À la Gare routière, au marché, dans les tuk-tuk, la population de la partie nord de Madagascar a toujours la joue gonflée. Les gens en mâchent tous les jours, de l’après-midi jusqu’au soir. Un peu amer mais on l’aime quand même, parce qu’elle est en quelque sorte un remontant pour les jeunes. Feuille de connaissance pour les uns, drogue douce pour les autres, le khat réunit les habitants des deux régions notamment Diana et Sava.
Mastiquer cette feuille est désormais une culture dans ces contrées. Mais d’où vient cette herbe si précieuse? Selon les historiens et les documents consultés, le khat a été importé par les ouvriers yéménites et les somaliens dans la région septentrionale de Madagascar au début du XXè siècle. En espérant avoir une meilleure vie, ces immigrants sont venus dans la Grande île pour y travailler. Ils ont non seulement emporté avec eux leurs bagages mais aussi leur «culture». En effet, chez les Yéménites, l’habitude du khat est si bien et si anciennement enracinée qu’ils l’emportent avec eux quand ils émigrent dans d’autres pays. « C’est ainsi qu’ils introduisirent, par exemple, la mastication du khat à Madagascar ; elle fut diffusée ensuite par les Comoriens musulmans. La consommation de ce stimulant s’étend maintenant à Madagascar, du Cap d’Ambre (pointe nord) à Sambirano dans le nord-est. Grâce aux anciens débardeurs yéménites, la consommation du khat fut introduite aussi chez les Tankarana, peuple du nord de la Grande île, qui adopta l’Islam en 1841. La prise du khat ne semble se répandre qu’en milieu musulman, peut-être plus disposé, par tradition religieuse à faire usage d’excitants non enivrants», explique Charlotte Radt dans son article : Contribution à l’histoire ethnobotanique d’une plante stimulante : le khat.
Ces immigrants, une fois bien installés influencent la population locale notamment ceux qui pratiquent la religion musulmane. Entre les années 1920 et 1960, la mastication du khat, à l’origine, ne concerne que la communauté musulmane, et est pratiquée par une communauté restreinte durant de nombreuses décennies. Ensuite, la pratique s’est étendue les années suivantes. « En effet, jusqu’au départ des Français, dans les années 1960-1970, les communes de Joffreville et d’Antsalaka, aujourd’hui premières productrices de khat, étaient les principaux fournisseurs de fruits et légumes de la province nord, et en particulier de la ville de Diégo-Suarez. Durant cette période, la production battait son plein, et les paysans malgaches impliqués dans ce commerce parvenaient même à vivre honorablement de la culture maraîchère », explique le géographe Vincent Minquoy.
Économie en déclin. Alors depuis les années 1990, le khat est devenu l’emblème de la région du nord. Tout le monde y a déjà goûté au moins une fois dans sa vie. Et tout le monde se comprend. Cependant, le khat est également un fléau pour la région du nord. Elle crispe l’économie. Les jeunes ne travaillent que la matinée. L’après-midi, Antsiranana semble une ville inactive. La population ne fait que courir après l’«or vert». Ce qui implique la paralysie des activités dans la province d’Antsiranana en général et dans la ville de Pain du Sucre en particulier.
Recueillis par Iss Heridiny