
Son Beniowski est un nom d’une rue à Diégo-Suarez. Pourtant, rares sont ceux qui connaissent l’histoire du personnage alors qu’il a marqué l’histoire de Madagascar. Il est connu à l’Hexagone au XVIIIe siècle. Anti-esclavagiste pour les uns, aventurier pour les autres, mais il est avant tout un explorateur hongrois. En s’autoproclamant roi de Madagascar, Maurice Beniowski a été un personnage encombrant pour le royaume de France.
Maurice Beniowski a marqué l’histoire de la Grande Île en général et la région orientale en particulier. Ce personnage a sillonné cette partie de Madagascar et a tissé des liens avec les autochtones. Ce Hongrois a été envoyé à Madagascar par le roi de France pour y installer un comptoir. Mais au fil du temps, il se détourne de sa mission pour servir ses propres intérêts.
Arrivé à Madagascar, Beniowski informe par courrier des progrès rapides de sa conquête. En quelques mois, il s’allie à certains chefs locaux, il assèche des marais sur lesquels une ville, Louisbourg, est fondée, construit un fort à l’intérieur des terres, bâtit des hôpitaux, lève des troupes d’indigènes qui reconnaissent le roi de France pour leur suzerain. En peu de temps, l’île est conquise. Et Beniowski accompagne ses lettres d’une comptabilité détaillée des travaux, ainsi que les plans de chacun des bâtiments construits.
Dans le même temps, il demande à l’île de France des moyens toujours plus élevés en hommes, en vaisseaux, en marchandises, en argent, ce que l’intendant général Maillart refuse en l’absence de justification des dépenses. Beniowski s’indigne auprès du ministre et accuse Maillart de vouloir faire échouer son entreprise et de soutenir des intérêts privés dans le commerce avec Madagascar. Alors que des bœufs par centaines, du riz par milliers de livres, des esclaves, attendent seulement des vaisseaux pour passer à l’île de France, pourquoi le gouverneur préfère-t-il se tourner vers les Indes pour commercer à des conditions bien moins avantageuses?
À Paris, les demandes de Beniowski restent sans effet. Turgot, durant son bref passage au ministère de la Marine, tente de lui rappeler les limites de sa mission, mais sa lettre ne lui parviendra jamais. Toutefois, le destin de Beniowski finit par croiser celui de quelques noms illustres. En 1773, alors que le Kerguelen mouille dans la baie d’Antongil dans le nord de Madagascar, il ne trouve pas la moindre provision auprès de l’établissement français. En revanche, Beniowski lui demande son aide pour incendier un village d’indigènes voisins.
Deux ans après l’installation de Beniowski à Madagascar, Antoine de Sartine, le nouveau ministre, finit par mettre en place une commission d’enquête, conduite par Guillaume Léonard de Bellecombe et Étienne Claude Chevreau, et à laquelle participe La Pérouse. Cette commission révèle la supercherie : les constructions dessinées par le baron dans ses lettres n’ont jamais existé; les forts se résument à quelques cabanes entourées d’une palissade pourrie, le corps des Volontaires a été décimé par les maladies, l’intérieur de l’île n’a jamais été vraiment exploré, les indigènes ont déserté le littoral et ne veulent plus commercer avec les étrangers. Même le choix de l’implantation de la ville de Louisbourg, les pieds dans l’eau, n’aurait pas pu être plus mauvais. Finalement, trois cents hommes de Beniowski sont morts et deux millions de livres ont été dépensés. Il faut se résigner, conclut la commission avec l’intendant Maillart, à considérer la comptabilité de notre établissement à Madagascar comme celle d’un navire perdu corps et biens. Pourtant, Beniowski n’est pas inquiété dans l’immédiat. Il émigre en Angleterre, puis à Saint-Domingue (Haïti). Partout, il cherche des capitaux pour reprendre son œuvre à Madagascar. C’est à cette époque de sa vie qu’il écrit ses mémoires. Ses fables prennent de l’ampleur : de la chasse à l’ours blanc en Sibérie jusqu’à son sacre comme roi de Madagascar, le grand nombre de ses exploits impressionne quelques crédules.
Il réussit à monter une nouvelle expédition, débarque sur la côte occidentale de Madagascar, où il est attaqué par les indigènes. La plupart de ses compagnons sont massacrés. On le tient pour mort, mais il réapparaît à l’Est de l’île, ayant réussi à faire le tour de l’île en pirogue. Là, il s’en prend à un établissement français. Un régiment part de l’île de France à sa poursuite, et il est abattu au cours d’une brève échauffourée.
Recueillis par Iss Heridiny