
Depuis l’époque du cartable, on nous enseigne l’histoire de la colonisation malgache, de la lutte anticoloniale, du MDRM (Mouvement démocratique de la rénovation malgache) et du PADESM (Parti des déshérités de Madagascar). En effet, le rôle du gentil et du méchant au cinéma, on l’aime bien. Le premier rôle est attribué au parti MDRM. Le gentil dans l’histoire, le héros. Le sauveur par excellence de la nation malgache sous la domination française.
« C’est un parti politique né en France en Février 1946 et implanté dans la Grande Ile quatre mois plus tard. Ses succès électoraux fulgurants, acquis grâce à une implantation géographique rapide, laissent penser que l’ensemble des Malgaches a trouvé « le » moyen lui permettant d’exprimer son rejet du fait colonial. Distillée pendant plusieurs décennies dans l’enseignement scolaire de base », explique l’historien Denis Alexandre Lahiniriko. Ainsi, tous les politiciens de notre époque se réfèrent à ce parti politique. Dans le but de séduire le cœur de la population malgache, certains se vantent même être descendants de ses membres. Quant au PADESM, on lui a attribué le rôle du « méchant loup stupide». Celui qui a vendu ses propres compatriotes pour avoir les quelques lopins de terre. Le parti des déshérités de Madagascar incarne l’obscurité, le mal. Les mpamadika tanindrazana, le « Judas Iscariote ».
Les démagogues. Des questions se posent, lorsqu’on parle de la lutte coloniale. Le sang de la révolte coule-t-il vraiment dans le sang de ces nationalistes ? Ou ils se victimisent pour avoir de la popularité ? Car lorsqu’on parle de l’histoire du nationalisme africain, on pense à Patrice Emery Lumumba ou à Thomas Isidore Sankara. Mais à Madagascar, il est difficile d’avoir un aperçu d’un vrai nationaliste, surtout quand il s’agit de ces « gens du pouvoir », les « sangsues de la République ». « Ce sont toujours les petits qui en payent le prix », ceux sont toujours les « gens de bas de l’échelle » qui font la sale besogne. Les éloquents en costard s’exilent en France, en résidence surveillée, pendant que les petits maigrissent dans les barbelées de Nosy-lava. Et souvent, les noms de ces messieurs ne figurent pas dans les annales.
En fait, l’objectif de ces deux partis était le même, succéder aux colonisateurs. Ils ont alors usé de tous les moyens pour aboutir à leur fin. L’ethnicisme, la manipulation de masse, les fraudes électorales, tous les moyens étaient bons pour succéder aux vazaha.
Les élections de 1946 ont provoqué des tensions entre le MDRM et le PADESM. Des actes de violence et des menaces ont animé la campagne électorale. En revanche, lorsqu’on écoute les anciens raconter leur version de l’histoire, on entend souvent dire que les membres du MDRM sont des personnages pacifiques qui respectent les règles du jeu, mais, sont souvent victimes. En réalité, ces soi-disant partisans du mouvement anticolonial ne sont pas aussi net qu’on le raconte dans les petits manuels scolaires. Par exemple, lors des élections à Diego-Suarez, les partisans du MDRM avaient un plan, « s’infiltrer dans les camps militaires, voler les uniformes militaires et aller au bureau de vote pour voter Joseph Delphin Raseta ». Un autre exemple, « la veille de l’élection, des bulletins de Raseta sont remis aux électeurs par les agents de propagandes. C’est ce bulletin et non un autre qu’il faut mettre dans l’urne’».
Le « grand écart ». Tantôt MDRM affiche sa volonté de collaborer avec la France, tantôt il appelle à la révolte pour lutter contre l’administration coloniale. « MDRM est un parti qui joue un double jeu. Il est insaisissable. Devant les indigènes, les membres véhiculent un message fort, la liberté mais derrière, ils préparent autres choses. Et je pense qu’on assiste toujours à cette façon de faire en politique », a constaté Jaotoly, un passionné de l’histoire de la colonisation malgache.
Si les membres du PADESM sont critiqués depuis des années et accusés de voir les choses à travers les lunettes des colonisateurs, il est aussi temps de dire que le MDRM est un parti politique comme tous les partis politiques malgaches, assoiffé de pouvoir.
En somme, les citoyens doivent voir les choses telles qu’elles sont mais pas telles qu’ils souhaiteraient les voir. L’histoire est une discipline négligée mais très dangereuse. L’objectivité et la neutralité sont tout de même ses critères fondamentaux.
Iss Heridiny