Pour la première fois depuis l’incarcération d’Augustin Andriamananoro, son épouse sort de son mutisme. Tout en clamant haut et fort l’innocence de son époux, elle réclame le retour à la maison de celui-ci pour que la famille soit au grand complet le jour de Noël. Interview exclusive.
Midi Madagasikara : Comment avez-vous vécu cette arrestation ?
Volanirina Andriamananoro : « J’ai encore le cœur lourd de souffrance, mais je prie le Seigneur pour m’aider à affronter dignement cette injustice de la vie. Mes trois enfants et ma proche famille souffrent également de cette longue absence de Papa AUGUSTIN à la maison. Depuis le soir du samedi 10 décembre 2016, lorsque des hommes en uniformes de la force de l’ordre l’avaient arrêté en pleines funérailles de ma tante à Itaosy Ambohijanamasoandro. Et depuis, mon mari Augustin ANDRIAMANANORO n’avait plus de contact avec nos enfants. Notre calvaire avait déjà commencé lors de sa poursuite par des individus armés des éléments de l’MMOREG la nuit 22 septembre 2016, après s’être exprimé et témoigner en direct sur le plateau de VIVA TV, la légitimité de la lutte pacifique des paysans de Soamahamanina, contre l’accaparement de leurs terres au profit de la Société chinoise JIUNG XING Mines SARL. Le régime HVM actuel que lui même a fait campagne en 2013, à travers ses puissances publiques, et le tribunal ont décidé de le placer en mandat de dépôt à Antanimora, comme un vulgaire criminel. Tellement, cette injustice me mine le moral, que je n’ai pas retrouvé la force de venir assister à la messe dite en l’Eglise EKAR Ste Dorothée à Soamahamanina dimanche dernier, pour porter en prière Augustin Andriamananoro, à la prison de la capitale, surtout, demander au Seigneur miséricordieux de veiller à l’impartialité de la justice à l’audience du tribunal à Anosy où il va affronter le jugement des hommes ».
M.M : Cette incarcération a-t-elle eu des impacts sur votre vie de famille ?
V.A : « Mon mari est un homme honnête, juste et loyal. C’est un homme fidèle à ses engagements politiques. Tout le monde sait qui est Augustin Andriamananoro, car au-delà d’être un personnage public ayant marqué les époques transitoires. Il était le Directeur de campagne pour faire élire la Constitution de la IVe République en 2010, et surtout la cheville ouvrière des Campagnes présidentielles pour faire élire le Président Hery Rajaonarimampianina. Personne ne comprendrait pourquoi actuellement, il devient l’homme à abattre par l’entourage du Président de la République, alors que ce dernier prône la réconciliation nationale. Notre fils Timothée âgé de 5 ans ne comprend toujours pas ce qui se passe, quand il voit les photos de son papa publiées à la Une de tous les journaux. Je n’ai pas de réponse à lui donner jusqu’à présent pour lui préserver d’une éventuellesouffrance morale que nous avons subite amèrement. Notre foyer familial attend le retour de Papa Augustin, et j’ose espérer que la justice appréciera à juste valeur les faits qui lui sont reprochés, sans preuve, ni fondement légal ».
M.M : Est-ce que votre mari a réellement participé à la manifestation de Soamahamanina ?
V.A : « Pour rappel, mon mari et moi étions invités au mariage d’un proche ami à Imerintsiatosika le jeudi 22 septembre, c’était le jour de la répression par des éléments de l’MMOREG aux habitants de Soamahamanina qui avaient organisé une marche pacifique sur la descente vers la fameuse rivière d’Ikalariana. Alors que la manifestation a déjà commencé à peu près vers midi, nous étions arrivés en retard et du coup nous avions décidé de nous arrêter à l’entrée de cette commune rurale de Soamahamanina, et croisions les manifestants qui marchaient pacifiquement et bradaient fièrement le drapeau national malgache. Mon mari, commence alors à sortir ses matériels de tournage vidéo et photo et se précipite d’utiliser son drone DJI, afin de filmer cette belle séquence de cohésion des membres de l’Association « VONA ny Fitiavan-tanindrazana » regroupant tous les villageois de la Région Itasy. Défendre nos terres n’est pas un crime, bien au contraire, c’est le devoir des uns et des autres qui pensent à l’avenir de la génération qui nous prête cette terre. C’est pour la première fois que nous sommes venus à Soamahamanina après notre longue absence sur le territoire. Car nous étions partis en France depuis fin juin, et nous ne sommes retournés qu’au mois de septembre vers la fin des vacances d’été. Il n’a jamais participé à aucune manifestation, car il était venu avec moi, ce jeudi 22 septembre pour être un des témoins oculaires, et éventuellement apporter des preuves pour plaider la bonne cause de Soamahamanina, et qu’il pourrait être utile à la recherche des solutions acceptables pour tout le monde. Ce jour-là, Il n’a jamais pris la parole, ni porté des banderoles. Nous n’étions même pas descendus dans la rue parmi les nombreux manifestants ayant laissé le passage des voitures sur la file de droite de la route nationale RN1 avant que le barrage de l’MMOREG les arrête à la hauteur de la rivière d’Ikalariana. La seule fois où on voit mon mari Augustin Andriamananoro, dans les médias, c’est après la répression des forces de l’ordre et les jets de grenades lacrymogènes. Une mère de famille du « Fokontany » d’Ambatomainty a été grièvement blessée, et il s’est précipité de porter secours et assistance à cette personne en danger. Des hommes d’Eglise, à commencer par les Evêques de la Diocèse de Miarinarivo et l’évêque Président de Justice et Paix ont lancé un appel solennel aux fidèles et aux citoyens responsables pour Préserver la Terre d’après la lettre encyclique du Pape François dans ses documents » LAUDATO SI » en parlant de l’accaparement des terres au paysans de Soamahamanina. De hauts responsables politiques, comme l’ancien Premier ministre du temps de la Transition, ou encore les nombreuses personnalités de la Société Civile, ont soutenu cette lutte de Soamahamanina. Les lettres ouvertes, adressées au Président de la République, au Premier ministre Chef du Gouvernement, le Ministre des Mines, le Ministre de l’Environnement, le Ministre de la Population et tous les services concernés par le projet d’exploitation aurifère par cette Société chinoise à Soamahamanina, sont restées sans réponse, la population n’a plus d’autre choix que d’exprimer autrement leurs doléances ».
M.M : Le procès aura lieu ce jour, avez-vous un message à faire passer ?
V.A : « Il est grand temps que justice soit faite. Je remercie infiniment les journalistes qui ont soutenu mon mari pendant qu’il séjourne en prison. Je remercie les médias qui ont plaidé cette cause de Soamahamanina depuis plusieurs mois, et je prie le Seigneur pour veiller à ma famille qui a été fragilisée par cette brutalité dont nous sommes victimes. TSY HELOKA AKORY NY FITIAVAN-TANINDRAZANA disait mon mari Augustin Andriamananoro. Oui, il a raison, car le PATRIOTISME dont les villageois font preuve de courage NE DOIT PAS ETRE ASSIMILE A UN CRIME. J’espère pouvoir passer Noël avec mon mari Augustin Andriamananoro à la maison auprès de ses enfants qu’il a tant aimé et chérir ».
Propos recueillis par Davis R