Aucun pays ne s’est développé, uniquement grâce aux aides extérieures, selon le président du Conseil d’Administration du CREM (Cercle de Réflexion des économistes de Madagascar), Rado Ratobisaona. Interview exclusive.
Midi Madagasikara (MM). On parle souvent de développement, mais de quoi s’agit-il réellement ?
PCA du CREM. Lorsqu’on parle de développement, on doit faire référence à une croissance soutenue à long terme dépassant le taux d’inflation annuel. Cette croissance doit orienter l’économie vers une transformation structurelle, concrétisée par le changement de comportements des acteurs économiques notamment les producteurs et les consommateurs. Du coté des producteurs, le processus de production doit favoriser les innovations technologiques pour des objectifs de production de masse, afin de bénéficier des avantages de l’économie d’échelle, et afin de satisfaire les besoins de consommation. Tandis que les consommateurs doivent de leur côté adopter le consumérisme, considérant l’augmentation de la consommation des biens comme un bénéfice économique.
Une croissance doit aussi se conjuguer avec un changement d’idéologie politique et sociale conduisant à un changement de mentalité d’une société. Le développement se résume par l’amélioration du bien-être de la population, mesurée par des indicateurs socioéconomiques usuels.
- Quels sont les problèmes qui nous ont empêchés de nous développer ?
CREM. D’une manière générale, tous les pays sont confrontés à des ressources limitées (financières, capital humain, dotations factorielles, etc.) face à des besoins infinis. Les critères de priorité et de choix des projets de développement font les différences entre les pays développés et les pays sous-développés. Pour le cas de Madagascar, qui est actuellement classé le 5ème pays le plus pauvre du monde, l’échec dû aux mauvais choix et à la mauvaise priorisation des stratégies de développement est une évidence tant au niveau des gouvernants que des gouvernés. Plus précisément, l’absence de concertation et de conviction en matière de projets de société entre les acteurs locaux et les bailleurs de fonds constitue le principal facteur du sous-développement et de la pauvreté. D’où l’amplification de la corruption et la mauvaise gouvernance.
- Malgré les aides et les prêts, pourquoi le pays n’a toujours pas réussi à surpasser ces contraintes du développement ?
CREM. L’expérience des pays émergents et développés montre qu’aucun pays ne s’est développé à travers les aides extérieures. Pour Madagascar, le problème réside dans la capacité d’absorption des aides internationaux. En effet, la conditionnalité d’octroi des prêts et aides extérieurs s’impose, en l’occurrence la concessionnalité de la dette.
En outre, la qualité et la capacité de négociation des responsables étatiques ne permettent pas de réaliser les vraies attentes des nationaux en termes de projets de développement, contre ceux qui sont dictés dans les lignes de crédits de la conditionnalité des bailleurs.
- Quels seraient donc vos propositions de lignes directrices de Stratégie pour le financement du développement ?
CREM. La finance, un élément mobilisateur des projets de développement. Tout d’abord, l’évaluation et la valorisation de nos ressources doivent être impératives avant de négocier des prêts en cas de nécessité. Ensuite, l’Etat doit absolument être en parfaite connaissance des informations en ce qui concerne les intérêts des bailleurs ainsi que l’utilité des fonds octroyés. Le terme de contrat doit se reposer sur le principe « gagnant – gagnant ».
Enfin, la création d’une banque nationale de développement permettant d’accorder des prêts à long terme constitue une condition incontournable pour un pays voulant s’émerger. A la rigueur, le pays peut adhérer à un bloc de pays s’il est dans l’incapacité de créer sa propre banque.
Recueillis par Antsa R.