
Bon nombre de personnes sont réticents lorsqu’on les parle des Vazimba. Si certains les associent à la sorcellerie et au fétichisme, d’autres pensent qu’ils sont des êtres primitifs et sauvages qui ne font que grimper aux arbres…
L’historienne-archéologue Marie Robertine Rajoelinoro a soutenu sa thèse de doctorat à l’Université d’Antananarivo hier à l’Amphi 24 à 9 heures. Intitulé «Sur les traces des migrations Vazimba d’Analamanga aux Antehiroka d’Ambohitriniarivo », le travail a été dirigé par le professeur Rafolo Andrianaivoarivony et présidé par le professeur Lucile Rabearimanana. Structuré en huit chapitres, l’œuvre aboutit à une reconstitution historique et culturelle.
Un travail pluridisciplinaire. L’impétrante a travaillé sur vingt sites aux alentours d’Analamanga. Elle a également étudié les apports de l’archéologie sur les déplacements des Vazimba. Pour mener à bien ses recherches, Marie Robertine Rajoelinoro a effectué une approche archéologique. Dans un premier temps, elle a étudié les vestiges et les significations, c’est-à-dire l’analyse descriptive de l’objet ou de toute production humaine. Ensuite, elle a effectué des fouilles et a interprété les découvertes. Suivant la démarche archéologique, cette historienne-archéologue vise à confirmer à l’aide de traces matérielles, les informations de la tradition orale relative aux traces de la présence des Vazimba. Rajoelinoro a procédé à des fouilles à Ambohidroa et Ambohitriniarivo. Les sources archéologiques de surface et les sources dans le sol sont témoins de l’occupation de site dans le temps ancien.
Par ailleurs, Rajoelinoro ne se contente pas de faire appel à une seule discipline . En tant qu’historienne, elle a usé de la démarche d’historien en faisant plusieurs recoupements et analyses. Ainsi, elle a étudié les textes anciens comme les écrits des missionnaires chrétiens du XIXème siècle et les récits des agents de l’administration coloniale. D’après elle, « ces textes anciens donnent des indices sur l’origine des Antehiroka,et sur leur généalogie… ». À part les démarches archéologique et historique, Rajoelinoro a fait aussi appel à une autre discipline qui est l’anthropologie. Elle a adopté une approche participative pour voir de près le déroulement du culte. Elle a apporté une attention particulière pour éviter toute tendance subjective sur les sites étudiés. Enfin, Rajoelinoro a aussi utilisé des images satellites. Ces images donnent un repérage rapide sur les sites étudiés.
Un savoir-faire. D’après les traditions orales, les Antehiroka viennent d’Ambohidratrimoanala et d’Anjozorobe vers le XIVème siècle. Ils ont occupé l’Est d’analamanga et même jusqu’à l’Ouest chez les Vonizongo. « Cela signifie qu’il y avait des Antehiroka aux alentours d’Analamanga ». Ils avaient leurs privilèges spécifiques comme le Hasina, en tant que bénisseur de royaume, et le tsitsika en tant que maître de la circoncision. Contrairement à ceux que pensent la plupart des personnes, les Vazimba maîtrisent plusieurs techniques comme la riziculture.
Les habitants d’Analamanga au XIVe siècle avaient aussi leur croyance. Les fouilles archéologiques de Rajoelinoro prouvent effectivement les traces des mégalithes de sépulture témoignant que les Antehiroka pratiquaient des rituels. L’aménagement de territoire n’est pas une chose nouvelle pour ce groupe. D’ailleurs, ils maitrisaient leur espace.
Au début du XVIIe siècle, les Vazimba sont évincés par le roi Andrianjaka. Dès lors, ils quittent leur région et se dirigent vers le Nord et l’Ouest. Selon Rajoelinoro « les Vazimba se sont déplacés car ils étaient intimidés par l’armée d’Andrianjaka… Ils ne voulaient pas se soumettre ». Cependant, ces migrations ne sont pas associées au nomadisme mais à un déplacement de longue durée. Une fois arrivés à destination, ils ont laissé leur ancienne activité pastorale, et se sont adonné à la riziculture.
Les traces effacées. L’histoire ne consiste pas à analyser une période donnée, elle consiste à relier le passé avec le présent. Le travail de Rajoelinoro n’apporte pas seulement des informations sur les Antehiroka d’ Analamanga, mais conscientise aussi la population malgache à sauvegarder les patrimoines laissés par les anciens Antehiroka. L’impétrante remarque que bon nombre de traces sont effacées. Elles ont perdu leur valeur aussi bien historique que culturelle. Elles sont laissées à l’état naturel et ne sont plus conservées . Elles sont tombées dans l’oubli comme le mégalithe d’Ambatomainty. Le patrimoine culturel malgache est en danger…
Iss Heridiny