
Après Rakotovazaha Olivier et consorts puis le KMF/CNOE, c’était au tour de Rivo Rakotovao de saisir, ès qualité, la HCC hier.
Trois dossiers sont en instance auprès de la HCC. Il s’agit chronologiquement de la requête déposée le 07 septembre dernier par Rakotovazaha Olivier et 18 autres sénateurs aux fins d’inconstitutionnalité de la loi n°2020-012 ; de la requête en date du 14 septembre du KMF/CNOE aux fins d’annulation du décret n°2020-110 portant convocation du collège électoral pour les élections sénatoriales du vendredi 11 décembre 2020 ; et de la saisine effectuée hier par le président du Sénat aux fins d’inconstitutionnalité du décret n°2020-110 portant convocation des grands électeurs pour le 11 décembre 2020.
Juridiction compétente. La recevabilité de la requête du président du Sénat Rivo Rakotovao coule de source avec l’article 118 alinéa 1er de la Constitution qui dispose qu’ « un Chef d’Institution (…) peut déférer à la Cour Constitutionnelle, pour contrôle de constitutionnalité, tout texte à valeur législative ou réglementaire ainsi que toutes matières relevant de sa compétence ». La HCC est effectivement la juridiction compétente pour les élections sénatoriales.
Aucun recours. La requête des 19 sénateurs (sur 63) conduits par Rakotovazaha Olivier est aussi à priori recevable puisque le même article prévoit que « le quart des membres composant l’une des Assemblées parlementaires » peut saisir le juge constitutionnel. En revanche, il est fort probable que leur requête concernant la commission mixte paritaire soit rejetée dans la mesure où la HCC a signifié dans sa Décision du 04 septembre 2020 que « le dernier mot » appartient à l’Assemblée nationale dans la procédure d’adoption de la loi de ratification des ordonnances présidentielles. La requête des requérants fera vraisemblablement l’objet d’un rejet car « les arrêts et décisions de la HCC sont motivés ; ils ne sont susceptibles d’aucun recours. Ils s’imposent à tous les pouvoirs publics ainsi qu’aux autorités administratives et juridictionnelles ».
Sursis à exécution. En revanche, la requête du KMF/CNOE risque carrément d’être déclarée irrecevable puisqu’il n’est pas habilité à saisir la HCC. Même s’il a parallèlement déposé une requête auprès du Conseil d’Etat, ce dernier sursoit à statuer et saisit la HCC qui pourrait considérer qu’elle s’est déjà prononcée sur la question. En tout état de cause, le Conseil d’Etat ne peut pas examiner la demande de sursis à exécution du décret portant convocation du collège électoral en date du 09 septembre 2020 au motif que le recours n’a été déposé que 5 jours après alors que le délai légal est de 48 heures.
Oubli ou négligence. En fait, c’est la CENI qui n’a pas respecté la loi organique n°2018-008 relative au régime général des élections et des référendums qui dispose que « le scrutin doit se tenir durant la saison sèche, entre le 31 mai et 30 novembre, sauf cas de force majeure prononcé par la juridiction compétente sur saisine de la Commission Electorale Nationale Indépendante ». L’oubli ou la négligence (le résultat est le même) prête à réflexion car il ne s’agit point de dispositions nouvelles. L’article 36 de l’ancien code électoral consacré par la loi organique n°2012-005 du 22 mars 2012 disposait déjà que « le scrutin doit se tenir durant la saison sèche de l’année, entre le 30 avril et le 30 novembre, sauf cas de force majeure prononcée par la juridiction compétente, sur saisine de la Commission Electorale Nationale Indépendante ou ses démembrements au niveau territorial, selon la catégorie d’élections ».
Cas de force majeure. Ce qui avait amené la CENI-T à saisir le président de la HCC le 23 septembre 2015 (5 jours avant la sortie du décret portant convocation du collège électoral) aux fins de constatation d’un cas de force majeure pour les élections sénatoriales du 29 décembre 2015 qui tombaient en pleine saison des pluies. Le juge électoral a donné son feu vert à la tenue du scrutin en dehors de la saison sèche en considérant que « les élections sénatoriales sont organisées au suffrage universel indirect, avec un collège électoral restreint constitué par les conseillers municipaux ou communaux et les maires ; que le facteur climatique ne devrait pas être un obstacle dirimant à l’organisation du scrutin ». Pour le scrutin du 11 décembre, la HCC déjà présidée à l’époque par Jean-Eric Rakotoarisoa est confrontée aujourd’hui à sa propre jurisprudence pour avoir souligné elle-même dans sa Décision du 26 septembre 2015 qu’ « elle est la seule à pouvoir accorder une dérogation » par rapport à l’organisation du scrutin pendant la saison des pluies, sous peine pour les élections de tomber à …l’eau.
R.O