
Le 1er décembre est la Journée mondiale de la lutte contre le SIDA. À Madagascar, chaque région a sa manière d’agir pour vaincre cette grave pathologie. Les personnels de santé d’Antsiranana, chef-lieu de la région DIANA, ont consacré plus de trois jours pour sensibiliser les habitants locaux.
À 7 heures, un carnaval a été organisé dans la ville du Varatraza dans l’intention de rappeler aux concitoyens les méfaits du VIH-SIDA. Deux stands ont été installés à proximité de la mairie. Les travailleuses du sexe, les infirmiers, les agents de santé ont fortement été mobilisés. À part la sensibilisation, des dépistages gratuits ont été effectués. « Nous faisons cette activité tous les jours, pas uniquement à l’occasion de la Journée mondiale de la lutte contre le Sida. Les dispensaires publics reçoivent systématiquement des personnes voulant connaître leur état de santé. Nous combattons cette maladie au quotidien », a fait savoir Adélaide Teviky, responsable du programme VIH d’Antsiranana… Les Diegolais, depuis une décennie, sont conscients du danger. La preuve, plus de 7 individus ont visité les stands en l’espace de 15 minutes. L’un d’entre eux a accepté de discuter avec l’équipe de journalistes. « Tous les ans, ma petite-amie et moi nous nous rendons chez un médecin pour nous faire examiner. C’est pour avoir l’esprit tranquille », a avoué Dimby.

L’imprudence
Force est de reconnaître que les adolescents ayant vécu entre la deuxième moitié des années 1990 et le début des années 2000 ne voyaient pas les choses de cet œil. À cette période, les maladies sexuellement transmissibles était un sujet tabou. Acheter un préservatif était une honte. La sexualité était un sujet inabordable, en dépit des publicités et des émissions d’éducation sexuelle diffusées sur les chaînes de télévision et sur les ondes locales. De plus, d’autres raisons ont été soulevées par les médecins. « La MST, le Syndrome d’Immunodéficience acquise en particulier a été considéré comme une malédiction. Certains disent que ces maladies ont été inventées par l’Occident. Les adultes de cette époque ont inventé des arguments pour nier l’existence de la maladie. Malheureusement, ces verbiages ont convaincu les nubiles », a soutenu le Dr Tandrify Rahasimanana. Par ailleurs, la tradition servait de prétexte. Le préservatif destiné à protéger des infections sexuellement transmissible n’est pas conforme à la coutume malgache. Cela contredit le proverbe malgache « hanambadi-kiterahana » – se marier pour avoir une progéniture. Donc, pendant 20 ans, les compatriotes de la partie septentrionale du pays ont maintenu ce raisonnement. Un comportement qui va malencontreusement leur coûter la vie. Lieu de détente, pôle touristique, la capitale du nord et ses environs a toujours été un carrefour d’ambiance festive où les jeunes se rencontrent. Les attirances physiques et la pulsion charnelle sont parfois irrépressibles. Le sociologue Charles Yvan Raevo décrit ce « mélange entre sociabilité et sexualité ». « Dans ces festivals, la plupart des hommes n’ont qu’un seul objectif : rentrer avec de séduisantes créatures après le bal. La consommation d’alcool est un facteur de motivation. Stimulé par la boisson, le conquérant, si je puis dire ainsi, subjugue la demoiselle par son charme et son éloquence. À l’art de persuasion, s’ajoute l’immersion dans l’atmosphère de la fête et la dame finit par accepter de découvrir l’univers de son nouveau compagnon. Dans cette localité, la sociabilité se réduit à la copulation ». Cet érudit a adopté une méthodologie de Sciences sociales axée sur une immersion prolongée au sein d’un groupe humain, en vue de comprendre les pratiques, les représentations et les relations sociales, par une participation active aux activités quotidiennes et une observation systématique, souvent accompagnée d’une prise de notes réflexive. Il conclut que les maladies vénériennes se transmettent de cette façon.

Taux élevé
Le corps de la santé à Antsiranana, malgré l’insistance des professionnels d’information sur la description détaillée des patients, refuse catégoriquement de dévoiler une statistique. « Nous ne pouvons pas vous livrer cela », atteste une responsable de communication d’un projet d’un organisme contre le VIH-SIDA. En revanche, ils sont entièrement convaincus de la situation alarmante. Lors du dépistage de la matinée du lundi 1er décembre dernier, les journalistes ont eu l’occasion de voir la réalité de près. Les résultats étaient tétanisants car entre 9 et 10 heures, deux personnes sur six étaient séropositives. D’après les explications Elicia Florent, point focal du projet Sycavi, « les lycéens et les étudiants de l’Université sont les plus touchés ». Une question mérite d’être posée : Ces apprentis ne sont-ils pas avisés à travers les connaissances usuelles, la science ? La théorie ne rejoint guère la pratique. Selon Adélaïde Teviky, « Le taux s’est accru après la pandémie Covid-19. Lassés par un long confinement, beaucoup se sont défoulés ». Autrement dit, les retrouvailles ainsi que la reprise des « activités culturelles » ont été un véritable coup de grâce.

La nécessité ?
« La pauvreté n’exclut pas la prudence », disait un père éducateur. D’autres ne partagent pas cet avis. « La misère nous pousse à nous livrer dans le commerce charnel. Nous n’avons pas d’autre choix », a confié une femme de 23 ans. Cette pratique est presque courante. Des adolescentes, en voyant leurs parents à court d’argent, incapable de payer les frais de scolarité, « prennent leur destin en main ». À l’opposé de celles qui exercent le plus vieux métier du monde, ces premières, de peur que la société les dénigre, affectent un air innocent. Se prétendant être ce qu´elles ne sont pas, gagnent plus que les travailleuses de sexe. Aurélien, un aventurier, raconte : « Je me suis assis au comptoir d’un bar très branché de Diego. J’ai vu une jolie femme âgé de 20 ans. Elle m’a fixé du regard. Ensuite, je me suis approché de sa table. Elle était avec ses amies. Elle me disait qu’elle passait un peu de bon temps car la semaine était fatigante. Nous avons passé une belle soirée. Après, six jours, je ne me sentais pas bien. Le docteur m’a dit que c’était la syphilis ». Le comble, « le conquérant », comme le sociologue Raevo aime à nommer ces dragueurs, éprouve un amour profond et plus de plaisir avec ces oiseaux de nuit. « Parce qu’elles s’habillent décemment », a ajouté l’aventurier. Une remarque certifiant l’adage « l’habit ne fait pas le moine ».

En définitive, quoi que l’on dise, les pathologies sexuellement transmissibles existent. De nombreux témoignages ont été effectués par des victimes. Il est temps d’en prendre au sérieux. La ville de Diego-Suarez n’est qu’un aperçu parmi tant de grandes villes de la Grande-Ile. Cependant, le but est de notifier le danger imminent. La ville du Varatraza n’est tout de même pas synonyme de VIH. La capitale du Nord est une localité accueillante. Partout, il faut se protéger, personne n’est jamais à l’abri des infections vénériennes !
Iss Heridiny




