C’est un regard nouveau qui sera sans doute posé dorénavant sur le Soanambo ou fruit à pain. Ce fruit qui pousse en abondance dans l’Est et le Sud-Est de Madagascar reste, à ce jour, très mal exploité, voire gaspillé, alors qu’il s’agit d’un fruit à forte valeur nutritionnelle qui peut se poser en solution au problème de malnutrition à Madagascar.
Les initiateurs du projet Soanambo For Life en sont, en tout cas, plus que convaincus. Il s’agit d’un projet pilote qui se focalise sur l’approche intégrée WASH (eau-assainissement-hygiène) et la réduction de la malnutrition, et qui consiste en la plantation de Soanambo dans deux régions de Madagascar : l’Atsinanana (Brickaville comme première zone d’implantation) et l’Atsimo-Atsinanana, à Farafangana. Le choix de ces régions n’a pas été fortuit, puisqu’il s’agit de régions où le Soanambo existe en abondance, et où, paradoxalement, le taux de malnutrition chronique est élevé. Dans ce projet pilote, le Soanambo est transformé, à maturité, en farine sans gluten avec des qualités exceptionnelles pour la nourriture, notamment celle des enfants malnutris. « Le Soanambo peut très bien être un aliment de base, au regard de ses valeurs nutritionnelles importantes, par rapport au riz auquel les Malgaches sont habitués », explique KenLee Randrianarisoa, directeur général de l’entreprise Soanamad, qui prend le lead de ce projet, et qui produit déjà de la farine de Soanambo depuis 2018 dans son usine sise à Toamasina.
Qualité nutritionnelle exceptionnelle. Le Soanambo a déjà fait l’objet de recherches scientifiques, à Madagascar et dans d’autres universités étrangères. Des échantillons ont été envoyés à l’Université de Manitoba au Canada par Soanamad, pour la confirmation et l’identification de ses macro et micronutriments, mais également ceux encore sous-exploités. Les recherches ont alors mis en lumière les qualités nutritionnelles exceptionnelles du Soanambo : riche en fibres et contenant de nombreux autres nutriments (protéines, acides gras et une multitude de vitamines, minéraux et oligoéléments), le Soanambo a une haute teneur en eau, jusqu’à 80% à 85%. Le produit obtenu à partir du fruit à pain, en l’occurrence la farine de Soanambo, garde toutes les qualités nutritionnelles et s’utilise facilement pour de nombreuses recettes. Le Soanambo est, cependant, un fruit hautement périssable. La viabilité des fruits à pain ne durant qu’environ mois, la majorité des productions est jetée, à défaut de pouvoir les conserver et les transformer. Certaines régions en produisent pourtant jusqu’à 80 000 tonnes par an.
Plusieurs dimensions. A travers le projet Soanambo For Life, le fruit à pain est mis en valeur de plusieurs manières. En effet, outre l’apport nutritionnel qu’il offre, l’arbre à pain a également l’avantage de pouvoir pousser dans différents types de sol. Par ailleurs, il dispose non seulement d’une forte capacité de rétention d’eau et d’enracinement, protégeant de l’érosion, mais également d’une capacité d’absorption du dioxyde de carbone. Ces caractéristiques de l’arbre à pain, ainsi que les possibilités de reforestation à long terme, donnent au projet une dimension environnementale non négligeable.
Sur le terrain, la composante agricole du projet Soanambo For Life se consacre alors à la plantation du fruit à pain et à la transformation des fruits en farine, tandis que la composante WASH, avec l’appui technique de l’ONG internationale WaterAid, se focalise sur la gestion intégrée des ressources en eaux, incluant la protection des ressources en eau alimentant les champs sélectionnés, celles des bassins versants protégeant les sources, et le choix de plantes et arbres capables de retenir fermement les bassins versants afin d’éviter les glissements de terrain. S’y ajoutent la sensibilisation et la formation des populations.
Intersectoriel. Le projet, dans sa dimension intersectorielle, voit l’adhésion de plusieurs acteurs, notamment la Royal Academy of Engineering de Londres qui finance le projet ; l’entreprise Soanamad ; l ’ONG internationale WaterAid ; l’Office National de Nutrition (ONN) ; l’Ordre des ingénieurs de Madagascar, ainsi que la Queen’s University de Belfast, en Irlande du Nord ; l’Université de Manitoba et ITC alliances for Action.
Hanitra R.