
Dès ses débuts, Agrad, a toujours affiché cette image d’artiste qui ne brûlera jamais les étapes. Pour le confirmer, il vient de sortir un single tout frais, « Tonga saina », dans lequel il semble assumer son parcours.
Pour les oreilles moins aguerris, le morceau « Tonga saina », sorti fin janvier, revêt une leçon de morale bonnement arrondi. C’est sans compter sur le talent du rappeur dans le maniement des rimes.
Revoilà l’Agrad des premiers jours, brut dans le « flow », assassin dans les jeux de mots et cette sagesse emprunt de recul qui caractérise son message. Comme il maîtrise l’art de faire les fous. Ceux qui l’ont côtoyé au tout début savent qu’il peut également aligner des textes à la mesure du réalisme qu’il arrive à décrire en touchant les fibres les plus sensibles.
Dans « Tonga saina », beaucoup diront qu’il a été plus que normal s’il a choisi un « boom bap » tonifiant, dénomination donnée aux rythmiques dominantes des années ’90. Une sonorité qui rappelle l’ « underground » français des années ’90, règne des D’abuz System, référence du rap français ignoré mais respecté. Un « instru » bridé, carré et itératif, sans tentative affirmée de faire beau. Mariage arrangé entre l’esthétique des rimes et les samples au piano choisis comme une personnalité.
Aborder l’âge, la maturité et la vie d’adulte, arrachée à cette vie de « kids ». Ce « kid » qui adore se pavaner sur les lieux publics, les clubs et soumis au « bling bling ». « Pourtant n’est ni le fils des gens qui font leur shopping à la City ». Celui qui fait son bilan, « se demande où se trouvent maintenant les gars de sa promotion, tous ont réussi et sont désormais injoignables ». Sans oublier, celui qui se prend pour un « thug ». Pourtant, une fois coincé par les flics, fait un « bug ». Tout est dit, Agrad porte l’estocade.
Comme l’a dit Mahaleo, tamponne le chanteur, « si un jour tu tombes, nombreux vont te rembarrer ». Sur le refrain, il ajoute une couche, « tous les gars ont réussi, tu es toujours resté là/ tous les gars travaillent/tu es toujours là… ».
A l’entendre, l’artiste semble faire une rétrospective de son parcours, en tant que rappeur il a sans doute goûté à cette vie hors des sentiers battus. Il serait difficile de croire qu’il n’ait pu sortir cette description millimétrée de la jeunesse désabusée dans « Tonga saina » sans avoir déjà chaussé une fois leurs chaussures. Mais voilà, quelque part, le succès lui a permis de se recadrer. Bon gré mal gré, il a aussi décroché son diplôme.
Maminirina Rado