
La société évolue, mais visiblement, dans le mauvais sens. De plus en plus de familles malgaches ne soucient plus guère de la valeur des grands-parents, au point de les mettre à l’écart. Ainsi, si certains finissent dans les rues, d’autres sont emportés par leur souffrance.
Pauvreté ou tout simplement, manque de volonté? De nos jours, de plus en plus de foyers n’intègrent plus les personnes âgées, ou les grands-parents. Nombreuses sont les familles malgaches qui écartent les grands-parents et ne leur accordent plus les valeurs et l’estime dont ils méritent. « Ce n’est plus comme autrefois où les grands parents occupaient une place importante dans la famille. Actuellement, bon nombre d’entre eux sont sur le point d’être mis à l’écart ou oubliés, sous prétexte de ne pas avoir les moyens suffisants pour en prendre soin. Cette culture se remarque en général dans le milieu urbain, chez les familles pauvres », se désole un sociologue. Avant de se demander si la pauvreté qui frappe plus de la moitié des Malgaches y est réellement pour quelque chose. Force est ainsi de constater que de plus en plus de familles malgaches sont seulement composées d’enfants et de parents. « Les personnes que nous accueillons dans ce centre sont généralement issues des familles en difficulté. Et beaucoup ont été également ramassées dans les rues, autrement dit, des sans domicile fixe. Il y a aussi ceux qui n’ont plus personne pour s’occuper d’eux », explique le Dr Nicolas Rakotondrasoa, directeur du centre Foyer de Vie qui accueille les personnes âgées à Andrainarivo et à Ambohimanambola.
Des fardeaux. A Madagascar, il n’existe encore aucune statistique montrant le nombre exacte des personnes âgées, ou les individus du troisième âge. Ce qui rend difficile la mission des personnes de bonne volonté ou des associations diverses quant aux aides ou contributions à apporter leurs contributions pour aider ces grands-parents abandonnés. Et l’Etat ne dispose pas non plus d’une politique de protection sociale se penchant davantage sur les personnes vulnérables, en particulier les individus du troisième âge. Du coup, les nombreuses familles pauvres ont souvent tendance à penser que les grands-parents, surtout si ces derniers ne bénéficient pas d’une pension de retraite, deviennent une charge de plus, ou des fardeaux. Avec la souffrance et la solitude, beaucoup en meurent. Le fait de se séparer de ses grands-parents d’une manière volontaire est-il ainsi une question économique, ou sociale? C’est à chacun d’y apporter sa réponse.
De l’extérieur. Quelle solution pour y remédier? Quasiment rien de durable de la part de l’Etat, outre ces aides ponctuelles qui ont lieu lors des fêtes communes, à travers l’apport des vivres ou de couvertures. C’est donc là que se pose le problème, puisque les particuliers ou les associations diverses ne peuvent pas aider à eux seuls tous les vulnérables. Ils ont besoin de financements, qui, généralement, viennent de l’extérieur via les partenariats. Dans les pays développés, les hospices ont été créés pour accueillir les personnes âgées dépourvues de familles ou d’assistance. Avec le temps, l’hospice en elle-même est toutefois devenue un terme péjoratif dans les pays étrangers. Le terme le plus approprié est: « maison de retraite ». Mais il n’en existe pas encore dans la Grande Ile, plus précisément celles financées par l’Etat et ouvertes au grand public. Celle qui a été créée à Antsirabe est encore destinée généralement aux retraités français et réunionnais qui en ont les moyens. Presque toutes les autres associations qui accueillent les personnes âgées à Madagascar sont des particuliers qui s’autofinancent. Mettre en place une maison de retraite publique reste ainsi un grand défi pour l’Etat malgache.
Environ 400 mille Ariary par mois. Ce n’est pas toutes les familles malgaches qui peuvent se permettre de placer leurs grands-parents dans les centres d’accueil qui prennent en charge les personnes âgées. Un père de famille qui en a les moyens, mais non pas le temps pour s’occuper de sa mère, une sexagénaire, apporte son témoignage : « Je mets de côté environ 400 mille Ariary par mois pour financer les besoins de ma mère de là où elle est». Cette somme d’argent considérée comme colossale pour les familles pauvres, est donc à remettre tous les mois auprès du centre d’accueil qui s’occupe de cette personne âgée, à titre de contribution. Pour les autres centres privés comme celui d’Antsirabe, la contribution s’élève à peu près à 500 euros. Ce qui explique pourquoi à Madagascar, bon nombre de personnes âgées, n’ayant personne sur qui s’appuyer, deviennent des sans domicile fixe (sdf).
Foyer de Vie : 26 ans au service des personnes âgées. Redonner leur vraie valeur aux personnes âgées. Telle est la raison d’être du centre Foyer de Vie d’Andrainarivo et d’Ambohimanambola. Ce centre qui a donc pris place dans ces deux endroits accueille depuis 26 ans les personnes âgées, plus précisément celles qui ont 60 ans et plus, issues des familles pauvres. Tous les ans, le centre accueille en général autour d’une trentaine de personnes âgées, dont la capacité d’accueil est de 30 places pour celui d’Andrainarivo et 29 à Ambohimanambola. Les pensionnaires y trouvent tranquillité et sérénité, à en croire les explications du Dr Nicolas Rakotondrasoa, directeur des deux centres. «Malgré la souffrance qu’ils ont subie dans leur lieu d’origine, une fois arrivés dans les centres, on fait en sorte que le restant de leur vie soit paisible», déclare ce responsable. Ces pensionnaires cohabitent et participent à des activités qui leur font oublier la solitude. «Ils sont nourris et hébergés par le centre. On les apprend donc à cohabiter, à participer dans des jeux collectifs et d’autres loisirs divers», rajoute le Dr Nicolas. «J’ai eu un fils mais il est décédé. Plus personne ne peut s’occuper de moi. Cela fait maintenant plus de quatre ans que je vis ici. Depuis, je mène une vie paisible et j’ai maintenant beaucoup d’amis dans le centre», témoigne Hélène Ratoandro, l’une des pensionnaires du Foyer de Vie d’Andrainarivo. Malgré la mission difficile des deux accompagnatrices qui travaillent dans le centre à Andrainarivo, elles affirment être passionnées de ce qu’elles font et n’arrivent plus à se séparer des personnes âgées qu’elles prennent en charge, tous les jours. «Avec le temps et l’habitude, ils sont devenus comme nos vrais parents. On les aime tous», confie Gilberte Rasoazanakoto, l’une des assistantes et accompagnatrices.
Progrès. Comment de tels appuis ont-ils été rendus possibles par le Centre? Le responsable d’expliquer que les principales sources de revenus du Foyer de Vie dépendent généralement des rendements issues des activités agricoles effectuées par les pensionnaires à Ambohimanambola, des contributions apportées par le dispensaire rattaché au centre d’accueil, des contributions des familles des pensionnaires et surtout des appuis matériels et financiers venant des partenaires nationaux et internationaux (exemple: Madagascar 2000 qui a travaillé avec le Foyer de Vie depuis plus de 15 ans) et de l’Etat malgache. Et visiblement, des progrès sont constatés surtout en matière d’infrastructures d’accueil.
Dossier réalisé par Arnaud R.