
Il est passionné de l’histoire de Madagascar, l’histoire de sa localité à Ambanja depuis son jeune âge. Ce qui l’a poussé à s’inscrire à l’Université d’Antsiranana. Actuellement en L3, Willo est ce genre d’étudiant perspicace qui pose des questions très pertinentes à ses professeurs. Le voyage d’étude organisé par la faculté des lettres et sciences humaines a piqué davantage sa curiosité. Il constate que la partie septentrionale de Madagascar semble figée dans le temps. Néanmoins, il admet et reconnaît totalement les efforts fournis par ses aînés. L’équipe de Midi Madagasikara a eu l’opportunité d’interviewer le jeune étudiant chercheur dévoué.
Midi Madagasikara. Quel rôle attribuez-vous à l’Histoire ? A-t-elle un poids pour les générations futures ?
Willo Tiandrainy. L’Histoire est le pilier essentiel du progrès. Elle fait fleurir la nation. Néanmoins, cette discipline semble reléguée aux oubliettes pour diverses raisons. Par ailleurs, les récits véridiques sont masqués au profit des légendes et fables mal contées. En sus, les épisodes historiques des régions restent méconnus.
M.M. La partie septentrionale de Madagascar avait des royaumes et des rois de qualité. Sont-ils aussi oubliés ?
W.T. Actuellement, personne ne mentionne plus ces grands royaumes, ces monarques écoutés et ces souveraines puissantes, féministes avant l’heure. Les Amada de Sakalava Bemihisatra de Nosy-Be, les vaillants princes Said Achimo, Laboheny, Tsialana ou encore le visionnaire Tsimiharo I ont été effacés de l’Histoire. Ils étaient, pourtant, des chevaliers – nationalistes icônes du Nord.
M.M. Mais que font les historiens de cette région ? Pourquoi ne réagissent-ils pas ?
W.T. Certes, les historiens ont écrit afin de retracer leur itinéraire. En revanche, il semble que ces griots modernes prêchent dans le désert. Le comble, l’Histoire est instrumentalisée par les politiciens. Ces derniers s’emparent de la fonction de l’historien en racontant des sornettes romanesques.
M.M. La Grande Île héberge des zones archéologiques, notamment dans le Nord. Et selon les historiens, la région est à l’origine du peuplement de Madagascar. Pourquoi n’en parle-t-on pas ? Normalement, cela doit attirer des touristes ?
W. T. Effectivement, l’Île Rouge regorge de patrimoines et vestiges du passé pouvant devenir des sources de revenus. Ces sites attractifs contribuent de manière significative à la croissance économique grâce à l’activité touristique. Malencontreusement, la préservation et la conservation ne sont pas suffisamment prises en compte. D’autre part, les concitoyens n’accordent aucune importance aux héritages laissés par les aïeux. L’entretien des biens communs n’est pas uniquement le devoir de l’État. Tout le monde doit s’y mettre.
M.M. Vous avez effectué un voyage d’étude il y a un mois, qu’avez-vous constaté ? Cela a-t-il déclenché quelque chose en vous ?
W. T. À ce propos, les étudiants en L3 mention Histoire de l’Université d’Antsiranana, à la suite du voyage d’étude à destination d’Antananarivo, Moramanga et Toamasina, se sont rendu compte de l’ampleur du travail. En effet, ils ont pris conscience qu’il est primordial d’entamer une construction identitaire et de vulgariser l’histoire régionale. Au contraire des habitants des Hautes Terres Centrales et de la partie orientale du pays, les habitants du Nord semblent avoir une mémoire historique moins vive.
M.M. On dit que l’historien est forcément un enseignant. Êtes-vous d’accord ?
W.T. Un historien est certes un enseignant, mais c’est aussi une véritable bibliothèque vivante où est conservée toute une mémoire collective d’un peuple, d’un pays entier, ou même d’une civilisation donnée. Il interprète, analyse et cherche à comprendre ainsi qu’à expliquer les fluides des faits concernant l’évolution de la société, afin de mettre à jour les nouvelles vérités historiques. Il ressuscite le passé pour mieux comprendre le présent, en se plongeant dans les archives, en consultant les aînés, les griots. Ils consultent aussi les individus susceptibles de détenir une quelconque information historique, qu’elle soit écrite, orale, ou sur des supports audiovisuels, photographiques, archéologiques voire à travers des monuments. Il est le conservateur et le gardien du flux spatio-temporel.
Propos recueillis par Iss Heridiny