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vendredi, mars 29, 2024
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Asinome Harimino Elisé : « Conférences nationales, des assises tactiques pour avancer les pions sur l’échiquier politique »

« Il faut que les dirigeants assument leurs entières responsabilités », dixit Asinome Harimino Elisé.

Face au débat sur la tenue d’une conférence nationale, Asinome Harimino Elisé, Docteur en Histoire contemporaine, nous livre son analyse. Interview.

Midi Madagasikara : À presque une année de l’élection présidentielle on évoque, surtout au niveau de l’opposition, l’utilité d’une « conférence nationale », est-elle vraiment nécessaire ?

Asinome Harimino Elisé : Est-ce un passage obligé ? Une conférence, ou assise, à tout niveau régional ou national consiste essentiellement à offrir aux citoyens un espace, ou une tribune d’échange, permettant d’exprimer son point de vue sur un sujet lié à la situation du pays. Des idées divergentes ont été exprimées par les participants pendant plusieurs heures ou quelques journées, mais à la fin ils s’entendent sur quelques points qui font l’objet de déclaration commune. Le document contenant les points de discussions et de décisions est désigné convention ou chartre. À Madagascar, l’accord politique le plus connu est celui de la convention à l’Hôtel Panorama, du 31 octobre 1991. Cependant, le pays a connu des conférences nationales dans l’objectif de consulter l’avis des « ainées sociales », c’est-à-dire les personnes ayant certaines notoriétés par leurs parcours ou positions sociales et politiques. En avril 1962, les congressistes sont appelés pour trancher les objectifs de développement du pays. En avril 1971, les assises nationales revêtent aussi d’autres aspects : social et politique dans le cadre des journées de planification et de développement. Tenu dans la Capitale en septembre 1972, le congrès national visant à dénouer les situations de crise de mai 1972 est exclu aux partis politiques, les syndicats, les associations et les autres groupements. Ce qui montre donc que les concertations nationales mobilisent surtout les gens qui sont déterminés à débattre sur les affaires nationales en général. Puis les conférences nationales se concentrent davantage à régler les différends politiques comme celles de octobre 1991 et avril 2009. De plus, plutôt que de focaliser le débat sur les orientations et politiques de développement du pays comme dans les années 1960 et 1970, les congressistes sont animés par leurs stratégies politiques au profit de la répartition des postes ministériels ou la préparation de l’élection. Il s’agit donc, surtout depuis ces dernières décennies, des assises tactiques pour avancer les pions sur l’échiquier politique. A mon avis, l’organisation d’une conférence nationale devrait se réaliser si le débat est vraiment stérile et ne sert pas à satisfaire l’égo des politiques qui sont en panne de notoriété et profitent cette occasion à se démarquer pour bénéficier l’accès dans le système étatique

Midi : Quelles leçons pouvons-nous tirer des assises et concertations nationales du passé, surtout celles de 1971 et de 1992?

A.H.E : Dans le passé, le casting se présente différemment : les aînées sociales sont appelées pour se concerter, vu leurs expériences et connaissances. Elles exaltent un sentiment de fierté au niveau de leurs régions respectives et du pays grâce à leurs statuts sociaux ou parcours exceptionnels. L’organisation d’un tel événement relève de la compétence du pouvoir public. Actuellement, ce n’est pas le cas, les critères semblent flous et la représentativité entraîne de longues discussions. Même si, l’effort est ressenti par rapport à l’extension des participants à divers horizons : secteurs d’activités, jeunes, femmes. Mais, parfois trop d’influence s’invite dans l’organisation. Laquelle est confiée à la société civile dont la neutralité fait suspicion. Ce qui fait débat est canalisé et parfois biaisé. De plus, l’espace qui devrait être consacré aux échanges d’idées sur des sujets pertinents comme le code électoral, la constitution, la réconciliation nationale se transforme en lieu de marchandage et de positionnement. Auparavant, les enjeux étaient notamment de répondre aux défis de développement du pays et de montrer que les Malgaches prennent effectivement en main le destin d’une nation en voie de construction. De nos jours, les objectifs consistent surtout à accorder la satisfaction aux frustrés du régime en place.

Midi : Avec la culture de « l’unanimisme » et du « consensus », est-ce-que les dirigeants sont toujours condamnés à travailler avec les autres forces politiques, surtout avant les échéances électorales ?

A.H.E : Pour vous répondre, il faut voir le sens même du fihavanana qui est la base du vivre ensemble dans la communauté malgache. On se sert de cette notion tantôt pour tempérer une situation tantôt pour s’introduire dans un système. D’après mon constat, le fihavanana ne rime pas avec le système démocratique dont tous les citoyens doivent se soumettre à certains principes. A Madagascar, on peut feindre certaines règles de la démocratie, en raison du respect du fihavanana. Je me demande si le fihavanana reste compatible avec l’exercice du pouvoir et les valeurs démocratiques. Cette notion s’inscrit dans le domaine de subjectivité en matière de gestion des affaires publiques. Elle implique donc au partage de responsabilité pour que tout le monde se sente concerné en apportant sa part de tâche. Voilà le fameux « mitondra ny anjara biriky ». On demande aux dirigeants d’accorder une place pour l’équipe adverse, au nom du fihavanana. Cependant, il faut que les dirigeants assument leurs responsabilités. Ce qui fait donc l’échec et le succès relèvent d’eux-mêmes. Je ne crois pas que les forces politiques malgaches arrivent à s’attendre dans le régime partagé.

Midi : Qui devrait organiser cette concertation pour qu’elle soit légitime et acceptée par tous?

A.H.E : Pour moi, l’essentiel c’est qu’on arrive à trouver un bon médiateur. Peu importe qu’il soit Malgache ou étranger. Je me penche plutôt sur l’initiative des Malgaches pour la médiation parce qu’il s’agit de nos affaires internes. Comme dit l’adage : « lamba maloto ny tena tsy ahaka ». Mais d’après l’histoire politique récente du pays, on fait appel aux médiateurs internationaux pour avancer dans la discussion. Nous avons le Conseil du Fampihavanana Malagasy (CFM) qui regroupe des Raiamandreny venant d’horizons divers : cultuelles, culturelles et sociales. Leurs prestations pourraient être utiles pour faciliter le dialogue. Dans le contexte de gestion et prévention de conflit, ils sont mieux placés, même si certaines réformes de cette entité s’avèrent nécessaires. Nos rapports avec les membres CFM méritent aussi réflexion.

Recueillis par Julien R.

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