La grève conduite par les magistrats et les greffiers est un test de la capacité du pouvoir à établir un dialogue avec ceux qui osent lui porter la contradiction. Il ne s’agit plus cette fois-ci d’essayer de mettre au pas de simples manifestants, mais de répondre de manière intelligente à des juges, des procureurs et des greffiers demandant la concrétisation d’engagements pris par le pouvoir en place. Ce dernier a réagi comme à son habitude, en envoyant les forces de l’ordre pour casser le mouvement.
Un bras de fer mal engagé pour l’instant
Cette grève des magistrats et des greffiers ne ressemble pas aux mouvements corporatistes habituels. Ce sont les membres d’une institution, un des piliers du pouvoir qui réclament ce qui leur est dû. La résolution des assises qu’ils ont tenues auparavant a été soumise au ministère de tutelle et ce dernier n’a jamais voulu y répondre. Des négociations ont été entamées, mais elles sont restées lettre morte. C’est dans ce contexte que s’est décidée cette grève. Elle s’apparente à un bras de fer avec les autorités. Il s’agit d’une solution extrême pour que s’engagent de véritables négociations. Le pouvoir considère ce mouvement comme un véritable défi que lui portent les deux syndicats. Au-delà des revendications salariales et des plans de gestion de carrière, c’est l’indépendance de la Justice que la profession voudrait réinstaurer. Les magistrats revendiquent la cessation des interventions intempestives dans les dossiers qu’ils traitent. L’affaire Claudine Razaimamonjy leur a permis de montrer leur détermination à mener jusqu’au bout une instruction. Aujourd’hui, le pouvoir veut arrêter, pendant qu’il est encore temps, cette volonté de redonner au pouvoir judiciaire son importance. Les pressions et les brimades n’ont pas empêché les membres du syndicat de la magistrature de continuer à revendiquer leurs droits. Ils sont aujourd’hui arrivés au stade ultime de la contestation. Les pourparlers engagés avant-hier avec la ministre de la Justice n’ont rien donné. Les grévistes ont décidé d’intensifier leur action. Le palais de Justice a été rouvert de force et ils y sont interdits d’entrée. Le pouvoir a décidé de les mettre au pas. Nul ne peut dire quelle sera la suite des événements, mais pour l’instant, le pouvoir a remporté la première manche de son bras de fer avec les magistrats et les greffiers.
Patrice RABE