
Bien loin des bruits de couloir et des statistiques officielles, il suffit de descendre auprès des jeunes des quartiers pour comprendre l’engouement de la jeune génération envers la consommation de cannabis. Un produit illicite, illégal mais qui circule pourtant si facilement dans la capitale.
Allumer son premier joint (rongony) à l’âge de 15 ans. « Des consommateurs de cannabis ? Il y en a au moins un dans chaque quartier. Si on ne s’en aperçoit pas, c’est parce qu’il est discret ». Voilà ce qu’a affirmé le premier groupe de fumeurs de cannabis à qui on a demandé les endroits où l’on pourrait trouver d’autres consommateurs. Pour le profil du consommateur, il peut être un étudiant, un vagabond, un parent, un chômeur, un agent de sécurité et même des personnes à haute responsabilité ; bref toutes les couches de la société sont bien représentées. Ils n’ont rien en commun à part la consommation quotidienne ou occasionnelle de marijuana. Interrogés sur leur rencontre avec ce produit, certains d’entre eux affirment avoir commencé de fumer dès l’âge de 15 ans. « C’est un garçon de mon quartier qui m’en a proposé pour la première fois en 2008. Au départ, l’effet que cela m’a fait ne m’a pas plu mais par la suite, à force d’en consommer occasionnellement, j’ai fini par y prendre goût ! » a raconté un jeune garçon qu’on va nommer X.
Première expérience, la peur au ventre. Avant tout, il convient de rappeler que la détention et la prise de cannabis sont passibles de peine de prison à Madagascar. « Les consommateurs de marijuana s’approvisionnaient dans mon quartier, j’ai donc eu l’habitude de côtoyer les fumeurs sans jamais essayer. Mais un jour, j’ai été tenté malgré ma peur d’aller en prison. Et depuis, je n’ai plus arrêté, cela m’inspire quand j’écris ou quand je crée une œuvre ! », a confié monsieur Y (un jeune artiste) au sujet de ses premiers pétards (marijuana). Sur les dix jeunes fumeurs interviewés, la totalité a avoué avoir eu peur des autorités mais aussi des éventuels effets néfastes de ce stupéfiant sur la santé mentale à leurs débuts. Aujourd’hui, certains disent vouloir arrêter, d’autres préfèrent ne pas se prononcer sur leurs projets. « Quand je suis stoned (sous l’emprise du cannabis), je me sens détendu et complètement focalisé sur ce que je fais ! » a déclaré un autre fumeur. « Mais parfois, je m’égare aussi dans mes pensées, je perds la notion du temps ainsi que le contrôle de mes gestes », a-t-il ajouté.
Une lutte sans fin. « Les films qui passent à la télé où les stupéfiants sont montrés comme des produits attrayants, encouragent les jeunes à choisir la voie de la consommation », a expliqué madame Rondro, un peu désespéré du comportement de la jeunesse actuelle. De leur côté, les autorités continuent les interpellations, encore quelques jours, des dealers de cannabis ont été arrêtés par la police du commissariat central d’Antsirabe. Mais cette lutte qui a duré des années n’a pas l’air de freiner la fréquence de consommation des adeptes. En effet, un fumeur peut terminer trois à cinq tiges de cannabis par jour. De plus, avec la légalisation ou la dépénalisation du cannabis médical ou récréatif dans certains Etats : Canada, Allemagne, Etats-Unis, Uruguay, Pays-Bas, Espagne, Belgique et bien d’autres encore ; les adeptes de ce stupéfiant semblent croire qu’un jour, cette loi sera également appliquée dans la Grande Île.
Anja RANDRIAMAHEFA