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jeudi, mai 8, 2025
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Réquisition : Débat juridico-politique sur le contrôle de la presse

Contrairement à la lutte contre le Covid-19 qui est une cause commune, la légalité de la lettre de mise en demeure de  stations de télévision et radio par le DG de la Communication ne fait pas l’unanimité.

« Nous aussi, nous avons des juristes », rétorque l’ancien président de la République et non moins patron de presse, Marc Ravalomanana. Ses juristes ont visiblement une autre lecture de la loi n°91-011 du 18 juillet 1991 relative aux situations d’exception qui dispose en son article 4 que « la proclamation d’une situation d’exception confère au président de la République des pouvoirs spéciaux nécessités par les circonstances pour lesquelles elle a été proclamée et met à sa disposition tous les moyens civils et militaires susceptibles d’être mis en oeuvre à cet effet ».

Pouvoir réglementaire. L’article 17 d’ajouter que « la proclamation de la situation d’urgence confère de plein droit au président de la République le pouvoir, par voie réglementaire :

1° D’instaurer le couvre-feu, en limitant ou en interdisant la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et heures fixés ;

2° D’interdire le séjour, dans tout ou partie de la circonscription à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics; d’instituer des zones de protection ou de sécurité ou le séjour des personnes est réglementaire ;

3° D’ordonner la fermeture des salles de spectacles, dancing, casinos, débits de boissons et de tous autres lieux ouverts au publics ;

4° D’ordonner la remise des armes de première, deuxième et troisième catégories définies par le décret n°70-041 du 13 janvier 1970 et des munitions correspondantes appartenant aux particuliers ou détenues par eux et prescrire leur dépôt entre les mains des autorités et dans les lieux désignés à cet effet, sauf celles appartenant aux membres des Institutions.

Les armes et munitions remises en vertu de l’alinéa précédent donneront lieu à récépissé. Toutes dispositions seront prises pour qu’elles soient rendues à leur propriétaire en l’état où elles étaient lors de leur dépôt dès la levée de la situation d’urgence ;

5° D’ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit au domicile des personnes dont les activités s’avèrent dangereuses pour l’ordre public et la sécurité de l’Etat ;

6° De prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse, des publications et des émissions de toute nature et interdire celles qui sont de nature à perturber l’ordre public ou à mettre en danger l’unité nationale ;

7° De prononcer l’assignation à résidence dans une circonscription territoriale ou une localité déterminée de toute personne résidant dans la circonscription fixée par le décret visé à l’article 14 dont l’activité s’avère dangereuse pour l’ordre et la sécurité publics ;

8° D’interdire à titre général en particulier les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre. »

Il est précisé dans l’article 18 que « le président de la République peut déléguer certains de ces pouvoirs au Premier ministre avec faculté de subdélégation aux ministres et au président du comité exécutif du Faritany ou du Fivondronampokontany territorialement concerné, notamment en matière de : contrôle de la circulation des personnes et des véhicules; contrôle du ravitaillement; contrôle des armes ».

Autorités administratives. Le décret n°2020-359 du 21 mars 2020 proclamant l’état d’urgence sanitaire sur tout le territoire de la République de stipuler en son article 3 qu’ « En application des dispositions de l’article 18 de la loi n°91-011 du 18 juillet 1991 relative aux situations d’urgence, les pouvoirs du président de la République en matière de contrôle de la circulation des personnes et des véhicules, de contrôle du ravitaillement et du contrôle des armes sont délégués au Premier ministre ». 

L »article 18 in fine de la loi en question de souligner que « le décret proclamant la situation d’urgence comporte une délégation de pouvoirs pour les autorités administratives expressément désignées à l’effet de prendre par arrêté toutes mesures utiles dans un ou plusieurs domaines déterminés à l’alinéa ci-dessus pour assurer la sécurité et l’ordre publics des circonscriptions visées à l’article 14 ».

Droit de réquisition. Force est de constater que la lettre de mise en demeure adressée par le DG de la Communication ne fait aucunement référence à une quelconque délégation de pouvoirs. Tout autant que le Premier ministre n’a donné subdélégation de pouvoirs à des ministres dont 8 « sont chargés chacun en ce qui le concerne de l’exécution du décret » pris par le président de la République. Parmi les membres du gouvernement visés par l’article 4 dudit décret, figure la ministre de la Communication et de la Culture qui l’exécute à sa manière. Elle s’appuie vraisemblablement sur l’article 6 de la loi n°91-011 qui prévoit que « le droit de réquisition est ouvert, sans autres prescriptions que celles prévues par la loi, sur toute zone territoriale soumise à une situation d’exception ». Et ce, pour imposer à toutes les stations de télévision et de radio, l’obligation de « diffuser intégralement et en temps réel les émissions spéciales et les ‘directs’ des autorités publiques, notamment du Centre de Commandement Opérationnel (CCO) dans le cadre de la lutte nationale contre le Covid-19, durant la période disposée par le décret n°02020-359 suscité, notamment les émissions spéciales ‘miara-manonja’ (…) ».

Connotation politique. D’après la ministre de la Communication et de la Culture, cela n’a aucune connotation politique. Seulement, le fait même d’utiliser le terme « miara-manonja » donne forcément une coloration politique à la réquisition et à la lettre de mise en demeure. Sans parler du caractère coercitif de la mesure qu’aucune station de télévision et/ou de radio n’auraient osé contester le bien-fondé si elle était formulée autrement que par la contrainte.

Censure interdite.  En effet, « la lutte contre le Covid-19 est une cause nationale », comme le reconnaît d’ailleurs Marc Ravalomanana dont la conférence de presse qui vaut ce qu’elle vaut, n’a pas été diffusée, fut-elle partiellement par la chaîne nationale, alors que la Constitution qui est au-dessus de tout et de tous, au regard de la hiérarchie des normes, dispose en son article 11 que « Tout individu a droit à l’information. L’information sous toutes ses formes n’est soumise à aucune contrainte préalable, sauf celle portant atteinte à l’ordre public et aux bonnes moeurs (…) ». Le même article de poursuivre que « Toute forme de censure est interdite ». Quid alors de l’interdiction des émissions interactives à part celles diffusées par TVM et RNM ? La question devrait être posée au Conseil d’Etat qui, comme son nom l’indique, joue, en plus de sa fonction juridictionnelle, le rôle de conseiller de l’Etat, même si ce dernier demande rarement son avis avant de prendre un acte réglementaire lourd de conséquences. C’est le cas en matière de contrôle de la presse et de réquisition qui font l’objet d’un débat politico-juridique ou juridico-politique (c’est selon) à travers lequel, semble-t-il, nul n’a entièrement raison comme personne n’a tout à fait tort. Tout le monde entend parler à bon …endroit.

R.O

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