- Publicité -
lundi, décembre 29, 2025
AccueilDossiersRefondation politique : Entre discours de rupture en Afrique et promesses de...

Refondation politique : Entre discours de rupture en Afrique et promesses de réformes à Madagascar

En 2011, une foule immense qui a manifesté pour la chute de Moubarak en Égypte.

Depuis le début des années 2000, l’Afrique est entrée dans une ère où la refondation politique est devenue un horizon récurrent, souvent invoqué lorsque les cadres institutionnels hérités des transitions des années 1990 montrent leurs limites. Derrière ce mot se cachent des dynamiques complexes, parfois contradictoires, qui traduisent une crise profonde du contrat social entre les États et leurs citoyens. La refondation n’est plus seulement une promesse électorale ou un slogan politique. Elle est devenue, dans de nombreux pays africains, une réponse revendiquée à l’épuisement des systèmes politiques existants. À Madagascar, l’année 2025 apparaît ainsi non seulement comme celle de la fin d’un régime, mais aussi comme celle d’une refondation imposée par la dynamique politique elle-même, laissant ouverte la question de la forme que prendra le nouvel équilibre institutionnel malgache.

Le premier moment fondateur de cette dynamique continentale apparaît au tournant des années 2010 avec les soulèvements populaires en Afrique du Nord. En Tunisie, le 14 janvier 2011, la chute du régime de Zine el-Abidine Ben Ali marque une rupture historique. Pour la première fois, un pouvoir autoritaire solidement installé est renversé par une mobilisation populaire pacifique. La séquence qui suit s’inscrit clairement dans une logique de refondation. La dissolution du parti au pouvoir, la mise en place d’instances provisoires et l’élection d’une Assemblée constituante en octobre 2011 ouvrent un processus inédit. L’adoption de la Constitution de janvier 2014 consacre une tentative de refondation démocratique fondée sur l’équilibre des pouvoirs, les libertés publiques et la reconnaissance du pluralisme. Même si ce modèle s’est ensuite fragilisé, il a profondément marqué l’imaginaire politique africain.

Dans le même temps, l’Égypte suit une trajectoire différente. Après la chute de Hosni Moubarak en février 2011, la transition débouche sur l’élection de Mohamed Morsi en juin 2012. Mais la reprise du pouvoir par l’armée en juillet 2013 transforme le discours de refondation en un outil de légitimation d’un nouvel ordre autoritaire. La Constitution adoptée en janvier 2014 redéfinit les institutions en renforçant considérablement le rôle de l’armée et du président. Cette séquence révèle l’une des ambiguïtés majeures de la refondation en Afrique. Elle peut servir à redistribuer le pouvoir, mais aussi à le recentraliser sous une nouvelle forme.

En Afrique subsaharienne, les années 2010 sont marquées par une succession de crises électorales et de mouvements populaires qui nourrissent des discours de refondation. En Côte d’Ivoire, la crise postélectorale de 2010-2011 constitue un moment de rupture. L’investiture d’Alassane Ouattara en mai 2011 ouvre un cycle de reconstruction de l’État, appuyé par une réforme institutionnelle profonde. Le référendum constitutionnel de novembre 2016 est présenté comme l’acte fondateur d’une nouvelle République. La création du Sénat et la redéfinition des pouvoirs traduisent une refondation institutionnelle menée par le sommet de l’État, mais qui suscite des interrogations sur l’équilibre réel des pouvoirs.

Le courant souverainiste au Sahel

Le Burkina Faso offre un contrepoint important. En octobre 2014, l’insurrection populaire met fin à 27 ans de pouvoir de Blaise Compaoré. La transition qui s’ouvre est largement portée par la rue, la société civile et une volonté de rupture avec l’ordre ancien. La Charte de la transition adoptée en novembre 2014 et l’élection présidentielle de novembre 2015 incarnent une refondation politique issue d’une mobilisation citoyenne. Cependant, l’instabilité sécuritaire et les coups d’État de 2022 montrent que la refondation reste vulnérable lorsqu’elle ne s’accompagne pas d’une reconstruction durable de l’État et de ses capacités régaliennes. Depuis l’arrivée du capitaine Ibrahim Traoré, en octobre 2022, le Burkina Faso assume sa souveraineté pour conduire une refondation politique sous un régime « révolutionnaire progressiste ».

À partir de la fin des années 2010, une nouvelle vague de refondation apparaît, portée cette fois par des régimes de transition militaire. Au Mali, le coup d’État d’août 2020, suivi de celui de mai 2021, ouvre une période de rupture assumée avec l’ordre institutionnel antérieur. En décembre 2021, les Assises nationales de la refondation sont lancées comme un vaste exercice de consultation. Elles débouchent sur une feuille de route politique et sur l’adoption d’une nouvelle Constitution par référendum en juin 2023. Le discours de refondation s’articule autour de la souveraineté nationale, de la lutte contre la corruption et de la remise en cause des élites politiques traditionnelles.

Le Niger s’inscrit dans une dynamique comparable après le renversement du président Mohamed Bazoum en juillet 2023. Dès 2024, les autorités de transition annoncent un processus de refondation destiné à repenser l’État et à restaurer la sécurité. La suspension de la Constitution et la marginalisation des partis politiques sont justifiées par la nécessité de reconstruire un système jugé défaillant. Cette trajectoire illustre une refondation par le haut, où la transition militaire se présente comme l’acteur central du renouveau politique.

En Afrique centrale, la refondation prend souvent une forme plus prudente et graduelle. En République démocratique du Congo, l’alternance de janvier 2019 est qualifiée de refondation pacifique après des décennies de conflits et de gouvernance autoritaire. L’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir est accompagnée d’un discours sur l’État de droit, la justice et la lutte contre la corruption. Toutefois, la persistance des crises sécuritaires et des blocages institutionnels limite la portée de cette refondation, révélant l’écart entre les ambitions affichées et la réalité du terrain.

En Afrique australe, la refondation est davantage morale et institutionnelle que révolutionnaire. En Afrique du Sud, la démission de Jacob Zuma en février 2018 ouvre une phase de reconstruction de l’État après les scandales de corruption liés à la capture de l’État. Sous la présidence de Cyril Ramaphosa, les réformes engagées visent à restaurer la crédibilité des institutions et à renforcer la gouvernance, sans remettre en cause le cadre constitutionnel issu de 1994. Cette approche illustre une refondation par correction plutôt que par rupture.

À l’échelle continentale, un constat s’impose. La refondation politique en Afrique n’est ni linéaire ni homogène. Elle peut être démocratique ou autoritaire, inclusive ou contrôlée, populaire ou institutionnelle. Dans tous les cas, elle révèle une crise de confiance durable entre les gouvernants et les gouvernés. Elle traduit aussi la difficulté à faire coïncider les attentes sociales, les exigences de sécurité et les cadres constitutionnels hérités.

À l’orée du milieu des années 2020, l’Afrique apparaît engagée dans une phase prolongée d’expérimentation politique. Les refondations successives témoignent d’une quête de modèles de gouvernance adaptés aux réalités nationales. Elles montrent surtout que la stabilité ne peut plus être obtenue par la simple reproduction des systèmes existants. Derrière le mot refondation se joue désormais l’avenir du contrat politique africain.

2025, le cas malgache

À Madagascar, comme dans plusieurs pays africains, la refondation s’inscrit dans une histoire cyclique de crises politiques. Depuis la transition de 2009, chaque régime invoque la nécessité de réorganiser l’État sans parvenir à stabiliser durablement le système politique. En 2025, cette logique atteint un point culminant avec l’effondrement du régime en place et la recomposition des institutions, montrant que le projet de réorganisation peut aussi être le produit d’un échec accumulé plutôt que d’un projet initialement maîtrisé. Le mot refondation devient une tendance depuis octobre 2025 à Madagascar.

L’année 2025 a constitué l’aboutissement politique d’un long cycle de crises et de recompositions institutionnelles entamé plus d’une décennie auparavant. Présentée dès les premiers mois comme l’année de la réforme de la République, elle s’est finalement transformée en une année de rupture, marquée par l’effondrement du régime d’Andry Rajoelina en octobre et par un basculement profond des équilibres politiques, institutionnels et parlementaires.

Lorsque l’année s’ouvre au début du mois de janvier 2025, le pouvoir exécutif affiche une posture de continuité et de maîtrise. Andry Rajoelina est toujours en fonction, le gouvernement est opérationnel et le Parlement fonctionne dans une configuration issue des élections législatives de 2024. L’ancien parti présidentiel MAPAR, bien que fragilisé par les recompositions politiques intervenues depuis 2018, conserve une influence réelle au sein de l’Assemblée nationale, notamment à travers des alliances de circonstance avec les « indépendants » et un réseau de députés aguerris aux équilibres internes du pouvoir.

En mai 2025, à l’ouverture de la première session ordinaire de l’Assemblée nationale, les discours officiels insistent sur la stabilité institutionnelle et sur la nécessité d’engager sans tarder des réformes de fond. Très rapidement toutefois, le fonctionnement même du Parlement devient un sujet de controverse. Les absences répétées de nombreux députés lors des séances plénières et des travaux en commission alimentent une critique persistante sur l’efficacité de l’institution et sur le décalage entre les ambitions affichées et la réalité du travail législatif. Cette situation fragilise l’image de la majorité, y compris celle issue de l’ancien parti MAPAR.

Les difficultés économiques et sociales persistantes, les inquiétudes liées à la gouvernance, notamment la corruption généralisée, alimentent une contestation latente. La persistance de la vie chère, les coupures d’électricité, les difficultés d’accès à l’eau nourrissent un mécontentement diffus. Le tournant décisif intervient le 25 septembre 2025. Une manifestation populaire a éclaté. La crise atteint son paroxysme au début du mois d’octobre 2025. Depuis le début de ce mois, une série de prises de position publiques de figures politiques et institutionnelles met en lumière une crise ouverte au sommet de l’État. Les jours suivants sont marqués par une paralysie progressive des institutions et par des manifestations politiques d’ampleur variable à Antananarivo et dans plusieurs grandes villes. La « Gen Z » fait parler d’elle. Le 12 octobre 2025, Andry Rajoelina a quitté en catimini le pays, avec le soutien du gouvernement français. Ce qui a annoncé officiellement la fin de son régime, mettant un terme à une séquence politique entamée plusieurs années auparavant. Cette chute marque une rupture majeure dans l’histoire politique récente du pays.

C’est dans ce climat de tensions larvées que le nouveau régime dirigé par des militaires, qui a pris les commandes dès le 14 octobre, relance officiellement, le processus de refondation politique. Le gouvernement fraîchement mis en place annonce devant le Parlement l’organisation de concertations régionales destinées à recueillir les propositions des forces vives de la Nation. Le processus de refondation est lancé. Le discours officiel présente cette initiative comme une réponse à la crise de confiance entre les citoyens et les institutions, et comme un préalable à une réforme en profondeur de l’État.

Au Parlement, le Mapar, autrefois force dominante, perd sa cohésion interne. Des députés prennent leurs distances avec la ligne de Andry Rajoelina, marchant vers une reconfiguration du pouvoir. La chute du régime provoque un choc immédiat au sein des institutions. Dès la mi-octobre 2025, le Parlement connaît un basculement de fait. Le Mapar, ancien pilier de la majorité, perd rapidement son influence centrale. Plusieurs députés quittent le parti ou rejoignent de nouveaux blocs parlementaires constitués autour d’une logique de transition. L’Assemblée nationale, longtemps perçue comme une chambre d’enregistrement de l’exécutif, devient un espace de recomposition politique intense. Entre la fin du mois d’octobre et le mois de novembre 2025, les débats parlementaires se recentrent sur la responsabilité du régime déchu, sur les mécanismes de transition et sur les garanties à apporter pour éviter une nouvelle crise institutionnelle. Les commissions sont réactivées, les auditions se multiplient et le rôle de contrôle du Parlement gagne en visibilité. Cette séquence marque une tentative de refondation institutionnelle par le bas, portée non plus par l’exécutif, mais par une Assemblée en quête de légitimité retrouvée.

À la mi-décembre 2025, la première étape concrète de ces concertations préliminaires a lieu à Toliara. Elle est suivie par des rencontres similaires à Taolagnaro, Mahajanga, Toamasina, Fianarantsoa, Antsirabe et Ambositra. Si la participation est jugée significative par les autorités, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer un processus jugé trop encadré, où les conclusions semblent en partie prédéterminées. L’opposition politique, affaiblie et fragmentée, participe de manière inégale, oscillant entre volonté de peser sur le débat et crainte de servir de caution à un pouvoir dépourvu d’une légitimité électorale.

Par Rija R.

- Publicité -
- Publicité -
Suivez nous
419,278FansJ'aime
14,461SuiveursSuivre
5,417SuiveursSuivre
1,920AbonnésS'abonner
Articles qui pourraient vous intéresser

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici