
Des membres du corps des enseignants-chercheurs et chercheurs-enseignants dénoncent des irrégularités dans le processus d’élection des dirigeants des universités publiques de Madagascar.
« Ce qui se passera du lundi 11 au mardi 12 avril prochain découle du conseil national du Syndicat des enseignants-chercheurs et chercheurs-enseignants de l’enseignement supérieur (Seces) de la Grande île, organisé le 23 mars 2022. Les syndicats des enseignants-chercheurs et chercheurs-enseignants de Madagascar ont décidé ce jour-là de mener une action commune afin de manifester notre refus de la décision de la Haute Cour Constitutionnelle de rejeter la loi relative à l’autonomie universitaire ». Ce sont là les propos d’un enseignant-chercheur qui a préféré taire son nom pour expliquer la situation qui va prévaloir dans certaines universités publiques de Madagascar ce jour et demain. En effet, jusqu’à l’heure où nous mettons ces informations sous presse, le Seces Antananarivo et le Seces Toliara ont annoncé leur adhésion à cette manifestation commune. « Cette initiative constitue tout simplement un moyen pour le Seces de faire comprendre à l’État sa position par rapport au rejet de la loi relative à l’autonomie universitaire », note notre source. Avant d’ajouter que « les enseignants-chercheurs et les chercheurs-enseignants ne sont pas contents, ils sont même en colère après l’État ». À en croire notre source, « les divers troubles et manifestations observés dernièrement dans le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ne sont pas fortuits ».
Népotisme. Outre la loi rejetée par la Haute Cour Constitutionnelle, le Seces dénonce également « des irrégularités dans le processus de recrutement d’enseignants-chercheurs et de chercheurs-enseignants » mené actuellement. « Le recrutement se fait actuellement suivant ce que veulent certaines personnes. Le processus sent la corruption, l’immixtion politique et le “kiantrano antrano”. On ne prend pas en compte les besoins et les réalités dans les établissements. Ce qu’il y a actuellement c’est du copinage et du clientélisme », peste un autre chercheur-enseignant. Selon les dires de ces syndicalistes, « le recrutement de certains enseignants-chercheurs et chercheurs-enseignants nouvellement embauchés n’a pas suivi les conditions exigées par le Seces ». Entre autres, « un ou une vacataire disposant de trois ans d’ancienneté, soit une personne inscrite en troisième année dans une école doctorale ». Pour les enseignants-supérieurs, « l’immixtion politique dans le processus de recrutement constitue un danger pour la qualité de l’enseignement à Madagascar ».
Université. Des enseignants supérieurs déplorent l’organisation du processus électoral auprès des universités publiques du pays. L’irrégularité commencerait dans le texte légal qui régit les élections elles-mêmes, si l’on s’en tient aux syndicalistes. « Le ministère de tutelle a sorti le décret 2022-279 modifiant et complétant certaines dispositions du décret 2002-565 du 4 juillet et ses textes modificatifs fixant l’organisation et le fonctionnement des Universités et des établissements d’Enseignement Supérieur. Une fois cela fait, le ministère a sorti une note explicative qui, au lieu d’expliquer, modifiait certaines clauses du décret sorti. Depuis quand une note peut-elle modifier un décret ? », peste un enseignant-chercheur d’Antananarivo. D’autres irrégularités sont également soulevées. Dans le Sud par exemple, « la composition même du comité électoral ne respecte pas les normes », notent des sources concordantes locales. « Le comité était composé de personnes de la même famille. On a eu droit à un couple et des frères parmi les membres de ce comité », déplore notre interlocuteur. Un certain nombre d’enseignants-chercheurs et chercheurs-enseignants rejetteraient d’ailleurs l’élection qui s’est tenue le 4 avril dernier à Toliara. Notre source conclut: « à Toliara, certains candidats ont payé pour avoir des voix. Beaucoup de personnes le savent. Il y a de nombreux témoins car la pratique s’est faite au vu et au su du monde universitaire. À Morondava, le bureau de vote était ouvert bien avant l’heure réglementaire. L’élection qui s’est déroulée est tout sauf inclusive et transparente ».
José Belalahy