- Publicité -
lundi, juillet 7, 2025
AccueilCultureVie urbaine : Joachin Rabenaivo, le « druide moderne »

Vie urbaine : Joachin Rabenaivo, le « druide moderne »

Au milieu des plantes, Joachin Rabenaivo peut parler des heures de vertu, de graines, de localisation, etc. des arbres.

Antananarivo arbore des signatures du paysagiste/pépiniériste Joachin Rabenaivo. À lui seul, il est un véritable marqueur culturel inscrit dans le temps long, tout cela grâce à sa main verte.   

Un « druide » des temps modernes habite du côté du By pass Mandikanamana. Au milieu de ces milliers de plantes, Joachin Rabenaivo possède un plant de bois de rose, de palissandre, d’arbres très anciens, d’arbres historiques importés… Avec son physique de boxeur catégorie welter, difficile à croire que le monsieur possède une sacrée main verte. Son savoir-faire lui a permis d’avoir la confiance des dirigeants de la ville d’Antananarivo pour agencer le jardin d’Antanimena. Aux 67 ha, les arbres qui bordent le canal au niveau de la Cenam sont la signature de Joachin Rabenaivo. Il en est de même pour le jardin du lycée français d’Antananarivo à Ambatobe et celui de la Banque mondiale à Anosy. Des Chinois lui ont commandé un arbre fruitier qui n’existait qu’en Chine grâce à quelques opérations de greffes dont il a le secret. Les Chinois ne l’oublieront jamais. Avec les passionnés dans son genre, il faut être prêt à écouter et à s’émerveiller. « Vous savez pourquoi il y a des sources en montagne, comme à Ambohimanga ou à Tsiafajavona ? », questionne-t-il. L’explication est d’une telle logique dans sa bouche. « À cause de l’arbre ramaindafy, dont aucun nom scientifique n’a encore été trouvé. C’est le top des arbres. Ce sont ces arbres qui aspirent l’eau et les font remonter, ainsi naissent les sources ». Dès lors, une source est souvent encerclée par cette espèce. La méthode de Joachin Rabenaivo pour récolter les graines fait de lui un témoin direct de la dégradation de la nature à Madagascar. « Je vais dans les forêts naturelles, à Moramanga ou Andasibe je recueille les graines tombées au sol ». L’année dernière, le site où il prenait les graines d’un type d’arbre a disparu. Il lui a fallu se déplacer à 17 km plus loin pour pouvoir en trouver. En 12 mois, ce sont donc des centaines d’hectares de forêts qui connaissent un sort tragique. « Je lance un appel, quand vous plantez des arbres, lors des reboisements par exemple, plantez des arbres sauvages. Ils rétablissent le climat, les pluies vont être équilibrées, elles tempèrent la chaleur et l’hiver. Je le demande de tout mon cœur ». En plus de 40 ans d’activités, ce paysagiste/pépiniériste a toujours été en première ligne de la faune et la flore malgache. « Quand je vais chercher les graines, j’établis un petit campement. Après la cueillette, à mon retour, je surprends des animaux me voler ma nourriture », signale–t–il l’air grave. Signe pour lui que la dégradation de la richesse naturelle malgache entraîne la dégradation de l’alimentation des animaux en forêt. « Leur nourriture se raréfie aussi. Ces animaux sont pourtant les collaborateurs de la forêt. Le voantsilana est la nourriture des lémuriens, il disparaît petit à petit ». Sa préférence pour les arbres sauvages, « hazo gasy » dans le jargon des spécialistes, trouve aussi une explication. « D’abord, 95 % de ces espèces n’ont pas de racine principale. Donc ne détruisons pas les maisons, les routes… », expose Joachin Rabenaivo. Ensuite, elles représentent parfaitement la notion d’écosystème. Les « Mandravasarotra », « Varongy » et autres se reproduisent de manière naturelle. Des graines tombent, sont emportées par les animaux, etc., et deviennent des arbres majestueux en quelques années. Elles sont ainsi les réponses les mieux adaptées à la nature du sol et du climat malgache. « Tous les arbres malgaches ont des vertus », rappelle–t-il. L’un peut servir de colle pour chambre à air, l’autre est un symbole de la lutte anti–coloniale utilisée comme sagaie à cause de sa dureté. Un autre pour avoir été utilisé pour construire un palais d’Andrianampoinimerina. Ou encore, un arbre préféré du professeur Ratsimamanga à cause de ses vertus. Sans parler des feuilles, capables de guérir de multiples maladies. Né en 1955, Joachin Rabenaivo va à l’école publique de Nanisana. En 1983, il trouve un travail au service des eaux et forêts. Trois ans plus tard, il intègre le lycée agricole d’Ambatobe. Une formation gratuite, dans un établissement réservé paraît-il à l’élite bourgeoise. Il poursuit en parallèle sa carrière professionnelle. Lors de la sortie de promotion, le professeur Rakoto Ratsimamanga épingle cinq étudiants sur la quarantaine. « Ils nous a dit qu’il nous offrait un stage chez lui », se souvient-il. Cela complète sa formation, se trouvant sous la houlette du grand génie des génies, l’Einstein malgache. En 1993, il prend une décision irréversible. Celle de voler de ses propres ailes. Il quitte son emploi public, ouvre sa propre affaire. Et d’ajouter, « Je me souviendrai toujours de mon premier contrat, c’était la station de pompage lot 2 à Mandroseza ». À partir de ce moment, il prospère. Comme il le dit, « Donnez–moi une colline déserte, je vous en ferai un paradis de forêt, avec un lac, des allées ». Dans son fief à Mandikanamana, il a réussi à faire rapidement pousser un « dity mena », arbre précieux. « Je réfute l’hypothèse qu’il est impossible de faire grandir le palissandre ici », en terres centrales, à Antananarivo. Le bois de rose s’avère être de la famille du palissandre. Avec une technique simple, à lui demander chez lui, Joachin Rabenaivo arrive à produire un arbre de quinze mètres et des dizaines de centimètres de rayon en moins de vingt ans. Avec la qualité trouvée en habitat naturel. « Il y a une technique dès la graine », se réjouit-il. Il explique son petit secret. Aujourd’hui, deux de ses enfants ont pris le relais. Il les a d’abord obligés à suivre une formation universitaire. Pour lui le meilleur mélange, « un diplôme et une connaissance accrue du terrain ».

Maminirina Rado

Suivez nous
409,418FansJ'aime
10,821SuiveursSuivre
1,620AbonnésS'abonner
Articles qui pourraient vous intéresser

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici