaque fois que le président Hery Rajaonarimampianina envisage une ouverture aux autres forces politiques, la plate-forme d’Andry Rajoelina pose toujours comme condition l’application de l’article 54 de la Constitution.

Kolo Roger : Victime des « Dahalo niova fo ». Originaire du Menabe, Kolo Roger a été connu pour la première fois en politique lorsqu’il s’est présenté aux présidentielles de 2013. Ce médecin s’est installé pendant plusieurs années en Suisse où il a ouvert un cabinet médical privé. Lorsqu’il a été nommé premier ministre, Kolo Roger a confié à son fils la gestion de ce cabinet. Son passage à la tête du gouvernement a été marqué par le phénomène « Dahalo niova fo ». Le gouvernement dirigé par Kolo Roger a beaucoup investi pour convaincre environ 8000 « dahalo » à rendre leurs armes. L’Etat aurait débloqué 22 milliards d’ariary. Pourtant, le phénomène « Dahalo niova fo » a coûté cher à Kolo Roger. Des indiscrétions ont permis de savoir que la bourgeoisie Merina a fait pression pour son départ de Mahazoarivo, car l’ « exploit » du chef du gouvernement commençait à avoir un impact négatif sur la consommation de viande de bœuf dans la Capitale.
De Mahazoarivo à Anosikely. Après avoir quitté Mahazoarivo, Kolo Roger a politiquement flotté pendant plusieurs mois. Il était rentré en Suisse. Il a fait sa réapparition lors des Sénatoriales auxquelles il était candidat au nom du HVM. Kolo Roger a dirigé la liste des candidats du parti au pouvoir pour la province de Toliara. Pressenti président du Sénat, l’ancien premier ministre n’a pas obtenu la place qu’il voulait. Le président de la République a porté son choix sur le sénateur désigné Honoré Rakotomanana. Choix qui a été critiqué par certains barons du HVM. Kolo Roger a été élu vice-président pour la province de Toliara. Pour la première fois depuis l’Indépendance, un originaire du Menabe a été nommé premier ministre. Mais, Kolo Roger n’a pu faire que neuf mois à Mahazoarivo. La question qui se pose est de savoir ce que sont actuellement devenus les « dahalo niova fo » après le départ de Kolo Roger de la Primature.

Jean Ravelonarivo : Contesté par des conseillers spéciaux du président. Originaire de la région Sud-Est de Madagascar, mais né à Belo-sur-Tsiribihina (région Menabe), sa nomination à Mahazoarivo aurait bénéficié du soutien de la femme du président de la République. Son passage à la tête du gouvernement a été notamment marqué par l’intensification de la lutte contre les trafics des bois précieux dont les bois de rose. C’était à son époque que la loi sur la mise en place d’une chaîne spéciale chargée de juger les infractions relatives à ces trafics des bois précieux a été votée à l’Assemblée nationale. Jean Ravelonarivo a manœuvré derrière la poursuite de l’opérateur Bekasy. Avant son départ de Mahazoarivo, ce Général de brigade aérienne a insisté sur l’affaire de bois de rose intercepté à Singapour. L’affaire Bekasy et l’affaire Singapour étaient à l’origine de son départ forcé de la primature. La ligne de conduite qu’il a adoptée sur ces affaires n’aurait pas arrangé des conseillers spéciaux du président de la République.
Démission controversée. Le départ de Jean Ravelonarivo a créé une atmosphère délétère au sommet de l’Etat. Le pont était coupé entre Ambohitsorohitra et Mahazoarivo malgré les déclarations qui ont essayé de cacher à l’opinion publique la situation. La démission forcée du Général a été précédée d’un bras de fer qui ne dit pas son nom entre lui et certains conseillers spéciaux du président de la République. Une campagne de dénigrement par voie de presse a été menée pour convaincre le chef de l’Etat de se débarrasser de son premier ministre. La Première Dame VoahangyRajaonarimampianina aurait également eu une main derrière le départ de Jean Ravelonarivo.

Mahafaly Solonandrasana : Gouvernement de combat. Originaire de la région SOFIA, Mahafaly Solonandrasana Olivier a été nommé premier ministre pour diriger un « gouvernement de combat ». Combat notamment contre la pauvreté selon sa déclaration lors de sa passation de service avec son prédécesseur. Avant sa nomination à Mahazoarivo, cet administrateur civil était ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, poste qu’il continue d’occuper. Il est donc à la fois chef du gouvernement et ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation. Mahafaly Solonandrasana Olivier n’a pas figuré parmi les grands favoris de la course à la Primature comme les Paza Didier Gérard, Atallah Béatrice et Paraina Auguste…. Par contre, le soutien de la femme du président de la République a créé au dernier moment une surprise. Sans parler du coup de pouce de certains conseillers spéciaux du chef de l’Etat. Quelques semaines avant sa nomination à la tête du gouvernement, Mahafaly Solonandrasana Olivier a connu un grave accident de santé qui était à l’origine de son évacuation sanitaire à La Réunion.
Vision 2018. Mahafaly Solonandrasana Olivier est-il le dernier premier ministre du mandat de Hery Rajaonarimampianina ? Certains observateurs ont déjà trouvé la réponse à cette question. Pour eux, cet administrateur civil est l’homme qu’il faut à la place qu’il faut si l’actuel président de la République envisage de briguer un second mandat à la tête du pays. Le fait pour Mahafaly Solonandrasana Olivier de garder le ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation semble confirmer cette thèse. Reste cependant à savoir si le « gouvernement de combat » qu’il dirige pourra relever le défi de la lutte contre la pauvreté. Deux mois après la formation de ce gouvernement, le « combat » semble loin d’être gagné. On a l’impression que l’Exécutif tourne en rond. La situation économique empire. Un nouveau remaniement pointe son nez.