Un des grands noms de la science et de l’art malgache vient de disparaître, une voix unique dans l’étude de la culture populaire malgache. Serge Henri Rodin est parti à jamais hier, un décès qui a surpris ses anciens étudiant(e)s, ses pairs, le milieu artistique tananarivien…
Le timbre vocal, posé, enveloppant et cristallin, de Serge Henri Rodin décédé hier à l’âge de 75 ans ans a accompagné le parcours des milliers d’étudiant(e)s de l’université d’Antananarivo, notamment ceux de la faculté des Lettres et Sciences Humaines (Flsh). La voix idéale pour raconter une vie. Une voix d’ouverture d’esprit, de dévouement immodéré à la jeunesse universitaire, ce ne sont pas de vains mots, à la culture et l’« interculturel » malgache, à la littérature, au jazz… Ce membre de l’Académie malgache de Tsimbazaza a emmené l’art national sur des sentiers parfois occultés. Épluchant autant les tapages rythmés des chanteurs pour bal de collège que l’ostentation assumée des musiques dites savantes. Décortiquant livres, traditions orales, films, tableaux… Avec une justesse et une simplicité intellectuelle dans ses ouvrages scientifiques sur ces sujets. Déjà en 1969, il publiait au bulletin du club de l’Unesco « L’ensclèrosement ». Puis s’ensuivirent des dizaines d’autres. Dès 1976, une année après son intégration à la faculté, il s’intéresse à la culture des petites gens avec « Chansons populaires de Madagascar », en collaboration avec Bertram Schulz et le soutien de l’Infp/Goethe Institut, juste avant le pré-bouillonnement de la culture contemporaine malgache. La culture populaire, il en a fait son cheval de bataille. « Ambondrona, ses textes n’évoquent jamais la violence. Les femmes recherchent la sécurité », analysait-il. « Les ‘’je t’aime’’, ‘’je prendrai la lune et les étoiles pour toi’’, les ‘’je demanderai ta main auprès de tes parents’’, tout cela a déjà été chanté depuis la nuit des temps », s’amusait-t-il lors d’une discussion dans les locaux de l’Admc-Craam à Ankatso. Pour dire qu’au-delà de l’éternel recommencement, il y a une trajectoire partagée, des vécus communs… La beauté de l’art se trouverait donc dans ces destins parallèles des Malgaches. Ses funérailles se dérouleront samedi, après avoir quitté le domicile familial à Soamanandrariny à midi, une messe de requiem aura lieu à l’église catholique de Faravohitra. Ensuite, le professeur Serge Henri Rodin rejoindra sa dernière demeure à Ambodiafotsy.
Maminirina Rado