
A Diégo-Suarez, on entend souvent ces anciens nostalgiques qui parlent de la situation de la population dans les années 1950. « Les Diégolais vivaient bien. Ils mangeaient à leur faim, marchaient droit », témoignent-ils.
Au cours des années 1950, les avatars du capitalisme occidental dans le monde ont imposé aux pays colonisateurs comme la France de réviser leurs politiques de placement des capitaux. Dès lors, ils vont abandonner l’ancien modèle économique qui est la traite, mais ils vont placer des capitaux productifs dans les Territoires d’Outre-mer. Pour ce faire, il fallait équiper ces pays. La France change son attitude envers les Pays d’Outre Mer en améliorant les conditions sociales de la population dans ces derniers.
Au début de 1950, l’économie de la France s’est redressée. En 1952, elle est quatre fois meilleure que celle d’avant-guerre. Les territoires d’Outre-mer, étant étroitement liés à l’économie de la métropole, sont effectivement concernés par cette évolution. Cela se manifeste par une amélioration des conditions de vie, mais aussi par la construction d’infrastructures sociales.
Le Nord de Madagascar n’est pas épargné par la stratégie de la France. Des habitats sont construits ; l’urbanisation de la ville de Diégo est élaborée.
Une démographie galopante. Les années 1950 connaissent une réelle poussée démographique grâce à la modernisation de la médecine et les constructions des hôpitaux. Par conséquent, on assiste à une transformation démographique, qui s’accompagne d’un gonflement considérable des villes, notamment à Diégo-Suarez, accru par l’industrialisation. En 1952, la population de la ville du Nord compte 35000 habitants, contre seulement 20000 en 1940. Toutefois, la métropole développe les territoires d’Outre-mer pour faire fructifier ses capitaux.
Pôle d’attraction. Avec une hausse du niveau de vie, la métropole attire aussi des migrants venant des autres régions de Madagascar et des pays comme les Comores, Yémen, et Djibouti. La ville est bondée de population, les campagnes se vident. La migration est aussi un facteur très important de l’augmentation de la population dans la ville de Diégo-Suarez. Cet accroissement s’est presque doublé en une décennie. La ville accueille une vague de migration au début des années 1950. Ces migrants fournissent une main-d’œuvre considérable dans la région du Nord. Ils occupent le territoire d’Ambilobe avec la SOSUMAV pour planter la canne à sucre, en passant par Anivorano, un carrefour de commerce surtout de denrées, jusqu’à Diégo-Suarez avec ses usines comme la SCAMA, l’Arsenal, et le port du commerce. La région accueille plus de 50000 habitants en 1955.
Une « ville florissante ». Depuis le début des années 1950, la ville dispose annuellement de plus de 35 millions de francs. La politique économique de la France semble fructueuse pour la ville de Diégo-Suarez. Toutefois, les travaux accomplis par l’administration ne sont pas assez nombreux même si le programme touche aussi bien la campagne que la ville. Il s’étend dans la partie Sud-est de la ville, comme Mangaoka, Anketrakabe, et Mahavanona au Nord. La productivité dans la partie septentrionale est cependant destinée à l’exportation de la région de l’Océan Indien collectée par les ex-colons réunionnais.
Les infrastructures sont construites, le ¼ de la ville a accès à l’électricité. Beaucoup d’autres projets sont réalisés dans la ville, et Diégo-Suarez connaît un réel essor économique.
Le trafic portuaire : une recette élevée. Si en 1947 le trafic portuaire de Diégo-Suarez est à 65000 tonnes, en 1950 il s’élève à 75000 tonnes. De ce fait, la balance commerciale est légèrement excédentaire au début des années 1950. Après la réhabilitation en août 1951, le port d’Antsiranana devient le troisième port après celui de Toamasina et Mahajanga. La ville devient une ville de commerce qui donne à sa population un pouvoir d’achat élevé. Malgré l’isolement de la ville du reste de l’île, elle récolte des recettes importantes.
L’éducation « pour tous ». En 1951 des infrastructures sont édifiées, dans le but de dissimuler les intérêts des autorités. Trois classes sont inaugurées, dont deux pour les européens et une seulement pour les malgaches. Peneli, l’administrateur Maire de la ville, parle d’une éducation pour toute la population de Diégo Suarez. Il affirme que «les autorités font tout leur possible pour que l’éducation soit équilibrée dans la région du Nord ». Mais elles utilisent l’éducation comme moyen d’assimilation. Il faut dire que l’éducation est inéquitable dans la ville. La masse populaire n’a pas le même accès à l’éducation que celle des européens.
Le coût de la vie et les problèmes des prix. A Diégo-Suarez, les prix des marchandises importées sont élevés. Les frais d’importation sont énormes. Malgré le pouvoir d’achat élevé, la population n’arrive pas à subvenir à leurs besoins. C’est la raison du mécontentement d’une partie de la ville et de ses environnants. Les planteurs et les ouvriers se plaignent et se rangent dans le camp de la lutte sociale.
L’équipement accéléré de Madagascar, le développement des villes notamment à Diego-Suarez et la modernisation de l’agriculture ont créé une classe nouvelle de travailleurs, qui défendent leur droit au travail.
Iss Heridiny