La révision de l’encadrement légal dans le secteur extractif est un sujet qui fait débat actuellement. Serge Zafimahova, analyste politique, nous livre ses points de vue.
Midi Madagasikara : Le contexte actuel présente-t-il une opportunité pour réformer la fiscalité, particulièrement du secteur extractif ?
Serge Zafimahova : Les réformes fiscales sont nécessaires pour que Madagascar puisse rentrer dans le concert des Nations. L’élargissement de l’assiette fiscale au niveau des personnes physiques malgaches nécessite une concertation nationale car il faut avant tout rétablir la confiance. Idem pour l’intégration du secteur informel qui caractérise l’économie de Madagascar. La réforme de la fiscalité doit aussi prendre en compte une juste répartition des impôts et des taxes entre l’État central et les collectivités territoriales productrices. La décentralisation est la clé de voûte du développement.
M-M : Comment faut-il alors procéder, à votre avis, pour parvenir à cet objectif d’amélioration des recettes fiscales ?
S-Z : D’abord, il faut moderniser le mécanisme fiscal malgache par rapport à l’évolution du système financier international. Il faut instituer un mécanisme fiscal permettant d’avoir une équité d’imposition durant les périodes alternatives des hausses et des baisses des cours qui se trouvent être les caractéristiques, par exemple, des marchés des minerais et du fossile. Il faut aussi maîtriser les coûts de transfert au niveau des IDE : prestations de service intragroupe, frais d’administration en commun ou de siège, etc. La partie malgache se doit de maîtriser les modélisations (économique, industriel, financier, fiscal, juridique, etc.) et non effectuer de simples amendements des propositions des PTF. Il faut avoir des personnes ressources qualifiées de haut niveau. Et d’autre part, il importe également de corriger les asymétries légales défavorisant la compétitivité des investisseurs directs nationaux (IDN) par rapport aux investisseurs directs étrangers (IDE). Par exemple, si l’on prend le secteur minier, les sous-traitants nationaux ne jouissent pas des avantages applicables aux sous-traitants IDE donc les IDN ne peuvent pas être compétitifs.
M-M : Qu’est-ce que vous entendez par modernisation ?
S-Z : Sur la base d’une modélisation fiscale robuste, il faut réactualiser la fiscalité pour répondre aux pratiques internationales, des possibilités techniques non exhaustives qui se pratiquent ailleurs. Il faut fiscaliser séparément les différents éléments de la chaîne de valeur et les entités impliquées dans les contrats (ring fencing), par exemple le secteur minier, ainsi que mettre en place des mesures d’évaluation/contrôle des prix de transfert. Aussi, fiscaliser à Madagascar les plus-values générées à l’étranger par des transferts indirects de titres nationaux, c’est le cas par exemple des titres miniers et pétroliers : obligation d’information de l’administration lors de cessions d’actifs et de responsabilité fiscale à l’entité taxable. D’autre part, il faut également fixer des limites à la déductibilité des intérêts issus des emprunts en fixant des ratios limites de sous-capitalisation (thin capitalisation) et définir des mesures anti-chalandage de traité (ou anti-treaty shopping). C’est la pratique d’un investisseur consistant à rechercher l’optimisation maximale pour bénéficier de la protection fiscale la plus avantageuse d’une convention fiscale ou d’un traité bilatéral d’investissement. Par ailleurs, il faut aussi établir des clauses de restriction des avantages (Limitation-on-benefits provisions). Il s’agit de combattre les montages consistant à faire transiter des capitaux via des paradis fiscaux ou vers des États à faible imposition. Et finalement, il faut définir une clause de limitation des bénéfices (principal purpose test). Le principe est de limiter ou même d’annuler les possibilités d’abus des CFI au cas où elles tendent à favoriser l’évitement fiscal contrairement à l’objectif défini dans la Convention fiscale.
M-M : Concrètement, la révision du cadre légal devrait se porter sur quels sujets ?
S-Z : Si on prend le cas du secteur extractif, le permis minier ou pétrolier est un titre cessible et nantissable. Les dispositions fiscales devraient intégrer l’évolution des techniques financières internationales nécessitant de réactualiser les mécanismes incitatifs d’investissement, de fiscalisation des titres à l’international, de lutte contre les techniques de blanchiment et de corruption ainsi que, d’intégrer des dispositifs pour annihiler ou au moins limiter les pratiques internationales abusives (Panama papers, Paradise Papers, etc.) ou les pratiques d’évitement concourant du point de vue de l’entreprise à l’optimisation fiscale et de l’État à l’évasion fiscale. C’est une pratique immorale mais légale par absence de cadre juridique à Madagascar. Pour contrer l’optimisation fiscale, le G7 vient de fixer un taux minimum mondial d’imposition de 15% sur les bénéfices des multinationales. Et, dans le Code Général des Impôts 2008 (Article 5), la notion d’établissement stable ou fiscal a pour objectif la territorialité des opérations et leur fiscalisation sur le territoire national. Il faut donc, non seulement, réactualiser la notion d’établissement fiscal pour éviter l’évitement fiscal dans le cadre soit de titre cessible et nantissable à l’international, soit de dématérialisation des services, soit de montage intergroupe, mais aussi de tenir en compte les Conventions fiscales et les Accords de protection réciproque des investissements signés.
M-M : On parle de chaîne de valeur dans le secteur des minerais, qu’en est-il ?
S-Z : Il faut établir une politique fiscale incitative et différenciée par escalier pour les différentes étapes : exploitation : production brute – raffinage : séparation de minerais – industrialisation : transformation manufacturière.
Recueillis par Rija R.