
Comme la croyance biblique le suppose, la route menant au paradis serait une voie difficile et chaotique. Avec la portion de la RN6 entre Antsohihy et Ambanja, les saints risquent de rebrousser chemin.
188 km s’avalent actuellement en 8 heures en taxi-brousse. Avant d’atteindre la capitale malgache du cacao pour ensuite prendre une autre piste tout aussi en mauvais état avant d’atteindre Ankify, le port-portail du paradis : Nosy-Be.
« Il y a encore quelques années, cette route nationale 6 était encore praticable », rappelle un chauffeur d’une coopérative faisant la disserte Ankify-Antananarivo. « Jusqu’à maintenant, personne n’a encore augmenté les frais de transport. C’est notre gagne-pain alors on persévère ».
Il y a quelques années, c’était en 2019. À partir de 2020, les choses se sont compliquées. Maintenant, depuis la localité de Befotaka, où « Andry Rajoelina a fêté le 26 juin avant les propagandes », s’enorgueillit une gargotière, l’enfer s’est fait route.
Crevasses successives sur une distance de 40 mètres, dont certaines peuvent arriver à mi-hauteur d’une Mercedes Sprinter. Les chauffeurs bénissent le calendrier. « La saison est sans pluie alors nous pouvons en profiter », concède l’un d’eux.
Ensuite, une chaussée qui se divise en deux, au milieu d’une mare où les canards batifolent sous la chaleur accablante de la journée. Parfois, un taxi-brousse dépasse un autre. Les roues du premier se trouvent à hauteur du porte-bagage de l’autre.
Puisqu’il y a deux niveaux à voir. Celui qui indique le niveau de la route, marqué par les épais goudrons détachés, signe qu’elle a été en bon état il y a belle lurette. Et celui qui, à force d’être creusé par les poids lourds, est devenu un canal.
La saison des pluies, elle se transforme en piscine. À la galère de la boue, des trous béants devenus des mares à volaille… s’ajoute l’insécurité. Le moment choisi par les bandits pour attaquer les véhicules. Même le diable n’aurait pas osé.
Alors, Antananarivo-Ankify peut se faire en quatre jours, voire plus. Vouloir continuer plus haut jusqu’à Antsiranana, c’est un peu comme rejoindre le pôle Nord. À Befotaka, la population est, un brin, sidérée. Tous les chauffeurs qui reviennent d’Antsiranana l’affirment.
« La portion à partir d’Ambilobe arrivant presque jusqu’à Antsiranana a été réhabilitée », fait savoir la gargotière de Befotaka. « Alors, pourquoi ne construisent-ils pas Antsohihy-Ambanja ? », se demande-t-elle.
Pourtant, celle-ci est le passage obligé pour aller vers le Nord. Par exemple, à Befotaka, la consommation de légumes est tributaire de la capitale. « Le prix de trois tiges de carottes peut grimper jusqu’à 3 000 ariary », souligne une vendeuse d’achards.
Sale temps pour les lapins. Le mauvais état de la route y est bien sûr pour quelque chose. Sans oublier l’inflation généralisée. Il faut s’accorder que cette portion Antsohihy-Ambanja pourrait déjà figurer dans le Guinness des Records.
Avec les élections qui approchent et l’enjeu économique d’Ambanja avec le cacao, cette portion pourrait constituer un joker électoral pour les candidates et les candidats les plus prometteurs. La propagande locale sera sûrement axée sur cette portion de la RN6.
Maminirina Rado