Ouf, il a fallu du temps pour que l’un de nous soit à la tête du pays. Nous, créés mais non pas engendrés de même nature que les hommes. Walt Disney et ses compères, nos créateurs, doivent être fiers dans leur tombe, qu’un de leurs rejetons soit devenu Président des « Mares- Unies ». Mais bizarrement, c’est toi le vilain petit canard grincheux, colérique et laid qui ait écrasé tous les autres prétendants. D’une trompe tu les as coiffés de bonnets d’âne. Ils n’auraient pas du te prendre pour un canard sauvage. Enfin il est vrai que ta vie, tu l’as bien menée malgré tout.
De l’argent ? Tu as pris l’exemple de l’oncle Picsou et avec force d’avarice et de fourberie, les gratte-ciels sont devenus des jouets pour toi. Comme lui, tu vis maintenant sur une montagne de pièces d’or.
De l’amour ? tu n’as eu à vrai dire, que de belles fiancées dociles comme Donna , Daisy et les autres moins connues . Que des fiancées, car tu disais toi-même que les canes sont appelées à être soumises aux mâles, et elles ne sont bonnes qu’à pondre des Riri ,des Loulou et des Fifi.
Du bonheur ? On ne le sait pas trop, toujours est-il que ce qu’on voit en toi, c’est le teigneux « va-t-en guerre » assoiffé de gloire et de pouvoir. Mais comment as-tu fait pour en arriver là ?
Tu as dit, d’abord, « Dehors les canards sauvages !» Eux qui volent allègrement au dessus des frontières et viennent polluer chez nous. Tu as suggéré même de bâtir un mur assez haut pour les empêcher de venir du Mexique, pays d’une cane dont tu as été éperdument amoureux mais qui n’a pas voulu de toi, du moins à ce que l’on raconte.
Puis, tu veux nous isoler et que DonaldVille , la prospère, soit indifférente des misères du monde et que les autres n’ont qu’à se débrouiller eux-mêmes. Et même pour les canards boiteux de chez nous, tu as dit qu’ils n’ont pas besoin de soins.
Ensuite, que nos usines déménagées ailleurs soient rapatriées et nous rendent notre travail répètes-tu. Mais là , tu as mal appris la première leçon de l’oncle Picsou qui dit que les ouvriers doivent être taillables et corvéables à merci pour enrichir le patron, d’ailleurs tu as été une des victimes , un moment de ta vie et c’est noté dans les albums de notre famille.
Enfin, pas de canards barbus et voilés chez nous ! De ta part, ce n’est pas une surprise, tu as été toujours partisan d’un suivisme de canard , dandinant à la queue leu-leu et ceux qui ne sont pas dans la file n’ont qu’à bien se tenir.
Et voilà, nos compatriotes t’ont suivi au rythme de notre hymne : « Ils vont les petits canards / Tout au bord du Rio Grande / barboteurs et frétillards / Comme de bons campagnards… la la et la la …».
M.Ranarivao