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dimanche, avril 6, 2025
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Stratégie nationale de lutte contre la corruption : La lutte contre l’impunité érigée en priorité absolue

Madagascar vient d’adopter sa nouvelle stratégie quinquennale pour lutter contre la corruption. Ce document, qui vient d’être présenté officiellement le 31 janvier 2025, affiche des objectifs ambitieux. Mettre fin à l’impunité figure en priorité des objectifs de la nouvelle stratégie. Plus de 1 000 citoyens ont été consultés durant le processus d’élaboration du document.

Au cœur de cette nouvelle stratégie figure un engagement ferme à sanctionner sévèrement les auteurs d’infractions de corruption et les représailles qui en découlent. Dans les cinq prochaines années, le gouvernement prévoit de mettre en place des mesures concrètes pour identifier et confisquer efficacement les biens mal acquis. L’un des objectifs majeurs de cette initiative est également de lever les obstacles juridiques et administratifs qui entravent la répression des actes de corruption. Dans cette optique d’amélioration des actions anti-corruption pour la période 2025-2030, le gouvernement orientera ses efforts vers l’amélioration de la coordination des différentes entités chargées de la lutte anti-corruption et vers la lutte contre l’impunité.

Lors de la présentation du document, le premier ministre, Christian Ntsay, a souligné que « cette stratégie traduit la volonté des autorités malgaches d’éradiquer la corruption sous toutes ses formes et d’instaurer un climat de transparence et de responsabilité ». Quoiqu’il en soit, Madagascar se doit de renforcer ses actions contre la corruption qui persiste dans de nombreux secteurs, allant de l’administration publique aux services de base, reconnaît-on dans le document. L’image du pays est impactée, et la Grande île est réputée comme parmi les mauvais élèves en matière de corruption. Les indices de perception et les évaluations indépendantes montrent une tendance préoccupante, a-t-on affirmé.

Dans le cadre de la mise en œuvre de cette Stratégie nationale de lutte contre la corruption 2025-2030, le gouvernement compte favoriser un climat propice aux investissements publics et renforcer la confiance des citoyens envers les institutions. Une situation loin d’être acquise actuellement. Toutefois, cette initiative du gouvernement s’inscrit dans une vision globale visant à stimuler le développement socio-économique du pays. Un accent particulier sera mis sur des secteurs clés tels que la Santé, l’Éducation et le développement des infrastructures. En garantissant une gestion plus transparente et efficace des ressources, le gouvernement espère améliorer la qualité des services publics et favoriser un environnement plus équitable pour tous les citoyens. D’ailleurs, selon la vision de la stratégie, « En 2030, Madagascar est une île d’intégrité où les réseaux de corruption et l’impunité ne freinent plus le développement durable ».

Les actions qui attendent le gouvernement pour lutter efficacement contre la corruption

Dans le cadre du renforcement de sa lutte contre la corruption, la nouvelle Stratégie nationale de lutte contre la corruption (SNLCC) 2025-2030 a soulevé les points sur lesquels le gouvernement devrait déployer davantage d’efforts dans sa réalisation. Cette nouvelle feuille de route veut adapter les efforts du pays aux conventions internationales ratifiées et de les aligner aux politiques nationales en matière de gouvernance et de justice. Aussi, l’une des mesures clés que cette stratégie compte réaliser est l’internalisation des dispositions des conventions internationales, notamment en ce qui concerne l’accès à l’information publique, la déclaration et la gestion des conflits d’intérêts, la protection des lanceurs d’alerte et l’effectivité du recouvrement des avoirs illicites.

La SNLCC 2025-2030 vise également une meilleure coordination avec la Politique Générale de l’État (PGE) actualisée et d’autres politiques comme la lutte contre le blanchiment de capitaux et la Vision 2035 du secteur de la justice. La politique de décentralisation jouera également un rôle clé, en assurant une cohérence avec la Politique nationale de décentralisation émergente (PNDE). La prévention de la corruption occupera une place centrale, avec la poursuite de la mise en place des Structures anti-corruption (STAC) et l’application rigoureuse des codes de conduite des agents publics. L’accent sera mis sur l’application effective des sanctions disciplinaires et administratives contre les infractions à ces codes, ainsi que sur la transparence des recrutements et des concours administratifs.

Un autre axe de la stratégie est l’élimination des obstacles juridiques et opérationnels à la répression efficace de la corruption, démontrant une volonté d’éradiquer l’impunité. Le gouvernement prévoit d’intégrer la lutte contre la corruption dans les audits internes des administrations et d’instaurer une meilleure coordination entre les structures de contrôle. La SNLCC 2025-2030 entend aussi élargir son champ d’action à des domaines tels que la transparence électorale, le financement des partis politiques, la protection des droits de l’Homme et de l’environnement, ainsi que la lutte contre le trafic illicite des espèces protégées et les crimes transnationaux organisés.

Mainmise de l’Assemblée nationale sur la mise en accusation des anciens membres de gouvernement

Alors que la Haute Cour de Justice (HCJ) poursuit son travail en amont sur plusieurs dossiers impliquant d’anciens dirigeants, l’Assemblée nationale demeure le maillon faible du processus de mise en accusation. Depuis 2020, les députés semblent s’être enfermés dans une manœuvre dilatoire qui perpétue l’impunité et entrave l’application de la justice.

À ce jour, 16 dossiers ont été transmis à la Chambre basse, dont 14 restent en attente d’une résolution de mise en accusation. Or, la loi organique relative à la HCJ stipule que cette résolution doit être adoptée à la majorité absolue, soit 76 députés sur l’effectif actuel. Mais au lieu de se conformer à leurs responsabilités constitutionnelles, les élus de Tsimbazaza continuent de tergiverser, empêchant ainsi toute avancée judiciaire.

Cette inertie profite aux responsables politiques accusés de corruption, de favoritisme ou de détournement de fonds publics. Tant que l’Assemblée nationale ne remplit pas son rôle, ces personnalités restent à l’abri de toute poursuite judiciaire, mettant à mal les efforts de bonne gouvernance prônés par le président de la République. Ce dernier a pourtant réaffirmé, à plusieurs reprises, sa volonté d’appliquer une politique de tolérance zéro contre la corruption.

En dépit du blocage, la HCJ ne se laisse pas ralentir et continue d’instruire une dizaine de nouveaux dossiers, y compris des affaires impliquant des ministres en poste. Si la procédure législative reste figée, la justice pourrait néanmoins se retrouver face à une pression populaire croissante. L’heure est venue pour les députés de prouver leur engagement en faveur de la transparence et de la redevabilité, faute de quoi ils porteront une lourde responsabilité dans la persistance de l’impunité.

Sahondra Rabenarivo termine son mandat à la présidence du Comité pour la sauvegarde de l’Intégrité ce mois de février 2025.

Sahondra Rabenarivo : « La coopération multi-acteurs et sectorielle est primordiale si on souhaite que les réseaux mafieux, soient éradiqués »

Midi Madagasikara : Le niveau élevé de corruption dans le pays est reconnu par plusieurs études. Quelles sont les innovations que la nouvelle SNLCC a apportées pour renverser la vapeur ?

Sahondra Rabenarivo : Une principale innovation est la fixation de vision et d’objectifs stratégiques très clairs, compris de tous.  Certes, les objectifs sont ambitieux, il faudra que tous y travaillent, car après 20 ans de lutte contre la corruption, il est devenu éminemment clair que la lutte doit être menée par tous et pas juste confiée au système anti-corruption.  Une autre innovation est la mise en place d’un comité de mise en œuvre et le fait de devoir rendre compte du travail fait.  Enfin, l’approche multi-acteurs pour contrer les réseaux mafieux est un important objectif, tout aussi ambitieux et difficile que nécessaire.

Midi Madagasikara : Et pourquoi depuis l’adoption des précédentes stratégies nationales en la matière, la corruption continue de ronger le pays ?

Sahondra Rabenarivo : Les précédentes stratégies étaient surtout axées sur la répression de la corruption (l’investigation, la poursuite, le recouvrement, le travail essentiellement du Système Anti-Corruption – SAC), alors que la lutteest beaucoup plus large.  Certes, la stratégie de 2015 a essayé d’inclure une approche sectorielle et les politiques internes aux ministères de lutte contre la corruption, mais c’était difficile, voire impossible, que ce travail soit fait par le SAC tout seul. La nouvelle stratégie appelle à ce que tout un chacun y mette un effort. La coopération multi-acteurs et sectorielle est primordiale si on souhaite que les réseaux mafieux, organisés, utilisateurs de la corruption soient éradiqués.

Midi Madagasikara : Comment va être financée la mise en œuvre de la SNLCC ?

Sahondra Rabenarivo : L’Etat investit déjà considérablement dans la lutte contre la corruption, et son alter ego, la bonne gouvernance.  Beaucoup de problèmes de corruption seraient solutionnés par une meilleure gouvernance. Les efforts de digitalisation et d’amélioration des services publics sont des investissements contre la corruption.  Mais nous espérons aussi que les partenaires internationaux, soucieux que leurs donations ou appuis ne soient détournés ou dilués par la corruption, nous soutiennent davantage, matériellement et techniquement, dans les efforts spécifiques de Lutte Contre la Corruption. Sans certains d’entre eux, comme la Norvège et le PNUD, le SAC ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui.

Midi Madagasikara : Mettre fin à l’impunité en l’espace de 5 ans, selon l’objectif fixé par cette stratégie, est-il réaliste dans le pays ?

Sahondra Rabenarivo : La question de l’impunité est à la fois la plus facile et la plus difficile à tacler.  Aujourd’hui, la perception de la population est que la loi sur la corruption ne s’applique pas de manière égale à tous: certains, en raison de leur statut, sont à l’abri de la poursuite. Pour lever ces facteurs de blocages à la répression, il faut appliquer la loi. Il faut que chaque responsable fasse ce qui lui  revient : l’Assemblée nationale pour la mise en accusation, la Haute Cour de Justice (HCJ) doit pouvoir juger, les ministres doivent donner les autorisations d’enquête et de poursuite, les parlementaires ne devraient plus se réfugier derrière l’immunité parlementaire, l’abus de l’immunité diplomatique par des consuls honoraires… Nous ambitionnons de lever tous ces facteurs de blocage à la répression de la corruption.  Tant que ces facteurs ne sont pas levés, la Lutte Contre la Corruption ne sera que partielle, ce qui impacte sa crédibilité.

Midi Madagasikara : Des hommes politiques, de hauts employés de l’Etat ont été accusés de corruption par la justice mais beaucoup d’entre eux ne sont pas inquiétés. Comment cette nouvelle Stratégie nationale comptera-t-elle mettre fin à cette situation ?

Sahondra Rabenarivo : Mettre fin à l’impunité était de loin le desiderata numéro un des consultations et on l’a érigé en premier objectif stratégique. En 2004, quand on a créé le BIANCO, personne n’a même imaginé qu’on trouverait tous les moyens pour échapper à la poursuite, derrière les immunités réelles ou de facto. Le Président Rajoelina, avec la Constitution de 2010, a fait que la HCJ voit enfin le jour alors que c’était prévu depuis l’Indépendance de Madagascar.  Entre 1960 et 2010 alors, le fait que la HCJ n’existait pas permettait d’ échapper à la poursuite.  On doit tout simplement éliminer ces facteurs qui permettent à certains de s’extirper de la poursuite.  La corruption est comme un cancer, il y a quelque part un grand sacrifice à faire pour se soigner soi-même et se sauver soi-même.

Midi Madagascar : Quelles seront les prochaines étapes après l’adoption de cette nouvelle SNLCC ?

Sahondra Rabenarivo : On espère la mise en place rapide du comité de mise en œuvre, co-présidé par la Primature et le Comité de Sauvegarde de l’Intégrité, pour tout de suite passer aux actions stratégiques prévues pour cette première année.  Vous pouvez les trouver dans la stratégie, tout est là, transparent et clairement défini.

Dossier réalisé par Rija R.

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