- Publicité -
vendredi, octobre 17, 2025
AccueilCultureTokiniaina Razanakolona : «  Nous devons transformer notre potentiel énergétique en moteur de...

Tokiniaina Razanakolona : «  Nous devons transformer notre potentiel énergétique en moteur de développement inclusif »

Tokiniaina Razanakolona est le directeur général du Cabinet PHAOS, expert en planification énergétique et en électrification rurale. Président de IECRE du NEC Madagascar. Il accompagne depuis plusieurs années des projets liés aux énergies renouvelables aux Industriels, aux mini-réseaux, à l’entrepreneuriat productif et à la transition énergétique à Madagascar et en Afrique. Également doctorant en Énergie renouvelable et environnement. L’équipe de Midi Madagasikara a eu l’occasion de l’interviewer.

Midi Madagasikara. Monsieur Razanakolona, comment évaluez-vous aujourd’hui la situation énergétique du pays ?

Tokiniana Razanakolona. Nous sommes à un tournant décisif. Madagascar vit une phase où les défis énergétiques ne se limitent plus à la production ou à la distribution : ils touchent directement le développement économique, la compétitivité industrielle, la cohésion sociale et même l’inclusion territoriale. Notre capacité installée reste faible, la JIRAMA supporte seule un réseau vieillissant et déficitaire, et plus de deux tiers de la population n’ont toujours pas accès à une électricité stable. Ce n’est pas seulement une question d’infrastructures, c’est une question de modèle de société. Le paradoxe, c’est que nous disposons d’un potentiel énergétique considérable : solaire, hydraulique, éolien, biomasse, et même gazier. Le sud-ouest du pays recèle des gisements de gaz naturel exploitables pour la production électrique ou industrielle. Si ce potentiel est bien planifié, il pourrait permettre de stabiliser notre mix énergétique, réduire notre dépendance aux importations et renforcer la sécurité d’approvisionnement.

M.M. Justement, comment valoriser ce potentiel dans un contexte encore fragile ?

T.R. Cela demande une vision à long terme, ancrée dans la réalité du terrain. Le pays ne peut plus se contenter d’un modèle centralisé et dépendant : il faut territorialiser la production énergétique, c’est-à-dire adapter les solutions aux besoins spécifiques de chaque région, qu’il s’agisse de zones rurales, urbaines ou industrielles. Les régions rurales représentent un formidable levier de transformation : l’énergie y change la vie en soutenant l’irrigation, l’agro transformation, la conservation des produits agricoles, l’artisanat, les services de santé ou l’éducation. Chaque mini-réseau décentralisé, chaque centrale solaire villageoise devient alors un moteur d’entrepreneuriat local, une source d’emplois directs et indirects, et une chaîne de valeur nouvelle fondée sur l’électricité productive.

Au-delà de la production, Madagascar doit retrouver une véritable souveraineté énergétique. Aujourd’hui, notre dépendance aux importations de carburants fossiles et aux infrastructures extérieures fragilise toute l’économie nationale. La souveraineté, ce n’est pas l’isolement : c’est la capacité du pays à produire, stocker et gérer durablement sa propre énergie, selon ses ressources, ses priorités et ses réalités. C’est aussi une question de dignité nationale : un pays qui maîtrise son énergie maîtrise son développement. Atteindre cette indépendance énergétique suppose d’investir dans les ressources locales et de développer des compétences nationales à tous les niveaux, de l’ingénieur au technicien, du décideur au citoyen. Cette autonomie ne sera pas seulement technique, elle sera aussi économique, sociale et culturelle : c’est le socle d’un avenir stable, résilient et véritablement malgache.

M.M.Vous évoquez souvent l’énergie comme levier d’entrepreneuriat. Pouvez-vous développer ?

T.R. L’énergie doit être perçue non seulement comme un service, mais comme un outil économique. Quand une localité accède à une électricité stable, elle peut développer des activités productives : moulins, ateliers, serres, réfrigération, boulangeries, stations de pompage, ateliers de couture ou d’imprimerie. Chaque kilowatt distribué peut créer des emplois si le système est accompagné. Mais cela suppose un écosystème d’accompagnement : formation technique, microfinancement, sensibilisation à la gestion, et surtout inclusion des femmes dans ces chaînes de valeur. Trop souvent, les projets énergétiques oublient les femmes, alors qu’elles sont les premières gestionnaires du foyer, de la cuisson, du commerce local, et donc des usages de l’énergie. L’inclusion n’est pas un slogan : c’est une condition du succès durable.

M.M. Quelle place accorder à l’éducation et à la culture énergétique ?

T.R.Une place centrale. Il faut démocratiser la connaissance de l’énergie à tous les niveaux : dans les écoles, pour sensibiliser dès le plus jeune âge à la sobriété, à la gestion responsable des ressources ; dans les foyers, pour encourager le bon usage des appareils, éviter le gaspillage et prolonger la durée de vie des équipements ; dans les entreprises et les communes, pour maîtriser les consommations et valoriser les déchets énergétiques. La gestion de l’énergie passe aussi par l’éducation citoyenne : comprendre ce que consomme un frigo, une pompe, un éclairage public, c’est déjà agir pour la durabilité. L’énergie : c’est une culture à construire collectivement. Et pour les entreprises et les industriels, quelles solutions concrètes proposer ? Les entreprises malgaches, surtout industrielles, subissent directement le coût et l’instabilité de l’électricité. Bon nombre d’entre elles investissent dans des groupes électrogènes, augmentant leurs charges et leurs émissions. Il faut donc un mécanisme national de soutien aux industries énergivores. 

Propos recueillis par Iss Heridiny 

- Publicité -
Suivez nous
419,278FansJ'aime
14,461SuiveursSuivre
5,417SuiveursSuivre
1,920AbonnésS'abonner
Articles qui pourraient vous intéresser

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici