Le principe de séparation des pouvoirs risque d’être remis en question à l’Assemblée nationale.
Si le corporatisme primera sur l’Etat de droit, une résolution favorable à la libération des deux députés incarcérés sera adoptée vendredi prochain à l’Assemblée nationale. Jusqu’à présent, on tend vers cette éventualité. Et l’on y croit depuis la mise en place d’une commission chargée de « l’examen des demandes de suspension de la détention, des mesures privatives et restrictives de liberté ou de la poursuite d’un député ». Ladite commission s’est déjà réunie pour se pencher sur le cas de Hasimpirenena Rasolomampionona (élu à Fandriana) et de Ludovic Raveloson (élu à Mahabo). Si le premier, impliqué dans une affaire de vente illicite d’un terrain appartenant à l’Etat à Antananarivo, est placé sous mandat de dépôt à Antanimora, le second, épinglé par la Justice pour une affaire purement pénale, attend dans la prison de Morondava le verdict de la Cour d’appel de Toliara sur son recours. Les mesures judiciaires prises à l’encontre de ces députés ont été prises avant même le début de la campagne électorale des Législatives du 27 mai 2019. Hasimpirenena Rasolomampionona et Ludovic Raveloson ont croupi en prison durant la campagne électorale, mais, ils ont été bel et bien élus députés. Leurs noms figurent dans l’Arrêt n°45-HCC/AR du 02 juillet 2019 portant proclamation des résultats officiels des élections législatives du 27 mai 2019. « La Haute Cour Constitutionnelle ne s’ingère pas dans les affaires de la Justice. Laissons la Justice faire son travail. Le jugement des affaires pénales ne relève pas de la compétence de la Cour. », a précisé le président de la HCC Jean Eric Rakotoarisoa en marge de la cérémonie de proclamation des résultats officiels des Législatives du 27 mai.
Immunité parlementaire. Réagissant par rapport aux éventuelles actions à mener par les députés sur le cas de leurs deux collègues, le président du SMM (Syndicat des Magistrats de Madagascar) Clément Jaona met les points sur les « i » : « Si les deux députés croupissent actuellement en prison, c’est suite à des décisions de Justice. Ils ne peuvent donc s’en sortir que par des décisions de Justice. » Notre interlocuteur de se poser la question : « Une résolution qui serait adoptée en application d’un Arrêté (NDLR : Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale) pourra-t-elle annuler une décision de Justice qui a été prise conformément à une loi ? » A entendre le président du SMM qui a rencontré vendredi dernier les députés membres de la commission de l’examen des demandes de suspension de la poursuite d’un député, les cas de Hasimpirenena Rasolompionona et de Ludovic Raveloson sont différents. « Le député de Mahabo a été jeté en prison en 2017, c’est-à-dire qu’il était encore député (NDLR : précédente Législature). Il jouissait encore de son immunité parlementaire. La procédure judiciaire engagée contre lui doit être nulle. », a expliqué Clément Jaona. Avant de rajouter : « Si les députés veulent se plaindre de cette irrégularité de procédure, ils peuvent saisir le Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et de l’Etat de Droit. Cet organe constitutionnel peut par la suite saisir les autorités compétentes concernées par l’incarcération de l’élu de Mahabo. » En tout cas, si l’Assemblée nationale dont le règlement intérieur a été déclaré conforme à la Constitution par la HCC ne fait pas attention, elle risque de s’ingérer dans les affaires de la Justice. Le principe de séparation des pouvoirs serait remis en question. La séance plénière de vendredi prochain décidera de la suite des actions des députés.
R. Eugène