Revirement de situation. Les parents des filles abusées sortent du silence mais ne poursuivront pas les étrangers accusés d’abus sexuels sur leurs filles de Mangily-Tuléar. Au contraire, au cours d’une conférence de presse improvisée le samedi 24 Avril dernier, une cinquantaine de parents et notables ont demandé la grâce présidentielle, et le pardon de la Première dame. Les parents sont responsables des filles abusées, ils en sont conscients. Ils soutiennent leurs filles, qui sont déjà émancipées, et qui rapportent leurs salaires à la maison. Ils se sont rendu compte que le Tribunal de Tuléar ne pourrait rien faire, ayant certainement d’autres objectifs. Les juges auraient pu condamner ou relâcher les présumés coupables, depuis tout ce temps. La Plateforme pour la Protection de l’Enfant Tuléar (PPE) est la seule à signaler à la police, les agissements des 17 étrangers. Cinq d’entre eux sont déjà sous les verrous et attendent leur procès depuis cinq mois. L’un d’entre les cinq seulement a été dénoncé par les filles. De son côté, le Tribunal compte sur les 12 restants pour commencer le procès. La police et la gendarmerie ont déclaré, « recherche infructueuse ». Les vrais coupables sont partis dès que la chasse aux sorcières a débuté. Le Parquet Général continue la recherche. Il attend une retombée pour une aussi grande prise. Les juges savent que le Ministre de la Justice et la Présidence suivent ce dossier de près, et espèrent obtenir des postes vacants dans les hautes sphères de l’Etat.
Soupçon. Rien, au bout de cinq mois de détention : pas de liberté provisoire, ni liberté sous contrôle judiciaire, surtout pas de non-lieu, même pour ceux qui n’ont pas de charge. Ceux de Mangily trouvent le temps long sans leurs bienfaiteurs. Ces Vazaha sont leurs sources de revenus, ainsi que leurs filles, qui les font vivre. Ils ne peuvent plus attendre, aussi ont-ils organisé ce face-à-face avec la presse pour transmettre leur message à qui de droit. Ils pointent du doigt la Plateforme protectrice des enfants, association proche de l’ONG Bel Avenir, d’avoir manigancé la détention abusive des cinq détenus, « sans charges apparentes » selon leurs avocats. L’un d’entre eux est marié légalement. Deux autres en concubinage, mais ils ont, tous, un foyer, des enfants. « Qu’on les juge et condamne, s’ils sont coupables ou qu’on les libère » réclame Florentine en pleurs, 45 ans, une parente des filles soit-disant « abusées », alors qu’elle, mère, n’avait pas porté plainte. Les petites filles de Mangily de 12 à 17 ans font de l’argent facile, quand elles ont quitté l’école. Cette tradition est mondialement connue. Mangily a été élu comme Capitale du tourisme sexuel. De son côté, Fernand 50 ans, 4 enfants, ancien Dinabe, connait très bien ces cinq détenus. Dinabe est une organisation socio-économique, dédiée aux vols de bœufs, convention entre communautés riveraines, homologuée légalement au Tribunal. Fernand soupçonne la Plateforme, initiatrice de la plainte, comme origine de leur désolation et malheur. Ayant une grande expérience de Dinabe, il s’étonne que la Plateforme recrute le maximum d’associations, même celle qui ne s’occupe point d’enfants comme ADES (Développement de l’Energie Solaire) ou Toko Bey Telo, une autre organisation ethno-socio-économique comme Dinabe, rien à voir avec l’éducation des filles. Les Mères de Mangily tiennent énormément à leurs filles. Elles veulent bien qu’on s’en occupe, mais qu’il y ait un accompagnement, en même temps. C’est ce qui fait défaut justement dans cette histoire de sexe à Mangily. Une fois seulement, le Bureau International du Travail, avec l’actuel PM Ntsay Christian, est venu au secours des jeunes filles de Mangily. Il avait accordé une formation en cuisine à une douzaine de filles durant une année scolaire, en 2015. Une douzaine sur 40, dans le cadre de SOS Village d’Enfants. Alors que la vie continue. Chaque année, une dizaine de filles quittent l’école après le CEPE. Et quand on parle de tradition, cela veut dire un comportement depuis des années. Et, les jeux des Petites Filles de Mangily perdurent depuis un demi-siècle, un phénomène que la Plateforme doit approfondir sérieusement, si elle veut, réellement, les aider.
Charles RAZA