Bon élève. Suivant les recommandations du Fonds Monétaire International, les autorités ont pratiqué, ces dernières années, une gestion prudente de la dette.
Une politique qui semble donner de plus ou moins bons résultats puisque Madagascar maintient un risque modéré de surendettement.
Rapport.D’assez bons résultats, du moins par rapport à d’autres pays emprunteurs dont la situation n’est pas très reluisante. La dernière édition du rapport sur la dette internationale publiée en octobre 2023 par la Banque mondiale l’atteste. « Dans un contexte marqué par la plus forte hausse des taux d’intérêt mondiaux depuis quatre décennies, les pays en développement ont dépensé un montant record de 443,5 milliards de dollars pour assurer le service de leur dette publique extérieure et des dettes garanties par l’État en 2022 », indique l’institution financière. « Des niveaux d’endettement record et des taux d’intérêt élevés ont précipité de nombreux pays vers la crise »,explique Indermit Gill, économiste en chef et vice-président senior du Groupe de la Banque mondiale. En précisant que « chaque trimestre où les taux d’intérêt restent élevés se traduit par une augmentation du nombre de pays en développement qui basculent dans le surendettement et se heurtent au choix difficile entre le service de leur dette publique et l’investissement dans la santé publique, l’éducation et les infrastructures. Cette situation appelle une action rapide et coordonnée de la part des gouvernements débiteurs, des créanciers privés et publics et des institutions financières multilatérales, plus de transparence, de meilleurs outils pour assurer la viabilité de la dette et des modalités de restructuration plus rapides. Faute de quoi, ce sera une autre décennie perdue pour ces pays. »
Taux d’intérêt.Cette situation trouve, notamment, son origine dans la hausse des taux d’intérêts. « La flambée des taux d’intérêt a accentué les vulnérabilités liées à la dette dans tous les pays en développement. Rien qu’au cours des trois dernières années, on a compté 18 défauts de paiement souverains dans dix pays en développement, soit plus que le nombre enregistré au cours des deux décennies précédentes. À l’heure actuelle, environ 60 % des pays à faible revenu sont exposés à un risque élevé de surendettement ou sont déjà dans cette situation. Le rapport constate que les paiements d’intérêts absorbent une part de plus en plus importante des exportations des pays à faible revenu. En outre, plus d’un tiers de leur dette extérieure est soumise à des taux d’intérêt variables qui pourraient augmenter soudainement. Beaucoup de ces pays traînent un fardeau supplémentaire : l’accumulation du capital, des intérêts et des frais pour avoir bénéficié du privilège de la suspension du service de la dette accordé dans le cadre de l’Initiative de suspension du service de la dette (DSSI) du G20. L’appréciation du dollar des États-Unis ajoute aux difficultés de ces pays en rendant les remboursements encore plus onéreux. Dans de telles circonstances, toute nouvelle hausse des taux d’intérêt ou forte baisse des recettes d’exportation pourraient acculer ces pays ».
Chocs.Madagascar ne fait évidemment pas exception en matière de recours à la dette. En effet, comme tous les autres pays du monde, la Grande Ile continue d’emprunter pour financer son développement. La dernière analyse de la viabilité de la dette donne des détails sur l’endettement du pays. « À fin 2023, le stock de la dette publique et de la dette garantie par l’Etat est estimé à 7 637,1 millions USD (49,2% du PIB) contre 6 866,3 millions USD en 2022 (40,9% du PIB). La dette extérieure publique et garantie par l’Etat représente 71,5% du portefeuille, soit 5 463,9 millions USD (35,2% du PIB) en 2023 contre 4 683,8 millions USD (27,9% du PIB) en 2022. Elle est majoritairement constituée par des prêts concessionnels, soit 83,4%. L’encours de la dette intérieure publique et garantie par l’Etat à fin 2023 s’élève à 2 173,2 millions USD (14,0% du PIB) et représente 28,5% du portefeuille contre 2 182,4 millions USD (13,0% du PIB) en 2022. L’encours de la dette intérieure à fin 2023 est constitué à 97,4% par des instruments dont la est supérieure ou égale à 1 an. Néanmoins, dans les dix prochaines années, le stock de la dette publique est estimé en moyenne à 44,0% du PIB ». Par ailleurs, certains chocs comme la dépréciation de l’ariary peuvent aggraver la situation. « Néanmoins, les résultats obtenus ont montré que le pays reste très exposé aux chocs liés à la dépréciation du taux de change et à la hausse des taux d’intérêt. Des risques qui devront être alarmants puisque le maintien des taux d’intérêt américains et européens à un niveau élevé pèse non seulement sur le coût des emprunts mais aussi sur la valeur de l’Ariary par rapport aux devises fortes ; ce alors que Madagascar est déjà fortement dépendant des importations. L’affaiblissement de l’ariary aura indubitablement un impact non négligeable sur la dette publique. Ces chocs extérieurs, risquant d’être persistants, un rééquilibrage des finances publiques pourrait permettre de limiter les déséquilibres extérieurs et de juguler l’accroissement de la dette lié à la dépréciation de l’ariary ».
Modéré.En tout cas, Madagascar dispose encore d’une marge de manœuvre en raison de son risque de surendettement modéré en matière de dette extérieure. « À fin 2023, le risque de surendettement extérieur est maintenu à un niveau « modéré ». En effet, les résultats de l’analyse ont montré que les ratios de viabilité restent en dessous de leurs seuils respectifs durant toute la période de projection dans le cadre du scénario de base ». La bonne perspective de relance, pour les prochaines années et les batteries de mesures annoncées, laisse en tout croire à une amélioration de la situation. « Une reprise de la croissance en 2024, avec un taux de croissance réelle de 4,5%. Une reprise, qui semble pourtant ne pas atteindre la croissance potentielle puisqu’en limitant la hausse des prix, l’on pourrait également subir un ralentissement de la demande globale. Avec une baisse progressive de l’inflation, passant de 7,8% en 2023 à 6,5% en 2024 et 5,5% en moyenne de 2025 à 2028 ; le PIB réel progresserait de 5,6% en 2025, atteindrait 7,1% en 2027 et maintiendrait le cap en 2028 avec un taux de 7,6% – Une amélioration du taux de pression fiscale, estimé à 12,9% en 2024, et à 14,6% en moyenne pour les quatre (04) années suivantes, il est estimé que le solde primaire rapporté au PIB serait excédentaire de 0,5% en 2024 et resterait excédentaire de 1,6% en moyenne de 2025 à 2028. Maintenir un tel niveau d’excédent primaire permettra in fine de stabiliser l’endettement et d’éviter que l’on ne tombe dans une spirale d’endettement non viable ».
Recueillis par R.Edmond