« Demain, vous serez de nouveau un État, comme vous l’étiez quand le Palais de vos Rois était habité, mais vous serez des hommes qui, en toute indépendance, se seront unis à d’autres hommes pour le meilleur et pour le pire. » C’est en ces termes que de sa voix chevrotante et en pointant le Palais de la Reine que le Général de Gaulle, le 22 août 1958 s’adressa à la foule massée à Mahamasina. Et le 14 octobre de la même année est née la Première République Malgache.
Au début de son discours il n’a pas manqué de louanges pour ce pays : « Je salue Madagascar, terre en plein essor, remplie de ressources qu’à juste titre les hommes d’ici veulent faire jaillir et développer ». C’est ainsi que ce grand homme dont l’aura et la grandeur de sa vision sont parvenus jusqu’au petit peuple, a galvanisé tout un pays. 59 ans après, ces propos nous donnent matière à réflexion. Qu’avons-nous fait de cette terre bénie des Dieux ? Qui est responsable de notre descente aux enfers au point d’être parmi le pays classé parmi les plus pauvres du monde ?
Dans sa vision le même De Gaulle s’est préoccupé, non sans intérêt pour la France : « Madagascar, terre avancée dans cet Océan Indien qui est le chemin de l’Asie vers l’Afrique, ce qui fait que votre île est, en permanence et aujourd’hui surtout, exposée, et peut, d’un jour à l’autre, se trouver gravement menacée. » A la croisée des enjeux commerciaux et politiques des continents (Afrique, dernier rempart de l’Occident ?), quel chef d’Etat malgache n’a pas eu conscience de cette position stratégique qui est à la fois une menace, mais aussi une opportunité mais, hélas, que nous n’avons pas su saisir. Hier, base militaire française puis tour de garde américaine (NASA), puis relais soviétique. De quoi sera-t-il fait demain ? Un poste avancé de la Chine ? Qui sait ?
59 ans après ce discours historique, le bilan de la situation économique et sociale est bien critique. Toujours est- il que l’actuel Président malgache a été convoqué le lendemain de la célébration de l’indépendance par son jeune homologue français pour être tancé sur sa politique sécuritaire. Interpellé sur le cas des sujets français, anciens auxiliaires de l’économie de traite de l’ère coloniale (lire L’Economie malgache de René Gendarme), il est prié d’accepter l’assistance d’un juge français dans la résolution de ces cas de kidnappings à répétition. Signe que l’on doute même dans l’exercice de nos fonctions régaliennes de justice et de sécurité pourtant bases de notre souveraineté.
« Pleure ô mon pays bien aimé » a écrit l’écrivain Sud-africain Alan Paton en constatant les vices de l’Apartheid. Et nous et nous ? Marchons à reculons, il y a plus qu’à pleurer.
M.Ranarivao