Des habitants de plusieurs communes rurales de la région Vakinankaratra sont obligés de se préparer à quitter leurs lieux de vie, suite à la mise en place des Zones d’investissement agricole (ZIA). Et pourtant, les promoteurs de ce projet avaient affirmé leur intention de ne procéder à aucune expulsion. En outre, les paysans n’ont pas été dûment informés de la possibilité pour leurs associations de participer aux investissements dans le cadre des ZIA. 21 investisseurs ont déjà signé des baux emphytéotiques sur des terrains divers d’un total de 1000ha, pour la première vague, suite aux appels à manifestation d’intérêt visant les investisseurs étrangers et nationaux, d’après les responsables des ZIA.
Illégitime. Les terrains concernés par ces ZIA dans huit communes sont actuellement des terrains domaniaux, certains ayant été titrés au nom de colons, tandis que d’autres avaient déjà été attribués à des investisseurs dans le cadre de ZIA avant 2009 ou assignés à d’autres usages. Même si les associations et ONG font partie des investisseurs éligibles, les habitants, y compris les chefs « fokontany » et les occupants des terrains concernés, ignoraient qu’ils avaient la possibilité de s’organiser en associations et de postuler pour l’attribution de terrains afin d’investir dans les ZIA. Refusant la situation et les perspectives annoncées, certains occupants des terrains attribués aux investisseurs, qui ont été prévenus de leur prochaine expulsion, ont manifesté leur opposition de diverses manières. Des centaines, voire des milliers de familles devront donc abandonner les terres fertiles de la région, qu’elles ont mises en valeur et qu’elles cultivent pour se nourrir, depuis plusieurs générations pour beaucoup d’entre elles, mais en plus, elles vont se retrouver sans terre ni toit pour survivre ? Un tel programme est tout à fait inacceptable et incompatible avec « la croissance régionale et l’amélioration du niveau de vie de la population », prônée par les dirigeants.
Instable. Lors du lancement de la ZIA en 2014, le ministre de l’Agriculture de l’époque avait assuré qu’il ne devrait y avoir ni expulsion ni empiètement sur les terrains des paysans. Mais suite à une visite des chercheurs du CRAAD-OI en mars dernier, un responsable des ZIA avait commencé à moduler cette affirmation en indiquant que « les empiètements et les expulsions seraient évités autant que possible ». En juillet 2016, les paysans ont noté qu’ils ont été priés de ne plus cultiver les terres qu’ils occupent et de se préparer à quitter les lieux. Et pourtant, la plupart des familles concernées vivent sur ces terres depuis des dizaines d’années, plusieurs personnes âgées de 50 ou 60 ans sont nées dans ces villages et y ont toujours vécu. Ces familles étaient donc là avant que les terrains n’aient été cédés à l’Etat par le régime colonial. Par conséquent, ces occupants ne sont pas du tout des « squatters », mais des familles dont les droits sur les terres doivent être reconnus et respectés, d’après les organisations de la société civile. « Les belles paroles ont donc servi seulement à endormir la vigilance des paysans et des citoyens ? », avancent-elles. Le comble est qu’aucune proposition alternative n’a accompagné les annonces d’obligation de quitter les lieux, d’après les témoignages.
Recueillis par Antsa R.