
Le massacre à la « nazi » des combattants de la liberté malgache les 5 et 8 mai 1947 s’est maintenant passé il y a 75 ans. Presque oubliées, ces deux dates sont à marquer d’une pierre rouge sang dans les mémoires de l’histoire coloniale malgache.
Le 5 mai 1947, il y a 75 ans, trois wagons de transport de bétail venaient d’arriver à la gare de Moramanga. À l’intérieur se trouvaient 166 combattants de la liberté : docteurs, enseignants, pasteurs, catéchistes, anciens combattants… Ils étaient les rescapés d’une chasse à l’homme lancée depuis plus d’un mois à travers la région Alaotra. La France, civilisation des lumières et pays des droits de l’homme, voulait mater de la plus belle des manières les membres du « Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache » local. L’aile dure pour ainsi dire.
Ceux qui n’ont pas été assassinés ont fini dans ces trois wagons. Sur le plan politique, cette action punitive était nécessaire. « Ces martyres étaient indépendantistes, ils voulaient une indépendance sans condition », explique le petit-fils de Ramboatiana et Randriamanamizao, morts lors des rafales sur les wagons. Voyant cette position ferme de ces combattants de la liberté, la France colonialiste devait donc frapper à la base la poussée populaire du patriotisme après le 29 mars.
« La chasse a été lancée par les Français dès le 8 avril. Les militaires, liste en main, allaient de village en village », entre autres à Morarano, Amparafaravola, Ambohipeno, Bevava Ilafy, Andilamena… En tout, 26 villages ont reçu la visite des régiments coloniaux. « Les massacres et les tortures ont débuté dès ces premières arrestations, durant le trajet vers le point de ralliement à Ambatondrazaka, durant le trajet en train Ambatondrazaka/Moramanga », ajoute ce descendant des martyres.

Nourriture pour chien. Sur l’aspect stratégique, l’administration coloniale avait du fil à retordre avec les « Maro salohy » ou « ceux avec de nombreux sagaies ». Menés par des anciens combattants malgaches des deux guerres mondiales, il fallait donc élaborer un plan pour les éliminer. « Les ‘’Maro salohy’’ avaient pour principe de sauver tout otage tenu par les colons, ces derniers pensaient donc les appâter. Une fuite d’information est parvenue jusqu’aux ‘’Maro salohy’’ ».
Le plan ayant été découvert, les Français ont décidé tout simplement de massacrer les appâts. « Le 5 mai, il y a eu la première rafale des wagons. Une cinquantaine sont tombées. Les survivants ont été emmenés en prison. Le 8 mai, ils étaient ramenés vers les wagons. Deuxième rafale. Un seul a survécu », ajoute-t-il. Les premiers morts des premières salves ont été laissés sur place. Les chiens errants sont alors venus prendre leur part.
Le reste a tout de même reçu les honneurs d’une fosse commune. « Les colons n’ont pas déclaré la mort de nos parents. Plus tard, il fallait alors faire un tribunal supplétif, dans les cas où des lettres administratives étaient exigées ». Cela a été un problème de plus pour les familles des martyres. Le traumatisme de celles-ci est resté des décennies après. Tout d’abord, elles ne pouvaient pas prendre les corps de leurs proches après les 5 et 8 mai par peur et par honte.
« Le mot ‘’fahavalo’’ pour désigner les combattants malgaches apportait l’opprobre. Par peur, certaines familles ont brûlé tout ce qui appartenait au défunt. Est-ce qu’ils avaient tort de lutter pour notre liberté ? », se désole le petit-fils de Ramboatiana et Randriamanamizao. Et d’ajouter : « Même mes petits-enfants ne connaissaient pas notre histoire. Ils commencent maintenant à la découvrir ».
Un massacre prémédité. Les Français ont établi une liste, à première vue, ce sont des gens d’un certain statut social. Elle comptait des enseignants, des docteurs… « Mon grand-père était d’une famille de boucher. À cette époque, le boucher était considéré comme un notable dans le pays ». Après ces arrestations, ces tortures et ces massacres, la structure économique de la région a été ébranlée. Un coup de plus sur le moral de la population locale. Un Français jouait un des rôles clés, le général Casseville, il a signé les ordres.
« Des colons ont profité de cette liste pour éliminer des propriétaires terriens malgaches et exproprier facilement leurs terres », rapporte-t-il. Autant en profiter, se sont sans doute dit ces porteurs de civilisation venus d’Europe. Plusieurs femmes et enfants ont ainsi vu leur chef de famille tué, accusé à tort et à travers. Tandis que leurs propriétés passaient aux mains de nouveaux acquéreurs. Un drame oublié.
Actuellement, les descendants et patriotes de la région Alaotra veulent réveiller la mémoire du 5 et 8 mai 1947. Un comité de mémoire de la 75ème année des massacres du wagon Moramanga organise des événements s’étalant du mois de juin au mois d’octobre. « Notre objectif est de rendre la fierté à ces familles. Parce que ce massacre a presque été effacé de notre histoire », fait savoir le descendant des deux martyres.
Sans vouloir porter de l’ombre à la commémoration du 29 mars, ce comité souhaite voir érigé un « mur de l’innocence » sur la voie menant vers la stèle commémorative de Moramanga. Où les noms des 165 tués seront inscrits. « Comme il se fait dans beaucoup de pays ».

Martyres de 1947
Voici la liste des martyres des 5 et 8 mai 1947 des wagons à Moramanga, ainsi que de leurs villages d’origine. Elle a été établie par « Fifanampiana malagasy ».
Ambandrika :
– François Rafaralahy
– Ranaivo
– Rarondro Bechard
Ambatondrazaka :
– Radanielina
– Vincent Rafaralahy
– Jemson Rakotoarinetsa
– Rakotomazava
– Rakotonanahary
– Célestin Rakotonirainy
– Emile Rakotonirainy
– Ramanankohajaina
– Ramisely (Michel)
– Daniel Randriamanganoro
– Rasamoela
– Ernest Rasolofo
Ambohijanahary :
– Rafatro
– Rainikotoarimanana
Ambohimena :
– Raoelina
Ambohipeno :
– Robert Randera
– Randriamaharefy
Ambohitriasana :
– Fandray Rakotomanga
Ambohitsilaozana :
– Rafaralahindriana
– William Rakotondramanga
– Alphonse Rambeloson
– Randretsa
– Randriatahiana
– Ratsifantarina
Amparafaravola :
– Ramamonjisoa
– Randrianony
– Emile Ratsimiseta
– Jacques Ratsimiseta
Amparihimpony :
– Rasola
Ampasimpotsy :
– Rabe
Ampilahoana :
– Randrianandraina
– Randriantompo
Andilamena :
– Radany
– Rakotomalala
– Rasoanarivo
– Raviavy
– Razafimandimby arthur
Andilanomby :
– Alphonse Randriantsoa
Andingadingana :
– Rafafy
– Randrianandro
Andreba :
– Parany
– Rafaratana Petera
– Rajasy
– Rakotonizao
– Ramboatiana
– Ramorasata
– Edmond Randriamaholy
– Randriamanamizao
– Charles Ratody
– Joseph Ratsaralafy
– Raveloariseheno
– Raoul Ravelontsalama
– Ravintana
– Ravoninjatovo
– Razafimahefa
– Bernard Razafindrakoto
Anororo :
– Randriamalaza
– Ratsangana
– Razafimaholy
Antsevabe :
– Ratsiharaika
Bevava Ilafy :
– Jules Rakotoary
Imerimandroso :
– Henri Rabeony
– André Rakotobe
– Randriamasoson
– Victor Randrianarivao
– Ranjakaranto
– Jules Razafindrakoto
Manakambahiny :
– Damon
– Rabemanantsoa
– Benjamin Ranaivoson
Mangabe :
– Ratsimiady
Mangalaza :
– Raphaël Rakotobesona
– Rakotomanga
– Ramasambika
– Randriamizana
– Rasonga
– Célestin Ratsiafenina
– François Ravao
Morarano :
– Rakotosaha
– Rakotozafy
– Ranidriamamahatra
Sahamamy :
– Ramahadimby
Vohitsara :
– Maharavo
– Rafaralahy Andriatsirombaka
– Rakotoniaina
– Rakotosihanaka
– Martin Randriamaro
Vohitsoa :
– Randrianampiana – Randriantsihanaka
Recueillis par Maminirina Rado
Salama,
Aiza no hahazoana ‘acte de décès ‘ n’ireo olona maty t@ wagons Moramanga azafady?
Misaotra