
Un conseil des ministres – avancé par rapport à son jour de tenue hebdomadaire – a eu lieu samedi à 11 heures au palais d’Iavoloha pour contrer la décision prise la veille par les députés.
Le conseil des ministres a eu lieu au lendemain même de la décision de l’Assemblée nationale d’ajourner le vote du projet de loi portant code de la communication médiatisée. Et ce, à la demande insistante des journalistes qui se sont fortement mobilisés contre son adoption à la va-vite. Une précipitation visiblement à l’initiative de la présidence qui a pris avant-hier deux décrets portant respectivement convocation de l’Assemblée nationale et du Sénat en session extraordinaire « à partir du mardi 05 juillet 2016 ». La session extraordinaire devait même se tenir « à partir du lundi 04 juillet 2016», selon le premier communiqué du conseil des ministres qui a été par la suite « rectifié » le jour même par un second communiqué.
Communauté internationale. Tout cela dénote de la volonté de l’Exécutif et en particulier, de la Présidence, de faire adopter rapidement le projet de loi qualifié de liberticide et de scélérat par une grande partie de la presse qui s’est exprimée sur les ondes de « Radio miara-manonja » contre certaines dispositions qui font des vagues jusque dans la communauté internationale. Pour ne citer que le PNUD qui ne se reconnaît plus à travers le projet final et les Etats-Unis qui ont fait part de leurs « appréhensions et inquiétudes » par la voix de son ambassadeur Robert Yamate qui prône « la reprise des discussions afin de parvenir à un texte consensuel ». Même le FMI pourrait s’inquiéter dans la mesure où la convocation d’une session extraordinaire dont le coût est évalué à 750 millions d’ariary, risque d’aggraver le GAP dont le comblement fait partie des conditions préalables au déblocage effectif de la Facilité Elargie de Crédit (FEC). Il n’est pas non plus exclu que l’Union Européenne émette des réserves dans la mesure où la contre-offensive d’Iavoloha par rapport à la décision de Tsimbazaza, est loin d’être conforme à la lettre et à l’esprit du dialogue politique basé sur les accords de Cotonou en ce que le décret pris samedi ne respecte pas le principe de la séparation des pouvoirs entre l’Exécutif et le Législatif.
76 députés. Il aurait été plus logique et moins illégitime de laisser l’initiative aux députés conformément à l’article 76 de la Constitution qui prévoit que « l’Assemblée nationale est réunie en session extraordinaire, sur un ordre du jour déterminé, soit à la demande du Premier ministre après consultation du président de l’Assemblée nationale, soit à la demande de la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale ». L’Exécutif n’était-il pas sûr de pouvoir réunir 76 députés sur 151 ? L’autre question qui se pose est de savoir si Jean Max Rakotomamonjy a donné un avis favorable à la demande de Solonandrasana Olivier Mahafaly. Le communiqué du conseil des ministres ne le précise pas, même si le décret se réfère à l’article 76 en question pour souligner que « la durée de la session extraordinaire ne peut excéder 12 jours ».
Urgence. De toute façon, par rapport aux difficultés actuelles, la convocation d’une session extraordinaire ne constitue pas une priorité quoique le décret présidentiel soit assorti de la formule habituelle : « En raison de l’urgence (…), le présent décret entre immédiatement en vigueur dès sa publication par voie radiodiffusée ou télévisée, indépendamment de son insertion dans le Journal Officiel de la République ». Même si ce n’est pas précisé, la référence à l’ordonnance n°62-041 du 19 septembre 1962 relative aux dispositions générales de droit interne et de droit international privé, indique qu’il s’agit de la radio et de la télé nationales qui étaient seules existantes à l’époque. Et dont le monopole de la couverture nationale plus d’un demi-siècle après, est un des points contestés et contestables du projet de code de la communication médiatisée.
2 décrets. On est également en droit – au propre comme au figuré – de se poser des questionnements sur le ou les décrets pris samedi à Iavoloha. D’après le communiqué de la Présidence, il s’agit de 2 décrets dont le premier porte sur la convocation de l’Assemblée nationale en session extraordinaire et le second, sur celle du Sénat. Le fait qu’il y ait deux décrets prête du reste à discussion, puisque les dispositions des articles 71 à 89 de la Constitution relatives à l’Assemblée nationale, « sont applicables par analogie au Sénat ». La Chambre haute se réunit de plein droit avec la Chambre basse, y compris en session extraordinaire. « Lorsque l’Assemblée ne siège pas, le Sénat ne peut discuter que des questions dont le gouvernement l’a saisi pour avis, à l’exclusion de tout projet législatif ».
4 projets en 12 jours. Pour cette énième session extraordinaire, l’ordre du jour comporte des projets de loi qui portent respectivement sur la réconciliation nationale ; le code de la communication médiatisée ; la Cour spéciale en matière de délinquance économique, financière et fiscale ; les compétences, les modalités d’organisation et de fonctionnement des collectivités territoriales décentralisées, ainsi que celles de la gestion de leurs propres affaires. En somme, 4 projets de loi tout aussi importants les uns que les autres, mais qui doivent être examinés et adoptés en l’espace de 12 jours. Soit 1 projet de loi tous les 3 jours pour les députés dont le niveau de compétences le dispute à leur taux d’assiduité. Ce qui arrange l’Exécutif qui dépose souvent les projets de loi au dernier moment tel que c’est le cas pour le code de la communication qui fait l’objet d’un douteux emPRESSEment.
R. O