Sous la Révolution socialiste, les stands installés sous les arcades sises devant les ruines de l’Hôtel de Ville à Analakely étaient qualifiés de « La Réunion kely », en référence aux marchands informels d’articles importés qui se ravitaillaient dans l’île sœur pour pallier la pénurie sur le marché malgache.
Des années plus tard, c’est le quartier des quatr’mis érigé derrière le mur de clôture du Complexe scolaire à Ampefiloha qui devait être rebaptisé « La Réunion kely ». Une appellation assez péjorative, puisque ces gens qui font partie des couches les plus défavorisées de la société, revendaient plutôt des objets d’occasion faits de bric et de broc qui sont rarement « made in Madagascar ». Et ce, le long de la voie ferrée où des tréteaux installés à la va-vite sur les deux côtés de la rue, font office de passage à niveau pour les rares trains qui passent. Obligeant ces brocanteurs pas comme les autres à remballer en catastrophe leurs marchandises, car ici plus qu’ailleurs, « rien ne se perd, tout se récupère ». La misère galopante a multiplié à une vitesse grand V le nombre de ces citoyens de seconde zone dont une partie est issue de l’exode rural, et dans une moindre mesure, du déclassement de certaines couches sociales.
200 familles. « C’est un Etat dans l’Etat », pour reprendre les propos d’un responsable du « fokontany » de Manarintsoa Atsinanana. Une circonscription populaire et populeux situé sur la rive gauche du canal Andriantany où la communauté de quatr’mis n’est pas administrativement recensée. Elle appartient encore moins au « middle class » du « fokontany » d’Ampefiloha situé sur la rive droite dudit canal qui déborde parfois sur le village composé d’abris de fortune. Un village sans toit (en dur) ni loi de plus de 200 familles où l’adage « il n’est de richesse que d’hommes », trouve toute sa signification.
Sans maire. Comparé au « Village de la Francophonie » qui a un maire, fut-il non élu, « La Réunion kely » pourrait être rebaptisé « Village de la Francofolie ». Sans maire mais avec des centaines de …mères. Le plus souvent célibataires. Et en charge de ribambelle d’enfants sans père ni repère qui espèrent que le sommet de la Francophonie ait également des retombées positives sur leur village. Quand bien même il aurait peu de chances d’accueillir beaucoup de visiteurs comme c’est le cas, à quelques kilomètres de là, sur la route Digue. Un village où le canal insalubre d’Andriantany reste jusqu’à présent, leur seul point d’ancrage et de …lavage. Un tableau grandeur nature que plus d’une télé étrangère garderont aussi du XVIe Sommet de la Francophonie à Tana. Avec en guise d’introduction, la phrase habituelle « Madagascar, un des pays les plus pauvres au monde ».
R. O
